Reconversion en endurance

Fort du soutien de Shell, Jaussaud réussit à négocier un baquet semi-officiel au sein de l'équipe March. Prometteuse sur le papier, cette saison 71 ne sera qu'une longue litanie de déceptions et d'arnaques : 10 courses au lieu des 20 prévues, de bons moteurs dénichés par ses soins qui passent sans préavis sur la voiture de Ronnie Peterson... A la fin de l'année, il n'est pas loi de jeter l'éponge lorsqu'il reçoit une offre d'Adam Potocki, un aristocrate polonais qui s'est "encanaillé" dans la course. Peu heureux en F2 avec une Lotus, celui-ci décide de monter une structure plus solide et de s'adjoindre les services d'un pilote expérimenté pour 1972.

Il achète deux châssis Brabham et en dépit de ses moyens limités, l'équipe qui reçoit le concours de deux anciens mécanos de Matra, va prouver son efficacité. Jean-Pierre enlève trois courses et se montre le plus dangereux rival de Mike Hailwood pour le titre européen. Moteur cassé dans l'ultime épreuve, il s'incline, mais il s'est rappelé au bon souvenir de tous et en particulier de Matra où il effectue son grand retour au Mans en 1973. Après s'être fait "la trouille de sa vie" suite à une panne d'éclairage à plus de 300 km/h dans les Hunaudières, il termine à la 3e place en compagnie de Jabouille. Une médaille de bronze qui sauve une saison catastrophique en F2 dans une équipe formée par un certain Ron Dennis.

1973 sera d'ailleurs sa dernière saison "pleine" en monoplace. Une page se tourne avec l'éclosion d'une nuée de jeunes pilotes français, la fin de l'aventure Matra et la raréfaction des budgets après les deux chocs pétroliers.

Jean-Pierre conduit au gré des opportunités, quelques fois en F2, signant au passage le record du tour à Rouen en 75 et en endurance, où il prend une nouvelle 3e place au Mans la même année. Fin 1976, alors que les opportunités se font plus rares, il est appelé par Renault Sports qui vise la victoire au Mans tout lançant son programme F1. Tandis que Jabouille se consacre en priorité au développement de la monoplace, Jaussaud mène les essais en endurance. Avec le même enthousiasme qu'à ses débuts chez Matra, il ne ménage pas sa peine, dévore des milliers de km et ne rechigne jamais à prendre le volant dans les conditions les plus ingrates.

En 1978, il se voit enfin récompensé de tous ses efforts et de sa ténacité par une victoire aux 24 Heures du Mans avec Didier Pironi. C'est le couronnement de sa carrière, mais en aucun cas son terme. A 40 ans, celui que tous surnomment affectueusement "papy" se sent l'âme d'un jeune homme et rêve toujours secrètement de F1. Gérard Larrousse, le "patron" de Renault Sports et Jean-Pierre Jabouille vont lui offrir l'une des plus grandes joies de sa vie en lui confiant le volant de la nouvelle Renault F1 au printemps 1979. Sur le circuit Paul Ricard, Jean-Pierre roule enfin dans une F1 et tout à son bonheur, réalise même des temps "canons", mais il sait bien qu'il ne mènera jamais la Renault sur la grille de départ d'un Grand Prix.

Les essais avec Renault qui entretiennent la forme et toujours aussi sûr et rapide, il enlève le titre en "Production" en 1979 avec une Triumph Dolomite, s'offre une seconde victoire au Mans l'année suivante avec cette fois Jean Rondeau avant de prendre une troisième place au Paris-Dakar en 1982. Infatigable et toujours aussi enthousiaste, il va continuer à courir pendant une décennie, en Tourisme, dans les Trophées Porsche Carrera, Peugeot 505 Turbo ou même Citroën AX. Qu'importe l'enjeu, il reste un concurrent redoutable et un animateur de tous les instants. Et puis, après le Paris-Dakar 1992, il décide de mettre un terme à sa carrière pour animer des cours de pilotage sans oublier de reprendre le volant de "ses" voitures dans les grands rendez-vous historiques. Aujourd'hui à la retraite, il s'est remis au karting et sur la magnifique piste proche de Caen, il reste bien difficile à battre...

Infatigable, il continue à courir le plus souvent possible et comme s'il était soudain libéré d'avoir réalisé en partie son rêve de F1.

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