Le 22 mars 2006, plus de 300 représentants des principales associations françaises, agissant en faveur de l’écologie et de la solidarité, se sont réunies et ont créé l’Alliance pour la planète. Pour la première fois en France et en Europe, ces associations ont décidé de se rassembler pour agir de concert et construire un véritable contre-pouvoir, face aux urgences écologiques. L’Alliance pour la planète est une structure fonctionnant en réseau, qui compte désormais près de 80 associations membres : les organisations internationales, les grands collectifs, les ONG expertes ainsi que de nombreuses associations locales et régionales. Suite aux dernières réunions des 6 groupes de travail du Grenelle de l'environnement, les associations membres de l’Alliance pour la planète ont fait le point sur les mesures les plus controversées. Sur les 15 thèmes qu'elles ont évoqués, 4 thèmes nous concernant sur le blog Ecologie sont formulés de la façon suivante : la fin du tout routier ?, les agrocarburants, la fausse bonne idée ?, fiscalité verte : Bercy est-il allergique à l’environnement ?, l’écologie peut-elle recycler la publicité ? Voici les points de vue de l’Alliance pour la planète sur ces 4 thèmes phares :

"La fin du tout routier ?

Ce que demande l’Alliance pour la planète : un moratoire sur les projets autoroutiers et aéroportuaires et une éco-redevance sur les transports routiers de marchandises.

Les vrais conflits : moratoire sur les autoroutes et éco-redevance

La proposition d’un moratoire sur les projets autoroutiers et aéroportuaires figure dans la synthèse rédigée par l’ensemble des collèges du groupe de travail n°1 (Climat/Énergie) mais n’apparaît pas comme étant une mesure consensuelle. C’est notamment le collège employeurs, Medef et Confédération générale des PME (CGPME) en tête, qui s’oppose fortement à cette mesure considérant que « croissance » et « construction d’autoroutes et d’aéroports » sont étroitement imbriquées.

La réponse de l’Alliance pour la planète : "autoroute" est synonyme de croissance du trafic routier et donc….des émissions de CO2 ! Par ailleurs, les infrastructures autoroutières accaparent des ressources financières qui pourraient être utilisées autrement. 10 km d'autoroutes en rase campagne représentent environ 70 millions d'euros, soit le budget annuel de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). C’est pourquoi une décision gouvernementale de moratoire sur les projets autoroutiers et aéroportuaires doit être prise avant la fin de l’année dans le cadre d’un prochain Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT). L’éco-redevance sur les transports routiers de marchandises apparaît dans le document final comme étant une mesure majoritaire du groupe de travail mais un désaccord est fortement exprimé par le Medef, la CGPME et la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) sous prétexte de mise en danger des transporteurs routiers français de marchandises qui seraient déjà surtaxés.

La réponse de l’Alliance pour la planète : cette éco-redevance serait appliquée à tous les poids lourds circulant (y compris donc ceux en transit et étrangers), ce qui aura pour bénéfice d’harmoniser la fiscalité et d’améliorer la compétitivité du pavillon français. Elle permettra également de faire payer au transport routier un coût plus proche de son coût réel afin d’engager le nécessaire rééquilibrage entre les différents modes de transport. L’impact attendu en CO2 évité serait, d’après les services du ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables (Medad) et de l’Ademe, compris entre 350 kt et 500 kt de CO2/an. Une grande partie des recettes perçues (environ deux tiers) devront être affectées au financement des alternatives à la route et à l’aérien (rail, voies d’eau, transports en commun, etc.).

Ailleurs en Europe…

Une redevance sur les poids lourds existe en Allemagne, en Autriche et en Suisse.

Les agrocarburants, la fausse bonne idée ?

Ce que demande l’Alliance pour la planète : à l’heure actuelle, le développement des agrocarburants (biocarburants) pose davantage de problèmes environnementaux qu’il ne prétend en résoudre. L’Alliance pour la planète préconise donc une politique d’agrocarburants responsable, ce qui implique :

  • des études contradictoires sur les filières et leur réel intérêt environnemental, économique et

social ;

  • une utilisation des produits agricoles et forestiers à des fins énergétiques uniquement là où les

réductions d’émissions de gaz à effet de serre sont les plus importantes (exemple : la cogénération d’électricité et de chaleur) ;

  • l’utilisation de l’huile végétale pure sur l’exploitation agricole permet une autonomie

énergétique des exploitations ;

  • les subventions injustifiées accordées aux agrocarburants de première génération doivent être

utilisées pour financer la recherche des agrocarburants de deuxième génération (biomasse lignocellulosique) ;

  • un cahier des charges strict fondé sur les critères du développement durable (économique,

social et environnemental) doit être élaboré et rendu obligatoire.

Le vrai conflit : le prétendu eldorado agricole.

Cette question est loin de faire l’unanimité. Il est très intéressant de noter qu’au sein du groupe 1 consacré à la lutte contre les changements climatiques, il y a eu un consensus contre le développement des agrocarburants de première génération, considérés comme inefficaces et inadaptés pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. L’objectif pour la France d’incorporer 10 % d’agrocarburants dans ses carburants fossiles en 2015 a été considéré comme un non sens à l’unanimité. Tout au plus le groupe 1 préconise-t-il de poursuivre les recherches, notamment en ce qui concerne les agrocarburants de deuxième génération. En revanche, tout autre son de cloche au sein du groupe 4, où toute une partie du monde agricole, FNSEA en tête, se plaît à croire au pétrole vert et considère les agrocarburants comme de nouveaux débouchés pour le secteur agricole. Avec l’aide de fonds publics, les investissements très spéculatifs battent leur plein. En réalité, sans subvention, les agrocarburants ne sont absolument pas rentables. Globalement, pour toutes les évaluations, les rendements sont moyens pour les filières d’huiles en substitution du gasoil voire très mauvais pour la filière éthanol (maïs ou betterave) en substitution de l’essence… La rentabilité de ces filières dépend pour l’instant essentiellement d’une surfacturation et d’un soutien fiscal très fort.

Ailleurs dans le monde…

L’Indonésie et la Malaisie sont, à elles seules, à l’origine de plus de 80 % de la production mondiale d’huile de palme. La demande d’huile de palme a été multipliée par six depuis le milieu des années 80. Selon la FAO, les importations d’huile de palme en Europe ont été multipliées par deux entre 2000 et 2006. Pour répondre à ce nouveau marché, les prévisions font état d’un doublement des superficies de plantations d’huile de palme en Indonésie et Malaisie au cours de la prochaine décennie : de 10-11 millions d’hectares à 18-22 millions d’hectares. Résultat : en Indonésie comme en Malaisie, premier producteur mondial, 87 % de la déforestation est imputable à l’installation de monocultures de palmiers à huile. La production d’huile de palme, annoncée comme la solution aux changements climatiques, aggrave en fait la situation : pour faire de la place aux plantations de palmiers à huile, on détruit la forêt, ce qui libère de grandes quantités de CO2… Au Brésil, l’éthanol produit à partir de canne à sucre a certes permis de limiter les émissions de gaz à effet de serre, mais, cultivé sans respect de la nature et de l’homme, il a aussi provoqué d’importants dégâts. Selon l’inspection du travail locale, près de Marília, dans le sud du pays, 400 coupeurs de canne sur un millier travaillent sans équipements de sécurité, ni protection contre le soleil, ni eau, ni toilettes, ni local où prendre leurs repas. Selon une étude réalisée par la Commission pastorale de la terre, 18 travailleurs seraient morts d’épuisement durant la récolte 2005-2006. La demande en provenance des États-Unis, qui se sont fixé un objectif de 30 % d’incorporation d’agrocarburants pour 2030, est également en forte hausse, surtout sur l’éthanol. Résultat : pénurie de maïs alimentaire au Mexique !

Les infos clés sur les agrocarburants

La production d'un litre de carburant issu de l'agriculture peut contribuer jusqu'à deux fois plus à l'effet de serre que la combustion de la même quantité de combustible fossile, selon Paul Crutzen (Max- Planck-Institut für Chemie, Mainz, Allemagne), lauréat du prix Nobel de chimie en 1995 pour ses travaux sur la dégradation de la couche d'ozone stratosphérique. Dans un récent rapport, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) mettait en effet en garde contre certains dangers inhérents au développement des agrocarburants : risques de pénurie alimentaire, d'érosion de la biodiversité en raison de la reconversion de sols en surfaces cultivées, etc. Le rapport concluait que « la capacité des agrocarburants à couvrir une part importante des besoins énergétiques des transports sans nuire aux prix alimentaires ou à l'environnement est très limitée ». La reconversion des terres pour y cultiver des agrocarburants est parfois responsable d'émissions massives de carbone dans l'atmosphère. L'organisation non gouvernementale Wetlands estime par exemple à 2 milliards de tonnes (Gt), la quantité moyenne de CO2 relâchée chaque année par le drainage des zones humides indonésiennes. Par comparaison, les émissions de gaz à effet de serre de la France se situaient, en 2004, à l'équivalent de 0,56 Gt de CO2.

Fiscalité verte : Bercy est- il allergique à l’environnement ?

Ce que demande l’Alliance : un bonus malus généralisé.

Sur de nombreux thèmes, l’Alliance demande une refonte générale de la fiscalité et des règles d’attribution des fonds publics, assorti d’un audit général de leur usage et destination. Les mécanismes fiscaux et les instruments financiers publics actuels ne prennent que trop rarement en compte la durabilité environnementale. Le principe est d’indexer la fiscalité des produits et services sur leurs impacts environnementaux, à l’image de l’ancien projet de vignette automobile, basée sur un bonus-malus : les plus respectueux doivent être allégés ou exonérés, les plus destructeurs subir une fiscalité plus lourde, qui corresponde à leur coût réel pour la société. Il ne s’agit pas de diminuer le pouvoir d’achat des ménages aux revenus modestes, mais d’opérer une péréquation à somme constante. L’objectif est de financer à proportion une nouvelle économie durable et écologique. Quelques exemples : redevance sur le transport routier, proportionnelle à la distance parcourue des marchandise ; institution du contribution énergie climat généralisée (CEGC) sur toutes les énergies non renouvelables.

Le vrai conflit

Face à ces propositions, le Medef répète son opposition à toute contrainte et met en avant des « accords volontaires » sous prétexte de ne pas affaiblir la compétitivité des entreprises… Ainsi, on risque d’aboutir à une seule sur-taxation des produits importés.

Ailleurs dans le monde…

Selon l’Ademe, la contribution de la fiscalité environnementale au PIB ne dépassait pas 2,1 % en 2004, un niveau proche des deux pays européens les plus bas (Espagne et Lituanie à 2 %). Si l’on considère les recettes fiscales, le poids des taxes vertes est moindre en France (4,9 %) que chez tout autre membre de l’Union européenne. La part de la fiscalité verte a chuté d’un quart en France entre 1999 et 2004. Le fioul domestique, le charbon et le gaz naturel sont taxés à un niveau bien inférieur que la moyenne européenne. Les recettes générées par la fiscalité liée à l’environnement représentent un pourcentage faible du PIB de l’Europe des 15 (2,9 % en 2004), mais cette part a diminué (-6,5 % entre 1999 et 2004). C’est au Danemark que la contribution des recettes environnementales au PIB national est la plus élevée (4,8 %). Et c’est à Chypre (12 %), aux Pays-Bas et au Danemark (10 %) qu’elles pèsent le plus dans les prélèvements.

L’écologie peut-elle recycler la publicité ?

Ce que demande l’Alliance pour la planète : un véritable contrôle de la publicité mensongère en matière d’environnement, avec des règles juridiquement contraignantes ; la création d’une autorité administrative indépendante en charge de la régulation ; un encadrement des publicités pour les produits et services polluants ou énergivores, avec la publication des mentions obligatoires sur l’impact environnemental des produits ; un encadrement voire une interdiction de la publicité pour certains produits toxiques ou très énergivores.

Le vrai conflit : les entreprises veulent un statu quo.

Le Medef, qui représente le Bureau de vérification de la publicité (BVP) et l’Union des annonceurs, tous deux absents des négociations du Grenelle de l’environnement, fait la promotion de l’autorégulation… Or l’absence de contrainte, c’est la situation que l’on connaît aujourd’hui, c’est le statu quo. Autrement dit, les entreprises resteraient alors juge et partie de ce qui est acceptable en termes de publicité. Chaque année, 32 milliards d’investissement publicitaire (chiffre 2005) serviront à faire la promotion de comportements irresponsables allant à l’encontre des campagnes de sensibilisation des ONG et des pouvoirs publics. Résultat : nos murs continueront à être couverts d’image de 4X4 Mitsubishi émettant 180 g de CO2 par km – là où l’Union européenne impose un objectif d’émission de 140 g – présenté comme « conçu au pays des accords de Kyoto ».

Qu’en pensent les Français ?

76 % des Français reconnaissent que la publicité exerce une influence réelle sur les envies de consommation. TNS, « Les Français et la publicité », 5 avril 2007. 73 % des Français estiment que seule la contrainte par la loi peut obliger les entreprises à changer leurs attitudes. Sondage Ifop/groupe La Poste pour la conférence Les Échos, FEDERE 2007.

Ailleurs en Europe…

La Norvège s’apprête, à partir du 15 octobre, à interdire les arguments environnementaux dans les pubs pour voitures. Les constructeurs n’auront plus le droit de dire qu’ils vendent des véhicules « propres » ou « respectueux de l’environnement ». Considérant ces qualificatifs absolument inadaptés à la voiture, les autorités norvégiennes ont tranché. Selon une porte-parole de l’« ombudsman » de la consommation – l’équivalent norvégien du médiateur de la république en France –, interviewé par Reuters, « les automobiles ne peuvent rien faire de bon pour l’environnement à part produire moins de dommage que leurs consœurs ». La seule manière pour les constructeurs de contourner les nouvelles règles sera donc de démontrer que leur modèle est meilleur que les autres en termes de production, des émissions rejetées, de la consommation, du recyclage etc. Une mission quasi impossible."

Retrouvez toutes les thèmes détaillés et toutes les informations sur le site de l'Alliance pour la planète : www.lalliance.fr.

(Source : Alliance pour la planète)