Watkins Glen, le 7 octobre 1973, Jackie Stewart coiffé de son inséparable casquette de loup de mer vient saluer une dernière fois tous ses anciens adversaires sur la grille de départ du GP des Etats-Unis.

Il dissimule son chagrin derrière d'épaisses lunettes noires. François Cevert, l'équipier, le dauphin, le petit frère s'est tué la veille aux essais. Brisé, il renonce à prendre le départ de l'ultime épreuve de la saison. Il n'y aura pas de 100e Grand prix pour le champion écossais, pas de fête pour son troisième titre mondial. Fidèle à sa décision de se retirer au terme de cette saison 1973, Stewart s'en va sans regret mais le coeur gros. Il a beaucoup retiré de la Formule 1, mais en retour, il lui a beaucoup donné.

Tireur d'élite

Et pourtant, ce pilote d'exception faillit bien se choisir une autre trajectoire. Il s'en est fallu de quelques plateaux d'argile. Invaincu lors des différents championnats britanniques de tirs au pigeon, il manque sa sélection pour les Jeux Olympiques de Rome en 1960. Cet échec ne va pas lui faire perdre le goût de la compétition et il va rapidement troquer le fusil pour le volant. Chez les Stewart, on aime les belles mécaniques. Après avoir disputé quelques courses à moto, Bob, le père, est devenu concessionnaire Jaguar dans sa ville écossaise de Dumbarton. Jimmy, le frère aîné de Jackie, a lui aussi fait une brillante carrière au sein de l'Ecurie Ecosse, disputant même le GP de Grande-Bretagne 1953 de Formule 1 sur une Cooper-Bristol. Un grave accident au Mans l'année suivante a mis un terme à sa carrière et refroidi dans le même temps les ardeurs de Jackie. Fort de cette notoriété et d'une excellente réputation professionnelle, le garage des Stewart accueille tous les propriétaires de voitures de sport de la région. L'un d'eux, enthousiasmé par le coup de volant de Jackie après un essai de révision, lui prête sa Marcos pour quelques épreuves de clubs. A son volant, Jackie fait ses débuts en course en avril 1961 à Oulton Park. Il dispute quatre courses cette saison et reporte deux victoires. Il rejoint bientôt les rangs de la prestigieuse Ecurie Ecosse et au volant des Jaguar E, Tojeiro ou Porsche il collectionne 14 victoires sur 23 courses en 1963, battant au passage de nombreux records du tour. Une réputation déjà prometteuse qui lui vaut d'être contacté par Ken Tyrrell pendant l'hiver 1963. En charge de l'écurie officielle Cooper-BMC de Formule 3, le manager britannique cherche un pilote capable de succéder à l'Américain Tim Mayer qui vient d'accéder à la Formule 1.

Convoqué à Goodwood par un froid matin de décembre, Jackie Stewart ne va pas manquer de surprendre son monde. Pour ses débuts en monoplace, il égale les temps réalisés par Bruce McLaren, le premier pilote de l'écurie en F1. Décontenancé, le Néo-Zélandais, reprend le volant de la petite Cooper F3 et améliore ses temps de près de deux secondes. Stewart repart à son tour et fait tout de suite aussi bien. John Cooper, pourtant avare de compliments finit alors par confier à Tyrrell : "Surtout ne lache pas ce Stewart, fais le signer tout de suite !" Tout va alors aller très vite et le duo Stewart-Cooper-BMC devient rapidement imbattable. Avec 11 victoires sur 13 courses, il fait figure d'épouvantail, à tel point que terminer second derrière lui équivaut pour ses adversaires à une victoire. Dès l'été 1964, il n'a plus rien à prouver en F3 et les propositions pleuvent : Formule 2, Sport-Prototypes, Saloon Cars et déjà Formule 1. Stewart ne veut pas brûler les étapes. S'il essaye bien une Lotus F1 avant le GP d'Angleterre, il préfère continuer son apprentissage en F2 et rapidement cette formule devient aussi étriquée que la précédente. Les portes de la Formule 1 lui sont grandes ouvertes. Cooper, Lotus et BRM veulent s'attacher les services de ce pilote dont l'ascension semble sans limite. S'il dispute sa première course en F1 sur une Lotus, (en remplacement de Jim Clark blessé... dans une bataille de boules de neige), c'est avec BRM qu'il signe pour la saison 1965. Un choix raisonnable et déjà d'une grande maturité : "la place de second pilote n'a jamais été confortable chez Lotus. Il y a moins de pression pour un débutant chez BRM et Graham Hill est un merveilleux professeur." Et Stewart va effectivement progresser à son rythme... c'est à dire de façon météorique : premier GP en Afrique du Sud en janvier et premier point au championnat, première victoire (hors-championnat) en mai à Silverstone devant Surtees, et première victoire en championnat en Italie en septembre...Dès sa première saison, Stewart fait partie de l'élite et se place au sommet (3e du Championnat du Monde derrière Jim Clark et Graham Hill).

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