Des chercheurs du Laboratoire inter-universitaire des systèmes atmosphériques (LISA, CNRS / Université Paris 12 / Université Paris 7) ont mis au point une nouvelle génération d'instruments embarqués sur satellites et une méthode d'analyse des données : cela permet de mesurer précisément les concentrations d'ozone troposphérique et d'améliorer les modèles de prévision de la qualité de l'air mais également les modèles climatiques.

Le CNRS explique que l'ozone (O3) est une espèce clé de la troposphère, un puissant gaz à effet de serre et un polluant produit en grandes quantités lors des épisodes de smog photochimique. De par son pouvoir oxydant, il est néfaste pour la santé (irritation des voies respiratoires et affection du système cardiovasculaire) et il affecte la chimie de nombreuses autres espèces présentes en trace dans la troposphère, notamment en réagissant avec certains composés organiques pour produire des espèces toxiques.

Les concentrations d'ozone de surface sont alors mesurées en continu par les réseaux de surveillance de la qualité de l'air. Indispensables au suivi de la pollution locale, ces observations s'avèrent toutefois insuffisantes afin de prévoir le développement d'épisodes de pollution ou suivre le transport à longue distance de ce gaz, en raison d'une couverture spatiale horizontale sporadique et parfois hétérogène. Concernant les concentrations d'ozone en altitude, ce sont les mesures fournies par des ballons sondes ou des avions qui sont utilisées, mais leur nombre reste encore très insuffisant.

Dans ce contexte, les observations satellitaires s'avèrent très utiles : leur couverture spatiale est large et leur résolution élevée (de l'ordre de la dizaine de kilomètres) et elles pourraient permettre de surveiller les concentrations d'ozone à quelques kilomètres d'altitude. Jusqu'à présent, les observations d'ozone par satellite étaient majoritairement focalisées sur les problématiques liées à l'ozone stratosphérique car seules des observations soit de la colonne totale, à partir de mesures UV-visible, soit uniquement de la stratosphère étaient disponibles. Or, il est difficile d'extraire des données de la colonne totale l'information sur l'ozone troposphérique dont les concentrations sont très inférieures à celles de l'ozone dans la stratosphère (environ 90% de l'ozone se trouve dans la stratosphère).

La nouvelle génération d'instruments satellitaires utilise le domaine infrarouge afin de sonder l'atmosphère par visée au nadir (i.e. vers le bas) ce qui lui confère un maximum de sensibilité dans la moyenne troposphère. L'instrument IASI (Infrared atmospheric sounding interferometer) développé par le CNES et mis en orbite en octobre 2006 à bord du satellite européen MetOp-A en est un exemple avec sa couverture spatiale importante, sa fréquence de passage assez élevée (couverture du globe 2 fois par jour) et surtout sa bonne résolution horizontale à basse altitude (taille du pixel au sol : 1212 km).

Pour une utilisation optimale de cet instrument pour la surveillance de la qualité de l'air, il fallait cependant disposer d'une méthode d'analyse adaptée, permettant d'avoir une sensibilité maximale dans les couches atmosphériques les plus basses et ainsi d'extraire de la mesure le maximum d'information.

C'est chose faite aujourd'hui grâce à une équipe de chercheurs du LISA qui a mis au point et optimisé une telle méthode. Ils ont ainsi pu restituer pour la première fois les colonnes troposphériques journalières d'ozone (encore partielles, entre 0 et 6 km d'altitude) que l'Europe a connu durant la vague de chaleur de juillet 2007. Ils ont aussi pu valider leur méthode en comparant leurs résultats à des sondages d'ozone (ballons météorologiques) réalisés à l'époque.

Le CNRS souligne que la comparaison de ces résultats avec le modèle de prévision de la qualité de l'air CHIMERE montre un bon accord général : les principales structures spatiales de pics d'ozone sont bien prédites par ce modèle, même si des différences significatives montrent sa difficulté à reproduire les champs d'ozone à l'échelle de l'Europe.

D'après les chercheurs, ces premiers résultats démontrent le fort potentiel des observations satellitaires infrarouge pour le suivi des concentrations d'ozone troposphérique. Ils ouvrent ainsi la voie à une amélioration des modèles climatiques et des modèles opérationnels des systèmes de prévision de la qualité de l'air, dont le système français actuel PREVAIR et les futurs systèmes de prévision à l'échelle de l'Europe qui sont un des enjeux majeurs du programme Kopernikus. Ce travail a été soutenu par le pôle thématique ETHER (INSU/CNRS et CNES) pour la mise à disposition des données IASI d'EUMETSAT.

Des chercheurs mesurent l'ozone grâce à une nouvelle méthodologie

(Champs d'ozone au-dessus de l'Europe le 17 juillet 2007, modélisés par CHIMERE (à gauche) et mesurés par IASI (à droite). De fortes quantités d'ozone, bien reproduites par le modèle, sont observées sur l'Europe de l'Est. © LISA)

(Source et Photo : CNRS)