Les occasions manquées

Son départ de Matra reste son plus grand regret. "Il y avait une ambiance que je n'ai jamais retrouvé ailleurs"... Au-delà des souvenirs, les évènements vont aussi lui donner tort. Johnny Servoz Gavin qui s'est racheté une conduite en assurant la mise au point du proto 630 et remportant quelques succès à son volant, est appelé à remplacer Stewart blessé, pour le GP de Monaco. Avec le recul du temps, il est toujours plus facile de faire les bons choix et l'histoire ne s'écrit pas au conditionnel.

Sur le moment, Jean-Pierre n'en ressent pas d'amertume, d'autant qu'il a le vent en poupe dans cette saison 68. En achetant une Tecno, il a fait cette fois le bon choix. Depuis le retrait de Matra, la monoplace italienne est la voiture à battre en F3. Vainqueur à Monza, Nogaro et Vallelunga, il s'impose au GP de Monaco, qui est considéré à l'époque comme le championnat du monde officieux de la discipline. Le soir de sa victoire, il reçoit la visite un émissaire de la Scuderia qui lui propose le volant d'une Dino F2 et peut être plus "si affinités". Engagé moralement auprès de Tecno, pour piloter la nouvelle F2 de la marque, il refuse l'offre de Ferrari qui s'attache alors les services de Derek Bell qui débutera en F1 pendant l'été... Qu'importe, pour Jean-Pierre qui gagne encore à Monza en F3, l'avenir semble radieux. Tout bascule soudain sur ce même circuit de Monza...

Engagé sur la Tecno F2 au GP de la Loterie, il est pris dans un effroyable carambolage au départ et éjecté de sa monoplace en flammes, il est relevé avec de multiples fractures aux jambes. Le Championnat de France F3 s'envole encore une fois et, plus grave, une promesse de contrat avec John Surtees. L'ancien champion du monde venait de lui proposer le volant de la seconde Honda F1...Encore une occasion manquée, une de plus. Déjà en 1967, à l'issue d'une course de F2 à Crystal Palace au volant d'une Matra de Ken Tyrrell, il avait été approché par Bruce McLaren. Celui-ci, lui proposait le volant d'une de ses F1 pour 1968 si Denis Hulme ne pouvait casser son contrat avec Brabham. Que croyez vous qu'il arriva : Brabham finit par laisser partir le Néo-Zélandais. Même séquence à Monaco en 1968, mais avec BRM cette fois. A la veille des essais, les responsables de l'écurie britannique lui proposent le volant de la F1 que doit piloter Richard Attwood alors injoignable. Le lendemain, Jean-Pierre, plein d'espoir part pour le circuit et devinez qui est la première personne qu'il croise : Attwood. Après ces rendez-vous manqués et surtout le drame de Monza qui a brisé son élan, beaucoup se seraient découragés. Pas Jean-Pierre, qui trois mois après son accident retrouve le volant de sa Tecno F3 à Montlhéry pour l'une des dernières manches de la saison 1968. L'année suivante, toujours obnubilé par le titre en F3, il repart pour une sixième saison, mais se fait encore coiffer sur le poteau par François Mazet. A 33ans, il se trouve désormais dans une situation inconfortable, où les victoires se banalisent pour le chevronné qu'il est devenu et les défaites interprétées comme une baisse de motivation. En 1970, il décroche enfin le titre tant convoité, mais après ces sept saisons en F3 et sur scène bouleversée par l'arrivée des sponsors, il n'a plus rien d'un passeport pour la F1.

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