Le projet du circuit de Yas Marina avait été lancé au milieu des années 2000 sous l'impulsion de Philippe Gurdjian, déjà impliqué dans la mise sur pied du Paul Ricard HTTT à la fin des années 90. Et dans une région des Emirats Arabes Unis où les projets immobiliers les plus délirants se succédaient, l'objectif fixé par les promoteurs d'Abou Dhabi était tout naturellement de pousser à son paroxysme le concept d'un circuit automobile hi-tech, conçu pour offrir tout ce qu'un visiteur ( et / ou utilisateur ) peut rêver de trouver. Avec le célèbre architecte Hermann Tilke aux commandes, les promoteurs sont parvenus à un résultat qui n'aura certainement jamais d'équivalent ailleurs dans le monde en terme de technologie, de débauche de moyens et de surenchère ostentatoire. Prenez le HTTT, multipliez par dix le budget, délocalisez-le au milieu du désert et vous obtenez le circuit de Yas Marina.


Un paradis incontournable du sport automobile ? Ou et non, en fait. Une fois sur place, les installations impressionnent partout sur le site. L'enceinte du circuit ressemble à une petite ville qui comprend un édifice hallucinant, le Yas Hotel, un grand établissement cinq étoiles au design avant-gardiste que certains pilotes s'amusent à surnommer affectueusement « La baleine » et qui enjambe directement le circuit. Outil idéal pour les équipes qui peuvent y loger invités et autres VIP qui préféreront sans doute suivre ( plus ou mois ) les courses de la terrasse supérieure de l'établissement avec une coupe de champagne à la main ou dans leur suite, le Yas possède un demi-millier de chambres, rien que ça.


Le paddock lui aussi dépasse largement la teneur habituelle d'un circuit automobile : point de motorhomes à construire pendant les week-ends de course, les infrastructures disposent déjà de mini-hôtels particuliers sur place au design évoquant vaguement les palais locaux. Quant aux tribunes spectateurs, elles sont gigantesques et recèlent toutes d'espaces VIP climatisés. La piste reprend le principe des surfaces de dégagement en tarmac abrasif inaugurées sur le Paul Ricard HTTT dans une version encore plus poussée et reprenant un coloris bleu-vert, couleur officielle de Yas Marina. Le circuit entoure l'eau de la marina dans laquelle mouillent quelques yachts dont la taille se compte souvent en dizaines de mètres. Bref, tout est construit pour respecter dans les grandes lignes le cliché qu'on se fait habituellement des Emirats Arabes Unis, une débauche de moyens sans pareil et un étalement des richesses locales. Oui, on en prend plein les yeux mais tout cela manque cruellement d'authenticité. Le jour, il faut extrêmement chaud même au mois de mars, où le thermomètre atteint les 40 degrés au plus fort de la journée. Sans compter une lumière naturelle du jour qui convient visuellement assez mal à toutes ces installations, conçues pour émerveiller seulement une fois le soleil couché lorsque les néons et autres diodes donnent un rendu presque magique à Yas Marina. En fait, le circuit est clairement pensé pour être utilisé seulement de nuit, la température étant vraiment trop élevée pour pouvoir y circuler dans de bonnes conditions pendant la journée. Quant au tracé de la piste en lui-même, il est dans l'ensemble assez vivement critiqué par les pilotes pour son manque de difficulté et de courbes à haute vitesse ( les voitures de course y dépassent rarement le troisième rapport de la boîte de vitesses ! ).



Bref, tout est pensé pour être plus beau qu'ailleurs, plus technologique, plus luxueux, plus abouti, plus confortable. Mais au final, on se dit que le charme d'un vieux circuit à l'européenne comme Spa Francorchamps, Monza ou même celui du Castellet – pourtant déjà hautement technologique depuis sa reconstruction – n'a rien à voir avec ce que propose Yas Marina, ce paradis artificiel édifié en plein milieu du désert. Un site extraordinaire qui mérite d'être vu et visité, mais sans doute pas un vrai truc de passionné.


Faune automobile locale : du bling bling et des surprises


On le voit régulièrement, les Emirats Arabes Unis recèlent d'automobiles de prestige souvent très hautes en couleurs. Durant notre visite à Yas Marina, certains véhicules répondaient effectivement à cette description. Des BMW X5 blancs personnalisés, des Bentley Continental GT, du gros SUV parfois un peu tuné, de la Maserati à peinture mate ou quelques Rolls-Royce Phantom qui trainaient devant le Yas Hotel ou dans le paddock. En revanche, certains véhicules nous ont surpris comme cette Lancia Delta HF Integrale superbement tenue ou même cette rare Alfa Romeo SZ. Sans parler de quelques berlines inconnues chez nous qu'il est amusant de voir ici, comme la Renault Safrane ( une Samsung ) qui sert souvent de taxi dans Abou Dhabi.

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Les Emiratis roulent la plupart du temps dans le même type de véhicules que les Américains : soit du gros SUV à boite automatique, soit de la berline à dimensions moyennes. Tous équipés de moteurs essence à la cylindrée souvent importante, puisque le litre de sans plomb est à moins de 0,4 centimes d'euro le litre. Les marques diffèrent cependant par rapport au marché US. Si la Toyota Camry est incontournable ici aussi, les SUV Chevy ou Ford sont remplacés par de gros Toyota, Lexus ou Nissan. Ah oui, et si vous ne disposez pas d'un véhicule climatisé, vous êtes mort !



Les infrastructures routières du pays sont dans un état parfait et leur capacité semble démesurée par rapport aux besoins des habitants. Les routes – à quatre voies ! – sont vides en permanence autour de Yas Marina. Le paysage urbain est aussi étonnant que celui du circuit. Comme si on avait tout construit pendant des décennies sans penser à l'utilité réelle de tels projets. Que se passera-t-il dans quelques dizaines d'années lorsque les réserves pétrolières seront bel et bien taries dans la région ?