A une époque où l'Endurance se disperse dans une multitude de courses aux règles confuses, les 24 Heures du Mans restent plus que jamais l'épreuve phare de la saison. Une période qui marquée par le triomphe sans partage de Ferrari capable de vaincre aussi bien en Prototype qu'en GT. L'arrivée de Ford avec les Cobra d'abord, puis les GT 40 en 1964 apportent un regain d'intérêt et l'espoir de duels indécis.

Souverain dans le Championnat du monde GT, invaincu au Mans depuis 1960, Ferrari se console de ses déboires en Formule 1 en transformant en véritable chasse gardée les courses d'endurance. Les 250 GTO, championnes du monde 1962 dominent toujours leur sujet et la nouvelle 250 P à moteur central, hormis un faux-pas à la Targa Florio, a condamné ses rivales à de la simple figuration. Dans ce contexte, où beaucoup ont renoncé ou attendent des jours meilleurs on ne voit pas très bien qui empêcherait Ferrari de remporter un quatrième succès consécutif aux 24 heures.

1963 : Mini plateau, mini spectacle

Ferrari est bien sûr le grandissime favori de cette édition qui ne réunit que 49 partants. Pour la victoire à la distance, la Scuderia aligne trois 250 P (V12-3litres) pour Surtees - Mairesse, Parkes - Maglioli et Scarfiotti - Bandini et peut compter sur la rapide 330 TR à moteur avant (la voiture victorieuse en 1962) engagée par le NART pour Pedro Rodriguez - Roger Penske. Elles seront secondées par trois 330 LMB (des "grosses" GTO à moteur 4 litres) étroitement suivies par l'usine pour Gurney - Hall, Guichet - Noblet et Sears - Salmon et une autre 330 LM (à moteur 3 litres) pour Gregory - Piper. Enfin, en GT, trois classiques 250 GTO sont aux main de "Beurlys" - Langlois, "Eldé" - Dumay et Tavano - Abate.

Pour contester la victoire aux Ferrari en "Prototype", la Maserati 151 à moteur 5 litres de Simon - Cassner semble bien esseulée, alors que la nouvelle Lola GT à moteur central Ford V8 de Hobbs - Attwood semble encore bien tendre. Aston Martin fait figure d'outsider, davantage par la qualité des équipages présentés que sur le potentiel réel de ses voiture : une nouvelle DP 215 à moteur 4 litres pour Phil Hill - Lucien Bianchi et deux DP 214 GT pour Schlesser - Kimberley et McLaren - Ireland. Toujours parmi les outsiders figurent les trois Jaguar E de Briggs Cunningham - Grossman, Hansgen - Pabst et Salvadori - Richards et les deux AC Cobra de Bolton - Sanderson et Hugus - Jopp. Avec deux prototypes 718 à moteur 8 cylindres et deux Carrera 2000 GT, Porsche comme de coutume joue "dans son coin" et vise une victoire de classe. Forte présence française dans les petites cylindrées avec cinq René Bonnet à moteur Renault et une nouvelle marque qui débute au Mans, Alpine qui présente trois M63, elles aussi à moteur Renault, qui se sont fixés une victoire à l'indice. Comme de coutume, l'effectif est complété par de nombreuses voitures britanniques (Lotus, Sunbeam, MG B, Austin Healey) et quelques italiennes (Alfa Romeo SZ et Fiat Abarth 850). Enfin, une grosse attraction avec les débuts d'une voiture à turbine au Mans : la Rover-BRM. Pilotée par Graham Hill - Richie Ginther, elle est frappée d'un numéro 00 et court hors classement.

La marée rouge

Meilleur temps aux essais, Pedro Rodriguez est rapidement débordé par la grosse Maserati. Simon et Cassner animent le début de course avant de renoncer vers 19 heures (transmission). Après un court intérim de Parkes - Maglioli, Surtees - Mairesse s'installent pour longtemps au commandement devant Scarfiotti - Bandini. Rien ne semble vouloir venir troubler la quiétude des Ferrari d'autant que derrière c'est l'hécatombe. Emaillée d'accidents (dont celui qui coûtera la vie au Brésilien Bino Heinz sur une Alpine) et de casses mécaniques, les effectifs se sont réduits de moitié avant minuit ! La remontée de l'Aston Martin de Schlesser - Kimberley jusqu'à la 3e place entretient un semblant de suspense pendant la nuit, mais peu après 3 heures, elle doit renoncer (moteur cassé). Il faut attendre le milieu de matinée pour enregistrer un nouveau rebondissement. Après un ravitaillement, la 250 P des leaders s'enflamme à l'entrée du Tertre Rouge. Brûlé au bras Mairesse finit sa course dans les fascines et laisse le commandement à Bandini - Scarfiotti, alors solides seconds. Possédant une solide avance sur la Ferrari GTO de "Beurlys" - Langlois, les deux hommes rallient victorieusement l'arrivée, assurant le premier triomphe 100 % italien (pilotes/voitures) dans l'histoire du Mans et le premier succès d'une voiture à moteur central. Il faut aller à la 7e place pour trouver la première non Ferrari, l'AC Cobra de Bolton - Sanderson, alors que la seule française rescapée, la René Bonnet de Beltoise - Bobrowski termine 11e et enlève l'Indice énergétique. Enfin, pari réussi pour la Rover - BRM à turbine qui parvient à terminer malgré une consommation moyenne de 43 litres/100 km de kérosène.

1964 : Ford arrive, mais Ferrari résiste

Depuis longtemps, Ferrari n'est plus seul : Ford vient de dévoiler un programme très ambitieux en Prototype et regain d'intérêt également en GT avec le duel très indécis que livre les nouvelles Cobra Daytona aux Ferrari GTO. Il n'en faut pas plus pour que les 24 Heures du Mans retrouvent tout leur lustre et fassent le plein d'engagés. Tenant du titre et toujours souverain en Prototype dans les épreuves du début de saison, Ferrari aligne trois 275 P (moteur 3.3 litres) pour Guichet - Vaccarella, Parkes-Scarfiotti et Baghetti-Maglioli et une 330 P (4 litres) pour Surtees-Bandini. L'équipe officielle est soutenue par les 330 P du NART (Rodriguez-Hudson) et de Maranello Concessionnaires (Bonnier-Graham Hill) et les deux 250 LM de Piper - Rindt et Dumay - Langlois. Face cette armada Ford aligne trois GT 40 à moteur V8-4.2 litres pour Phil Hill - McLaren, Ginther-Gregory et Schlesser - Attwood, rapides mais encore peu fiables. Toujours animée par son gros moteur 5 litres, mais affichant une ligne affinée, la Maserati 151 de Trintignant - Simon entend bien semer le trouble dans le duel des deux "Grands", alors que le deux Sunbeam Tiger à moteur Ford V8 ainsi que l'Iso à moteur Chevrolet 5.3 litre, plus proches de GT que de véritables prototypes, affichent des ambitions plus modestes. Grande bataille en perspective dans la catégorie GT où quatre Ferrari GTO 64 font face aux deux coupés Cobra Daytona de l'équipe Shelby et à un roadster modifié aligné par l'usine AC. En catégorie deux litres, la victoire ne devrait pas échapper à Porsche venu en force avec deux prototype 904 à moteur 8 cylindres et cinq GTS quatre cylindres. Enfin, quatre Alpine Renault, cinq René Bonnet et deux CD Panhard se disputeront la victoire en petite cylindrée et à l'Indice.

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