Choisir le gouvernement le plus impopulaire de l'histoire de la Ve République comme porte-drapeau de la voiture électrique, en voilà une drôle d'idée ! Pourquoi pas forcer Manuel Valls à manger cinq fruits et légumes par jour ? Ou imposer un cours de zumba quotidien à François Hollande ? Un projet d'autant plus crétin qu'il prévoit que ces autos seront cantonnées aux déplacements parisiens. Si l'idée est de faire comprendre que la voiture branchée est réservée aux bobos parisiens et aux centres-villes, c'est réussi.

A croire qu'il y a un complot secret pour que la voiture électrique soit le prochain naufrage industriel français.Prenez Renault qui a investi en elle des milliards et une bonne partie de son image. Au lancement de la Zoé, petite surprise : alors que le losange communiquait depuis des mois sur son chargeur caméléon capable d'ingurgiter tout type de courant, on découvre qu'il est impossible de la brancher sur une prise ordinaire, même en 16 A. Seule solution, une borne publique ou une wall box, cette borne de recharge individuelle que l'on aura pris soin d'installer à domicile moyennant un billet de 1 000 €. Décourageant car mille euros, c'est l'économie de carburant que l'acheteur d'une électrique avec location de batterie peut espérer en deux ou trois ans… Sans oublier que faute de pouvoir se recharger n'importe où, pas question d'exploiter les 160 km d'autonomie réelle de la petite : c'est 160 km aller-retour et donc un rayon d'action de 80 km. Il a fallu près d'un an pour que le constructeur consente à ajouter en option le câble et le boîtier électronique qui permettent de refaire le plein de kilowatts chez Tata Huguette. Près d'un an et une rallonge de 500 €…

Autre décision aberrante, celle toute récente d'accorder une surprime de 3 700 € pour l'achat d'une électrique à ceux qui mettront à la casse un diesel de plus de treize ans. Avec, pour condition, qu'ils habitent une ville bénéficiant d'un « Plan de protection de l'atmosphère ». Pas n'importe quelle ville donc ; dans la courte liste des PPA, on trouve Paris, Grenoble ou Dax (!), mais pas Lille, Clermont-Ferrand ni Amiens. Additionné à la prime déjà existante de 6 300 €, cela fait 10 000 € de cadeau pour le citadin aisé qui se piquera de rouler "zéro émission".

Dix mille euros payés avec nos impôts pour un résultat aberrant qui consiste à permettre d'amortir une électrique en roulant très peu, voire quasiment pas puisqu’avec la surprime, la Renault Zoé sera 3 000 euros moins chère que la moins chère des Clio.

Alors que la logique commande à l'inverse de convertir ceux qui roulent beaucoup, ces innombrables automobilistes logés loin de leur travail, qui abattent leurs 100 ou 140 kilomètres quotidiens pour venir turbiner en ville avec la deuxième ou troisième voiture du ménage qui ne leur sert qu'à ça.

Eux auraient tout intérêt à adopter une électrique, ils la rentabiliseraient à la fois économiquement et écologiquement. Et parce qu'ils habitent très souvent en pavillon, raison pour laquelle ils se sont éloignés des cités, et que leur auto a par conséquent facilement accès au 240 volts, ils n'ont aucun besoin de ce réseau de bornes de recharge rapide à 10 000 ou 20 000 € pièce dont Ségolène Royal veut couvrir la France moyennant quelques milliards d'euros.

Pour se décider à adopter l'électrique, ces ménages "économiquement contraints" - comme on dit aujourd'hui des presque pauvres - ont davantage besoin qu'on leur subventionne la quasi indispensable wall box, laquelle coûte à peu près le quinzième du tarif d'une borne publique.

Et au fait, ces forçats de la bagnole, ces Français d'au-delà de la périphérie, ils aimeraient bien aussi que l'Etat ne laisse pas tomber les quelques milliers de petites stations-service rurales qui s'apprêtent à fermer, faute de pouvoir financer la mise aux dernières normes sécuritaires et environnementales de leurs pompes et cuves.

Vous ne saviez pas ? Alors que l'Etat s'apprête à investir au moins 5 milliards d'euros (le montant de l'addition ne sera connu qu'à la fin) pour permettre à 0,5 % des acheteurs de voitures neuves de faire le plein, il vient d'économiser trois minables millions d'euros en se désengageant du financement du Comité professionnel de la distribution de carburants, l'instance qui aide les exploitants de petites stations-service à se mettre en conformité. Ces vingt dernières années, le nombre de stations-service est passé de 22 000 à 6 000. Y en a-t-il encore trop ? Mettre la cambrousse à cours de SP 95 et de gazole, c'est la nouvelle tactique pour promouvoir l'électrique ?