La revanche des seconds rôles

Après un début de course tonitruant qui l'a vu se hisser jusqu'en 7e position, cette dernière est une véritable miraculée. Incapable de démarrer au terme de son premier ravitaillement, elle a déjà perdu deux tours lorsqu'elle subit un second arrêt de 25 minutes sur une panne de condensateur. Un peu dépités de ne pas avoir pris le départ sur un "vrai prote", Masten Gregory et Jochen Rindt y voit un bon moyen d'écourter leur corvée. Pendant la longue immobilisation, Rindt s'est même changé et il est prêt à repartir à Paris, lorsque Luigi Chinetti, le patron du NART et ancien triple vainqueur des 24 Heures, lui enjoint de continuer. l'Autrichien, pose alors une condition : "OK, je repars, mais je roule à fond jusqu'au bout, que la voiture tombe en pièces ou que nous gagnions !" Tout aussi bouillant, Masten Gregory ne sera pas en reste et à chaque ravitaillement les mécaniciens éviteront de jeter un regard au mouchard du compte-tours. Le V12 constamment poussé à 9000 t/mn, au lieu des 7700 t/mn préconisés en endurance, va pourtant refuser de casser! Six trains de pneus et de garnitures de frein plus tard, la LM ne se contente pas de résister aux mauvais traitements, elle revient à raison de 12 secondes au tour sur sa "cousine belge". Pilotée, plus prudemment par Gosselin et Dtunay, cette dernière a ainsi perdu entre 4 heures et 9 heures du matin ses deux tours d'avance. Décapitée après le retrait de toutes ses "stars", la course retrouve soudain tout son intérêt. S'il passionne le public, le duel n'est pas du goût de Dragoni, le directeur sportif de Ferrari. pour ne pas risquer de tout perdre et sauver un honneur bien terni, il veut que les "Clients" restent sur leurs positions. Chinetti refuse et/toutes façons, ses pilotes ne veulent rien entendre. Peu avant 13 heures, l'écart n'est plus que 53 secondes, mais la LM du NART doit encore concéder un ravitaillement supplémentaire par rapport à sa rivale et rien n'est fait. Tout bascule soudain, lorsque Gosseli est victime de l'éclatement de son pneu arrière droit. Il réussit à éviter la sortie de route et à regagner son stand mais, l'aile très abîmée va coûter cinq tours d'immobilisation. Dès lors, la cause est entendue et la course se transforme à nouveau en une véritable procession d'éclopés. A à bout de souffle, la LM menée un plus sagement en fin de course par Gregory franchi la ligne victorieusement. Il était temps : le différentiel est en miette. En menant leur voiture pied au plancher du début à la fin. Rindt et Gregory ont gagné leur pari un peu fou. Sur le podium, ils semblent tout autant surpris que rayonnant de bonheur de se voir devenus les héros de la fête. La 275 LM, tient également sa revanche. Laissée pour compte, un peu comme le vilain petit canard de la fable, par la Scuderia après son bannissement par la CSI, cette "fausse vraie GT" ne va pourtant guère savourer son triomphe. A l'image d'une doublure de cinéma qui volerait involontairement le premier rôle à la vedette, elle "s'excuserait" presque d'avoir profité de la glorieuse incertitude du sport pour s'imposer. Projetée sous les pour raisons d'État... Le message "Ford battu, Nouvelle victoire Ferrari au Mans" est le meilleur écran de fumée susceptible de masquer la déroute des fiers prototypes. Ainsi, à Maranello, on évite soigneusement de citer le type de la voiture victorieuse dans les communiqués. Cet artifice qui va parfaitement fonctionner auprès du grand public et des médias non spécialisés, ne trompera pas les observateurs les plus avisés. Tous s'accordent à penser qu'une page vient de se tourner au lendemain de cette édition 1965. Ferrari n'est plus invincible.

La LM victorieuse : une exceptionnelle longévité

Parmi les 32 Ferrari. LM, la "5893" est non seulement la plus glorieuse par sa victoire aux 24 Heures du Mans 1965 mais aussi la plus endurante de la série, ne prenant sa retraite qu'en 1970 après une 7e place aux 24 heures de Daytona. Pilotée à cette occasion par "Coco" Chinetti, le fils du fondateur du NART, et par Greg Young, elle sera aussi la dernière LM à prendre part à une manche du championnat du monde des Sport-prototypes. Entre temps, elle a participé aux 24 Heures du Mans 1968 et 69 (8e) et aux 24 heures de Daytona 1966 (9e) et 68. Terminant quatre des six courses de 24 heures dans lesquelles elle a été engagée, cette Ferrari LM est aujourd'hui exposé au musée d'Indianapolis.

Les 9 victoires Ferrari au Mans 1949 :

Chinetti-Lord Selsdon... 166 MM 1954 : Gonzalez - Trintignant... 375 "Plus" 1958 : Gendebien - P. Hil 250 TR

1960 : Gendebien - Frère 250 TR 60

1961 : Gendebien - P. Hill 2 5 0 TR 61

1962 : Gendebien - P. Hill 330 LM

1963 : Scarfiotti - Bandini 250 P

1964 : Guichet - Vaccarella 275 P

1965 : Gregory - Rindt 275 LM

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