Depuis quelques années, de nombreuses associations, constructeurs et gouvernements estiment que le bioéthanol est LA solution pour réduire la pollution liée à l’automobile. Pourtant, malgré un prix de vente avantageux, l’E85 peine à s’imposer et semble même en perte de vitesse depuis la mise en place du bonus-malus écologique. L’E85 serait-il condamné comme le GPL ?

Retour quelques mois en arrière. En octobre 2006, le gouvernement annonçait la mise en place d'au moins 500 pompes E85 dans l'Hexagone à la fin 2007. Le 1er janvier 2007, le gouvernement français autorisait la vente de l’E85 (carburant composé à 85% d'éthanol d'origine végétale et de 15% d'essence SP95) afin d'encourager le développement d'un réseau de "pompes vertes" et de le distribuer sur l'ensemble du territoire français. Le but recherché était que les biocarburants représentent 5,75% dès 2008 et 7% en 2010 de la consommation. Ça, c’était sur le papier car la réalité est très différente.

Des pompes trop rares

Sur les 500 pompes qui devaient être implantées à la fin 2007, il existe seulement 186 stations services distribuant de l’E85 et 50 sur le point d’ouvrir. On est très loin du compte.

Et si l'E85 venait à disparaitre ?

Ces chiffres et notamment ceux des stations en attente s’expliquent par le fait que chaque installation doit recevoir l’aval de la DRIRE en raison de problèmes de sécurité (l’E85 est plus explosif que d’autres carburants d’où des précautions sur l’espacement entre les pompes et l’écartement entre les pompes et la boutique). La lenteur de l’administration fait donc des ravages.

Enfin, il ne faut pas oublier un autre souci d’importance : la rentabilité. Ainsi, le groupe Total qui a étudié la question précise que la fréquentation est très loin d’être satisfaisante. Des données confirmées par Jean Louis Schilanky, Délégué Général de l’UFIP qui nous a indiqué que la fréquence moyenne est de 3 pleins/semaine/pompe. Ridicule par rapport à l’affluence d’une pompe classique.

Des ventes confidentielles

Et si l'E85 venait à disparaitre ?

Même si l’objectif n’était pas de réaliser des chiffres de ventes exceptionnels, un an après la décision de développer ce carburant, les ventes restent confidentielles. On les évalue à 4 000 véhicules Flexfuel. Ainsi, Volvo a vendu en 2007 une centaine d’exemplaires fonctionnant à l’E85 sur plus de 13 000 ventes. Autant dire une part infime (5%). Bilan tout aussi faible chez Ford avec 2000 ventes (1000 Focus et 1000 C-Max).

Les principaux acteurs du marché de l’E85 sont Saab, Volvo, Ford ainsi que Renault et Cadillac dans une moindre mesure. Malgré leurs faibles ventes, quelles sont les raisons qui poussent les marques à continuer cette aventure ?

1ere : l’investissement lié à l’E85 est mondial et non pas simplement français. La Suède, le Brésil sont les principaux pays demandeurs et la majorité des constructeurs ont juste adapté leurs véhicules sans que cela entraîne trop de frais.

2e : le bioéthanol représente la seule solution écologique viable à courte échéance. Il est donc intéressant sur le plan commercial d’avoir une telle offre dans sa gamme.

3e : les recherches dans ce domaine continuent. A titre d’exemple, Volvo devrait présenter dans les mois à venir un 2.5 T Flexifuel d’une puissance qui avoisinerait les 200 ch.

L’E85 plombé par le bonus/malus écologique

La décision qui risque d’enterrer définitivement l’E85 est la récente mise en application du bonus/malus écologique. Alors que les premiers projets prévoyaient une exonération de 50% du bonus, le gouvernement a décidé de taxer les véhicules Flexifuel comme des véhicules essence ou diesel classiques. Résultat, l’acheteur d’une voiture fonctionnant à l’E85 est aussi pénalisé que celui qui achète un modèle essence. Certains observateurs espèrent que le gouvernement mettra en place des accords de Grenelle Bis exonérant partiellement ou totalement les véhicules Flexfuel.

L’E85 pénalisant pour l’économie et le pouvoir d’achat

Plusieurs spécialistes estimaient que l’agriculture allait profiter du développement des cultures nécessaires à l’E85 pour se développer. Or, les méfaits ont peut être été sous estimés.

Première conséquence imprévue : la culture des céréales indispensables à la fabrication a entraîné une augmentation des prix de toutes les céréales.

Deuxièmement : A l'origine, la culture destinée aux biocarburants devait permettre de valoriser les terres mises en jachère en 1993 pour maîtriser l'offre alimentaire. Les surfaces de colza dédiées à la production de biocarburants devraient être multipliées au moins par 6. Partant de ce constat, les aides devraient être nombreuses et la culture des céréales alimentaires pourrait devenir moins avantageuse pour les agriculteurs. Enfin, les zones consacrées à l’alimentation diminuant, cela entraînerait une inflation du mais, du blé et des autres céréales utilisées dans l’alimentaire. Résultat : le prix de certains produits basiques pourrait flamber.

L’E85, vraiment écologique ?

Ce problème a été évoqué immédiatement après les premières annonces officielles. Si l’on tient compte du fait qu’un véhicule fonctionnant grâce au bioéthanol consomme plus de carburant en raison du rapport stoechiométrique défavorable à l’éthanol (rendement énergétique de l’éthanol inférieur à celui du SP95), les opposants ont tout de suite évoqué la pollution que cela pourrait provoquer.

Si ce critère est sujet à polémique, il est effectif que la production d’E85 (consommation d’engrais, transformation de l’éthanol ou de l’huile) est synonyme de gaz à effet de serre. Vous l’aurez bien compris, le bilan énergétique de la fabrication des biocarburants est relativement complexe, car des facteurs très divers entrent en jeu : nature des produits de base, gestion de la jachère, quantité d’énergie nécessaire à sa formation.

Faute de mieux

L'E85 ne serait-il qu'une solution par défaut ? Possible…On peut raisonnablement se poser la question. Sachant qu’une autre alternative écologique n’est vraiment envisageable et viable actuellement, le monde de l’automobile n’a pas vraiment d’autres possibilités si ce n’est que de s’accrocher à ce qui existe déjà.

L’avenir sera peut être plus rose avec l'hydrogène (pas encore vulgarisé, ni sécurisé), l'électricité (pas assez performante) ou l’énergie solaire (trop expérimentale) mais pour l’heure il faut bien avouer que notre dépendance envers le pétrole est encore gigantesque et indéniable. Enfin, ne cherchez pas à savoir qui est responsable du non-développement de l’éthanol en France, vous ne le saurez pas car les différents intervenants ont décidé de jouer au jeu de la patate chaude.