Sur la plupart des marchés européens, un SUV ou crossover sans motorisation Diesel doit se contenter de faire de la figuration. Infiniti le savait pertinement lorsqu’il a débuté fin 2008 la commercialisation de sa gamme, uniquement servie par des motorisations V6 et V8 à essence sur notre continent gazophile. Mais si la marque luxueuse de Nissan s’est quand meme jetté dans le grand bain européen, c’est que  dès cette époque le développement d’un six cylindres Diesel digne des hauts de gamme teutons était déjà bien avancée au sein de “l’Alliance” Renault Nissan. En fait sa conception a démarré en 2005.

Sa première mouture limitée à 235 chevaux et 450 Nm, est apparue sur la Laguna Coupé 3.0 V6 dCi il y a près de deux ans. Afin de répondre au cahier des charges d’Infiniti, ce moteur développé en Europe et assemblé en France a été depuis notablement remanié. Plusieurs organes majeurs sont nouveaux : bloc-cylindres, vilebrequin, collecteur d’admission, système d’injection directe piézo à haute pression (1800 bars), recirculation des gaz d’échappement, turbocompresseur, carter d’huile et groupe catalyseur. Il apparaît ainsi un tantinet différent du V9X destiné aux autres applications de l’Alliance (Navara et Pathfinder au tarif chez Nissan depuis le 1er juillet 2010, en plus du coupé Laguna chez Renault). Officiellement présenté en février 2010, ce premier moteur diesel en vingt ans d’existence de la marque est l’une des clefs de la croissance d’Infiniti en Europe, en parallèle d’une prometteuse motorisation hybride qui arrivera sur la nouvelle grande berline Infiniti M au printemps 2011.


De l’ombre à la lumière

Développé sur base de la berline G, l’Infiniti EX est un crossover (plus que SUV en raison d’une hauteur inférieure à 1,60 m sans barres de toit) long de 4,64 m qui a fait ses débuts à l’automne 2007. Il était jusqu’à présent uniquement livrable avec le V6 3.7 litres de 320 chevaux/360 Nm à bva7, soumis au super-malus. Comme de surcroit la crise est passée par là, ses ventes ont à peine atteint une trentaine d’exemplaires en France lors de sa première année pleine de commercialisation (2009), malgré de réelles qualités. L’EX37 offre par exemple un comportement à la hauteur du X3 (le 30i de 272 ch de première génération), tout en proposant un meilleur confort de suspension grâce à un amortissement parfaitement réussi. Entre un climat économique moins plombé et sa motorisation Diesel, les ventes de l’EX en 2011 devraient grimper à quelques centaines d’unités pour la France (à plus de 80 % en Diesel).

Les premières versions Diesel de l’EX ont débarqué dans les rares Centres Infiniti à partir de juillet, mais sa commercialisation réelle ne démarre en France (à partir de 49 700 Euros, tarif aligné sur le modèle essence) qu’en ce mois de septembre, juste après celle du grand FX 30d. Viendra en octobre la nouvelle berline M30d affichée à 50 750 euros.

 

S’il ne gagne sur l’EX que 3 chevaux, et reste avec 238 ch (175 kW) d’une puissance relativement commune pour la cylindrée, il se distingue surtout par son couple de 550 Nm à tout juste 1750 tr/min. C’est 100 Nm de plus que sur la Renault, et surtout 50 Nm de mieux que le 3.0 TDI V6 de 240 chevaux de l’Audi Q5, le rival le plus direct de l’EX pour l’instant. Certes, le 3.0 litres du groupe Volkswagen fournit également 550 Nm sur le nouveau Cayenne, mais on aborde avec le SUV Porsche le segment au dessus.


Balaise, mais raffiné

Essai - Infiniti EX 3.0d : plaisir des sens gazolé

Grâce à ce couple moteur copieux, supérieur à celui du V8  essence de 5 litres  de l’Infiniti FX, et surtout disponible dès 1750 tr/min, l’EX 30d ne manque jamais de souffle. Il reste à l’aise à très bas régimes avec déjà 500 Nm disponible à 1 500 t/min. S’il garantit effectivement des reprises musclées, les performances annoncées en accélération sont en revanche décevantes. Par exemple, le 0-100 km/h est franchi en 7,9 secondes. L’Audi Q5 3.0 TDi se  montre nettement plus véloce avec une accélération de l'arrêt à 100 km/h en 6,5 secondes (données constructeur), chrono proche du temps de l’EX37 de 320 chevaux. Statu-quo par contre en vitesse maxi qui dépasse dans les deux cas 220 km/h. La méforme en accélérations tient à une masse supérieure d’une centaine de kilos par rapport à l’Audi et peut-etre aussi à la boîte.

Tout comme l’EX37, l’EX30d est équipé en série de la boîte automatique Infiniti à 7 rapports. En déplaçant le levier sur la gauche, on sélectionne le mode sport « DS », pour un changement manuel des vitesses, assez appréciable en conduite rapide sur parcours sinueux par exemple car en automatique pur, la boîte manque de réactivité et d’intelligence pour une unité auto-adaptative pourtant de conception récente. Sur ce point, et même globalement, la boîte à  double embrayage S tronic 7 de l’Audi Q5 3.0 TDi nous paraît plus convaincante car elle évite toute rupture de couple et permet des changements de vitesses en un centième de seconde.

On  attendait surtout le premier Diesel jamais produit par Infiniti pour son agrément, ou plus précisement son raffinement. Le constructeur promet insonorisation et silence de fonctionnement, sonorité agréable et plaisir de conduite au niveau des motorisations essence de la marque. Déjà, avec un moteur qui régule à 5000 tours alors que le V6 à essence monte allègrement au dessus de 7000 tr/mn, le plaisir est forcément d’un autre ordre. Le V6 se caractérise par un bloc moteur en fonte à graphite compacté CGI (Compacted Graphite Iron, jusqu’à 75% plus rigide que la fonte grise classique et, dans le cas du bloc-moteur de l’EX30d, plus légère de 22%). Il établit selon ses concepteurs une nouvelle référence en Diesel dans la catégorie pour ses performances en acoustique et vibrations, malgré l’absence d’ arbres d’équilibrage. Ces derniers sont rendus moins indispensables par le V6 ouvert à 65 degrés (avec le turbo monté à l’intérieur du V), ce qui favorise l’équilibrage naturel du vilebrequin. C’est vrai que les vibrations sont pratiquement inexistantes, sauf parfois au ralenti dans le pédalier à l’arret, et curieusement pas de façon systématique. Infiniti revendique également la “ belle sonorité sportive du moteur essence”. La réalité, c’est qu’il se distingue peu des meilleurs 6 cylindres Diesel allemands par sa discrétion, ou bien sa mélopée. Pour vraiment faire la différence, l’EX aurait du bénéficier de la réduction active du bruit proposé sur la série M.

 

Essai - Infiniti EX 3.0d : plaisir des sens gazolé

La plus grosse surprise de cet essai réalisé entre Milan et Lugano, dans des conditions pas trop exigeantes il est vrai, vient de la consommation relevée sur l’ordinateur de bord : à peine 9,4 l/100, soit moins que celle du Q5 3.0 TDi. Si les indications fournies s’avèrent exactes, l’EX ferait preuve d’un appétit vraiment raisonnable, moindre que la Laguna Coupé 3.0 V6 dCi. Il faudra vérifier tout cela lors de vrais tests de conso, d’autant que sur le papier l’EX30d s’affiche à 8,5 L/100 km en cycle mixte, soit un litres de plus que le Q5 équivalent. Quoi qu’il en soit, il consomme au minimum 20 % de moins que la version à essence, cela sans trop sacrifier au plaisir de conduire. Et surtout, avec 224 g/km d’émissions de CO2 il échappe au super-malus annualisé de 2 600 € assez rédhibitoire de la version à essence (267g/km). Les grincheux lui reprocheront un malus plus élevé (1 600 €) que certains de ses rivaux aux émissions de CO2 inférieures à 200 grammes.