Ce matin, monsieur HAFON-LEBALON prend sa voiture pour aller travailler, comme chaque jour. En sortant de son parking, il entend à peine le klaxon mécontent de la voiture qui arrivait. Il sort d'ici tous les matins, il le sait bien que ça passait, largement même.

Ah, le feu est orange, vite, il y a une chance que ça passe. Voilààà, c'était moins une, mais c'est bon. Ouf. Allez, ça roule, profitons-en pour chercher un autre CD dans la boite à gants, celui-là, il l'a trop entendu. Oups, attention, c'est rigolo les zig-zag mais des fois, ça énerve les autres. Allez comprendre pourquoi. Voilà, celui-là il est bien, il est rythmé, ça va donner la pêche de si bon matin.

Oh, mais c'est là qu'il tourne, c'est vrai. Attention poussez-vous, laissez lui la place voyons. Son clignotant ? Pourquoi faire ? Vous le voyez bien qu'il tourne non ? Allez, on se pousse, merci, il n'a pas que ça à faire, il travaille lui.

Ah. Voilà, comme d'habitude, c'est toujours à partir d'ici que ça bouchonne. Voitures au pas. Il n'y a plus qu'à prendre son mal en patience en pestant contre tout ce qui mérite qu'on peste contre. Ou pas d'ailleurs, peu importe. Tiens, et s'il en profitait pour appeler sa femme. Il a oublié de lui dire que ce soir il rentrera tard et qu'il ne pourra pas ramener le pain. Oui bon ça va encore les klaxons, il peut bien parler un peu à sa femme non ? Alors merci d'arrêter, il ne l'entend plus. Oui oui, il y va, il y va...

Bon, le feu est vert, il avance, c'est normal. Ah. Bloqué au milieu du carrefour. Zut. Oui mais le feu était vert quand il est passé, donc il n'a rien à se reprocher, ce n'est pas sa faute si les autres sont restés bloqués devant lui quand même. Il fallait bien que ses roues occupent les dix mètres libres devant elles. Oui, ben pas la peine de klaxonner et de lui faire des appels de phares de toute façon il ne pourra pas se dégager de là. Vous allez finir par l'énerver, c'est tout ce que vous y gagnerez. Et vous ne voulez pas voir monsieur HAFON-LEBALON énervé.

Allez, un dernier petit stop et il est presque arrivé. La vue est dégagée, personne à l'horizon, pas vraiment besoin de s'arrêter. Ca use inutilement les freins en plus.

Ah, mais il fait quoi là ce livreur à bloquer la rue ? Mais il se croit tout seul ou quoi ? Allez, un petit coup de klaxon bien appuyé pour lui faire comprendre qu'il y a des gens importants qui ont autre chose à faire que de le regarder décharger tout seul son camion. Allez, on va même en remettre un petit coup, ça devrait le faire aller plus vite.

Voilà, enfin arrivé au pied du bureau. Evidemment vu l'heure, il n'y a plus de places dans la petite rue gratuite. Tant pis, il va se garer sur la place Livraisons devant l'épicerie. Pour ce qu'elle sert de toute façon cette place.

Enfin c'est bon, la journée peut commencer.

Petite question à six sous : qui parmi vous ne s'est jamais retrouvé dans une de ces situations et n'a pas réagi comme notre cher monsieur HAFON-LEBALON ? Mine de rien, il ne s'agit à chaque fois que de petites incivilités mais on approche la dizaine d'infractions toutes passibles d'une amende pour peu que l'on tombe sur un agent des forces de l'Ordre particulièrement zélé (d'aucun diraient « borné »). Et ce sont toutes ces incivilités dont chacune semble insignifiante mais qui mises bout à bout énervent tant les autres, c'est-à-dire vous, moi, tout le monde. Obtenir son permis et acheter une voiture fait-il subitement oublier le Code de la route qu'on avait pourtant si studieusement étudié pour l'examen ?

Pour paraphraser une phrase quelque peu utopique, si tous les conducteurs du monde voulaient bien se donner le volant, peut-être les gens seraient-ils moins stressés et finalement la conduite de chacun s'en trouverait grandement améliorée. Cela pourrait même presque redevenir un plaisir de conduire en ville.

Bon, il faut que j'arrête de rêver et que je vous quitte je suis pressé, j'espère que le couloir de bus sera libre, ça m'évitera de faire des queues de poisson comme hier.