Des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de la Faculté de Pharmacie de Lille travaillent sur les méthodes de biosurveillance depuis de nombreuses années, les bio-indicateurs végétaux.

Il s'agit d'une technique permettant d’obtenir des informations sur l’environnement à partir de l’étude de l’impact de cet environnement sur des organismes vivants. Ils ont alors mis au point des protocoles d’utilisation de différentes plantes (tabac, lichen, mousse, ray-grass) afin de surveiller notamment la qualité de l’air. Leurs travaux ont abouti à la parution de quatre normes AFNOR de biosurveillance de l’environnement en juin 2008.

L'INRA explique que l’estimation de la qualité de l’environnement (air, eau...) se heurte à la présence fréquente de faibles teneurs en polluants rendant les analyses difficiles, et au coût élevé des mesures et analyses physico-chimiques : certains végétaux ont toutefois la propriété, soit de réagir très rapidement et de façon très visible aux polluants, soit d’accumuler fortement les polluants présents. Ils peuvent ainsi devenir des bio-indicateurs ou des bio-accumulateurs. L'INRA détaille cette technique :

1) Le tabac : la bio-indication de l’ozone

Le tabac Bel W3 (ou Bel C) est très sensible à l’ozone, polluant majeur de l’air qui provoque sur cette plante des nécroses foliaires spécifiques. La mesure des surfaces nécrosées est utilisée pour définir un "indice des dommages foliaires" qui donne une estimation du niveau relatif d’ozone présent dans l’air.

A l’échelle d’une agglomération, les informations données par un certain nombre de stations d’étude comprenant des plants de tabac Bel W3 permettent de cartographier la distribution de l’ozone. Plusieurs villes ont été cartographiées en France, en collaboration avec les services municipaux ou les ASQA (avant l’élaboration de la norme) : Nancy, Rouen, Le Havre, Blois, Strasbourg, Mulhouse, Lille, Boulogne, Calais, Dunkerque mais aussi des villes en Allemagne, Belgique, Luxembourg, Monaco. Depuis cette année, le protocole utilisé est devenu la norme NF X 43-900.

Avec la biosurveillance, la pollution de l'air est cernée !

(tabac Bel W3 sain)

Avec la biosurveillance, la pollution de l'air est cernée !

(nécroses foliaires dues à l’ozone sur tabac Bel W3)

2) Mousses, lichens et ray-grass, d’autres bio-indicateurs et bioaccumulateurs, d’autres normes

Les lichens sont des organismes vivants bien adaptés pour l’étude des contaminants présents dans l’atmosphère sous forme de gaz ou particules en raison de leurs particularités anatomiques (absence de stomates, ratio surface/volume élevé…) et de leurs caractéristiques physiologiques (croissance lente, photosynthèse continue…). Ils ne peuvent pas par exemple réguler les échanges gazeux avec l’atmosphère et sont donc exposés en continu aux polluants de l’air. Les chercheurs ont établi la correspondance entre la diversité des espèces de lichen présentes dans une zone donnée et les concentrations en dioxyde de soufre (SO2), l’intensité de pollution...

La norme mise au point (NF X43-903) concerne les lichens épiphytes, ceux qui se développent sur les arbres. Il s’agit d’une méthode de détermination de l’Indice Biologique de Lichens Epiphytes ou IBLE. Cet indice de biodiversité permet d’évaluer, à partir d’observations, les réponses écologiques des lichens épiphytes (qui peuvent être des disparitions, des altérations ou des développement anormaux), et par la suite d’estimer voire de quantifier la qualité globale de l’air, tous polluants atmosphériques présents confondus. L’utilisation des lichens en France (avant la normalisation des méthodes) pour cartographier des zones polluées est déjà assez large : régions Nord, Normandie, Ile-de-France, et les villes de Grenoble-Lyon-Briançon, Mâcon, La Rochelle.

Pour la norme relative aux mousses (NF X43-902), il s’agit d’une approche "passive". Ces organismes sont présents naturellement sur le site d’étude et jouent alors le rôle de "sentinelles". Elles sont en effet présentes dans la plupart des milieux (eau, sol, écorce d’arbre, murs, rochers…) et témoignent d’une pollution présente et/ou passée. Elles sont utilisées pour quantifier la bioaccumulation d’une large gamme de contaminants atmosphérique (éléments trace métalliques, éléments radioactifs, contaminants organiques (HAP, pesticides, dioxines). Le protocole publié définit les actions à mener depuis le prélèvement in situ jusqu’au transport des échantillons pour l’analyse des contaminants recherchés.

Ces mousses ont déjà largement été utilisées dans le cadre du dispositif BRAMM (Biosurveillance des Retombées Atmosphériques Métalliques par les Mousses) qui est un dispositif de surveillance de la qualité de l’air dont le principal objectif est la cartographie de la pollution de fond, à l’échelle nationale, des niveaux de concentration en métaux accumulés dans les mousses.

La dernière norme publiée (NF X43-901) constitue une biosurveillance active de la qualité de l’air à l’aide d’une graminée, le ray-grass. Les végétaux sont cultivés dans des conditions définies avant d’être exposés sur le site d’étude. Elles témoignent alors des événements de pollution qui ont pu avoir lieu durant la phase d’exposition sur le site surveillé. Les résultats portent sur la bioaccumulation de substances polluantes (pollutions organiques de tous genres, métaux lourds, pollutions azotées, polluants inorganiques…). De nombreuses études ont déjà été réalisées en France au moyen de ray-grass durant ces dernières années : au niveau de villes comme Lille (14 ETM), autour de sites industriels, d’autoroutes, d’aéroports (métaux lourds)…

Ces quatre normes sont désormais discutées au niveau du "Comité européen de normalisation – Comité technique : Qualité de l’Air". Les projets de normes européennes devraient être publiés d’ici 2010 et remplaceront à terme les normes françaises. Parallèlement de nouvelles normes sont en cours d’élaboration dans le même domaine, comme par exemple les méthodes de prélèvements foliaires in situ afin d'étudier la qualité de l’air.

(Source et Photo : INRA)