Aujourd'hui, le tribunal correctionnel de Paris qui juge le naufrage de l'Erika a épluché la politique de Total pour choisir les bateaux qu'il affrète. Le groupe pétrolier présentera ainsi dans les jours qui suivent un aperçu de ses grands axes de défense. Total, prévenu en tant que personne morale, nie toujours toute responsabilité. Son représentant légal, Alain-Marc Irissou, veut écarter la thèse de la "négligence" de la part de Total : "Ce bateau était affecté d'un vice caché. Il n'est pas normal qu'un navire, même âgé de 24 ans, se brise en deux, même par vent de force neuf ou dix, une nuit de décembre. Malgré toutes les diligences que pouvait faire Total, Total ne pouvait pas le détecter. Quant à savoir qui aurait dû le faire, il appartiendra au tribunal de le déterminer." Lors de la dernière audience, l'ancien directeur des affaires juridiques du service trading/shipping de Total, Bertrand Thouillin, a montré du doigt la société de classification italienne Rina qui avait délivré à l'Erika son certificat de navigabilité. Total avait dû longuement s'expliquer sur le "vetting", l'inspection des navires effectuée par les compagnies pétrolières elles-mêmes : "Cette inspection n'est qu'une initiative volontariste des compagnies pétrolières, ne reposant sur aucune obligation née d'une réglementation internationale ou communautaire. Il ne faut absolument pas confondre vetting et classification. Total ne faisait pas deux poids deux mesures avec ses critères de sécurité selon que le navire est affrété à temps, c'est-à-dire pour une certaine durée, ou pour un seul trajet, comme ce fut le cas de l'Erika, loué pour livrer du fioul lourd en Italie."

"L'Erika, un bateau âgé, transportait du fioul lourd très polluant et était affrété pour un seul voyage : cette accumulation ne représente-t-elle pas un facteur à haut risque ?.", demande le président. Thouillin réplique qu'"à l'époque, le secteur étant déprimé, il n'y avait pas de bateau neuf et que la moyenne d'âge des tankers d'un tonnage équivalent à l'Erika était de 18 ans. D'ailleurs, dans les 14 mois ayant précédé le naufrage, des compagnies comme Repsol, BP, Shell et Texaco avaient elles aussi donné leur "vetting" à l'Erika." Le président répond : "La renommée du propriétaire était-elle un critère ?." Thouillin rétorque : "Ce sont des gens qu'on ne connaît pas. Ils confient leur navire à des gestionnaires." "Dans cette affaire, on a un peu l'impression que personne ne se connaît..., qu'il y a des compartiments. On passe de l'un à l'autre sans qu'il y ait de connaissance, de lien", s'étonne le président. La semaine dernière, le gestionnaire de l'Erika, Antonio Pollara, avait assuré qu'il ne savait pas avant le naufrage que le navire appartenait à Giuseppe Savares qui se présentait seulement à lui comme le "représentant légal" de la société propriétaire, Tevere Shipping. "Je ne peux pas faire le tour du monde pour vérifier les sociétés off-shore", avait-il plaidé. Dans l'affaire du naufrage de l'Erika, Total a-t-il de l'eau jusqu'au cou ? Réponse dans les semaines qui suivent.

Source : AFP