Le rouge et le noir

Premier pilote français intronisé à la Scuderia depuis Jean Behra en 1959, Pironi tombe immédiatement sous le charme. Au-delà de la charge émotionnelle et du passé prestigieux de Ferrari, c'est la formidable passion qui se dégage de chacun des membres de l'écurie qui le surprend. "Il se dégage une chaleur humaine inconnue ailleurs. Ici, le pilote, se sent porté par son écurie. Il est mis en confiance. Ils sont capables de se tuer au travail, de passer des nuits blanches". Une atmosphère mais aussi un formidable potentiel technique et des moyens considérables achèvent de séduire ce perfectionniste. Pourtant, la saison 1981 sera bien difficile avec une monoplace manquant de rigidité et un moteur V6 turbo plus que capricieux.

Peu importe, Didier travaille pour l'avenir, avec patience et méthode. L'évolution rigoureuse porte ses fruits, châssis, aérodynamique et fiabilité moteur sont désormais au rendez-vous à l'aube de la saison 82. Dans un climat empoisonné par la bataille FISA/FOCA, Didier décide alors d'entreprendre une croisade pour la sécurité et mène la révolte des pilotes à Kyalami. Calmes, pondérés, ses propos inspirent le respect face aux attaques outrancières et parfois grossières de certains responsables du pouvoir sportif. Reconnu et soutenu par ses pairs, le jeune homme réservé devient soudain charismatique et prend une nouvelle dimension. Mais le climat se fait lourd, toujours plus lourd. Il y a d'abord ce GP de Saint Marin où Didier s'impose devant Gilles Villeneuve à l'issue d'un duel d'une rare âpreté. Une victoire qui laissera des traces et aura des conséquences terribles. Le Québécois se sent trahi et la rupture entre les deux hommes totale. Quinze jours plus tard à Zolder, Villeneuve veut laver l'affront et repart comme un furieux à l'assaut de la pole détenue par Pironi. La Ferrari 27 s'envole, éjecte son pilote et la F1 perd son magicien... Ensuite au Canada, c'est la modeste Osella de Pailetti qui vient s'écraser dans l'arrière de la Ferrari immobilisée par son embrayage sur la grille. Didier se précipite dans les flammes pour tenter l'impossible...

Et pourtant, malgré toutes ces tragédies, Pironi tient bon, gagne en Hollande, prend des points précieux en France et en Angleterre. C'est en solide leader du championnat qu'il aborde le GP d'Allemagne. La puissance du V6 Ferrari fait merveille sur les longues lignes droites de Hockenheim et il arrache une nouvelle pole. Une pluie violente inonde le circuit pour la première séance d'essais du samedi. Assuré de conserver sa position réalisée sur le sec, il décide néanmoins de creuser un écart significatif sous la pluie. Malgré une visibilité presque nulle, il roule deux secondes plus vite que tout le monde, aperçoit la Williams de Daly qui déboîte. Il croit alors que la piste et libre et découvre soudain la Renault d'Alain Prost. La Ferrari heurte la roue arrière et s'envole sur près de 200 mètres avant de retomber sur le museau. Dans la carcasse déchiquetée, Pironi souffre de multiples fractures ouvertes aux jambes. Le rêve s'envole dans une insupportable douleur. Et peu lui importe que Rosberg ne parvienne à le devancer au championnat qu'à la fin de la saison. Piètre consolation ! Seul le trophée gravé par Enzo Ferrari "A Didier Pironi, le vrai champion du monde 1982" apaise ses douleurs autant physique que morale.

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