Un diamant brut et un génial joaillier

Le jour même de ses 17 ans, Jim Clark acquitte les droits et ressort de l'hôtel municipal de Dunns avec sa licence de conducteur. Héritant peu après de l'ancienne Sunbeam paternelle, il inscrit aussitôt dans une épreuve de maniabilité organisée par le club local. Premier course, première victoire et première déception. N'étant pas membre du Club, il est aussitôt disqualifié ! Sa performance ne passe cependant pas inaperçue. Ian Scott-Watson, un fermier voisin, lui fait essayer sa petite DKW. Clark tourne immédiatement trois secondes plus vite que le propriétaire habituel. Dès lors, il lui abandonne sa voiture pour disputer toutes les épreuves locales et la remplace même par une Porsche 356. Clark la trouve peu maniable et lourde mais il n'en continue pas moins sa razzia. Sa réputation grandit en Ecosse, au point que Jock McBain, le président de l'Ecurie "Borders Reivers", finance avec l'aide de riches fermiers, l'achat d'une Jaguar D pour le jeune espoir. Après quelques victoires sur le sol britannique, Jim est engagé à Spa. Il se trouve soudain transporté dans un autre monde et il faut toute l'insistance de ses amis pour qu'il prenne le départ. Dans ses mémoires, il raconte comment il fut impressionné: "Je manquai de confiance en mes capacités. Je n'ai pas honte de dire qu'à Spa j'ai eu peur du début à la fin de la course. A un moment, j'ai entendu un hurlement terrible, un souffle de vent. Toute la voiture trembla lorsque Masten Gregory me doubla en glissade des quatre roues, les bras croisés, se battant avec son volant. Je me suis dit, si c'est cela la course automobile, j'arrête tout de suite !". Il persiste pourtant et signe une douzaine de victoires avant la fin de la saison 1958. McBain, souhaite alors remplacer la Jaguar par une Lotus F2. Un rendez-vous est pris à Brands Hatch. Jim n'a jamais tourné sur ce circuit et n'est encore moins monté dans une monoplace. Il fera pourtant une grosse impression à Colin Chapman qui inscrit dès ce jour, le nom de ce jeune Ecossais dans un coin de sa mémoire. Les deux hommes se retrouveront un an plus tard à Silverstone. Colin Chapman qui n'a pas encore renoncé au pilotage à l'époque, n'en croit pas es yeux. Dans ses rétroviseurs, il voit soudain surgir une Lotus Elite qui semble aller deux fois plus vite que la sienne. Chapman n'a même pas le temps d'identifier cet "insolent" qui le laisse sur place. Clark gêné par un concurrent en perdition laissera la victoire à Chapman. A la fin de la course, ce dernier se dirigera vers la Lotus bleue nuit de son rival et lui donnera rendez-vous pour un essai de sa nouvelle formule Junior. Clark-Chapman, c'est la rencontre d'un diamant brut et d'un génial joaillier. Tout va aller très vite. Moins de six mois après ses débuts en Formule Junior, Clark est déjà en formule 1. Il débute à Zandvoort, marque ses premiers points à Spa quinze jours plus tard et monte sur son premier podium au Portugal en fin de saison. L'année suivante, il signe quatre victoires en F1 dans des courses hors-championnat qui réunissent à l'époque tout le gratin à l'exception de Ferrari. Convaincu du talent de son pilote, Chapman lui construit bientôt une formule 1 sur mesure: la Lotus 25. A côté de cette monocoque révolutionnaire, toutes les autres monoplaces semblent soudain mûres pour le musée ! A son volant, Clark va imposer sa loi et son style: limpide, coulé peu spectaculaire mais terriblement efficace. Nul autre que lui n'a élevé le pilotage à un tel niveau de sublime. Clark est une véritable machine de précision, capable de passer au centimètre près dans le même virage tout au long d'une course. Il gagne en ouvrant le chemin selon sa tactique favorite en menant du début à la fin. Il contrôle les hommes et les machines et impose son rythme à la course. C'est un boulimique qui collectionne les pole positions, les victoires, les records du tour.

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