Les puristes peuvent d’ores et déjà pleurer cette institution. Après 24 ans et près de 600 numéros, la French touch du Moniteur Automobile tirera sa révérence des kiosques le 9 janvier 2008. Jean jacques Cornaert, rédacteur en chef du titre, nous explique les raisons de cet arrêt.

En France, le Moniteur Automobile était en perte de vitesse depuis quelques temps déjà. De 30 000 exemplaires vendus dans ses plus belles années, le bimensuel était tombé à 17 000. Un manque de rentabilité qui n’a pas échappé aux propriétaires Belges qui y injectent des fonds sans résultats depuis 8 ans environ.

Contacté par Caradisiac, Jean Jacques Cornaert, rédacteur en chef du titre pour la France depuis 1984, analyse : « la situation s’est dégradée depuis 8 ans. Les raisons sont tout simplement conjoncturelles. D’un côté les dépenses des ménages déclinent, de l’autre Internet se développe. Et puis les habitudes de vie des gens, leur temps de lecture, etc. ont fait que la presse mag en général a subi un repli ».

Plus qu’un repli, on peut même parler de descente aux enfers, puisque la presse magazine a perdu plus de 45% de sa diffusion depuis 2002. Les grands titres ont subi de plein fouet ce ralentissement. Notamment les bimensuels comme le Moniteur et l’Auto journal. « Un format plus vraiment adapté » selon Jean Jacques Cornaert.

Puis comme dans chaque titre, la publicité devenue nerf de la guerre des recettes, ne suffisait plus à tirer la société vers le haut. « Comme le canard était rentable, nous nous sommes préoccupés de la pub que très tard. » Dans son éditorial d’avril 2008, (Moniteur Automobile n°1418), le rédac-chef du Moniteur adressait d’ailleurs un message clair aux annonceurs et en particulier à Carlos Ghosn. « Si vous avez un beau-frère qui travaille chez Renault, faites-lui remarquer qu’on a pas vu une page de pub de cette marque depuis 2005. La remarque fonctionne pratiquement pour tous les autres. A l’exception d’Alfa Romeo, Mercedes, Chrysler et le concessionnaire Chassay »

Le Moniteur automobile meurt

C’est toute une institution qui tire sa révérence. Le Moniteur était reconnu pour la qualité de ses essais, son éditorial cinglant et les grandes plumes qui l’ont accompagné pendant un quart de siècle. A commencer par celle de Paul Frère décédé en début d'année. Des tests détaillés, des dossiers techniques, des analyses devenues une référence dans le milieu. Une dizaine de personnes au total se retrouve touchée par cette lourde décision.

« Le Moniteur c’est 24 ans de mon temps, sans compter. Mon sentiment ? Plutôt désolant. Mais effectivement cela n’a pas de sens de maintenir en vie une société non rentable. Je n’ai aucune rancœur, juste le regret de ne pas avoir été écouté lorsque je proposais des évolutions du magazine, il y a déjà deux ans. », nous a confié, las, M. Cornaert.

François Chapus, chef de la rubrique essai à Caradisiac depuis maintenant 8 ans, nous a rejoint après avoir collaboré une vingtaine d'années, (ce qui ne le rajeunit pas) avec le Moniteur. La plume qui allie technique et bons mots témoigne avec nostalgie.

Triste nouvelle.

Par François Chapus

"Décidément, il n’y a pas de justice. Un des meilleurs magazines auto qui disparait des kiosques, c’est triste, mais plus encore, c’est lamentable. Je ne dis pas ça parce que j’ai travaillé au Moniteur en tant qu’essayeur pendant plus de vingt ans (du printemps 1986 à l’automne 2006), mais il faut bien reconnaître qu’une telle richesse de contenu à propos des innovations techniques, une telle rigueur d’analyse dans les essais, deux des piliers de ce bimensuel, auraient franchement mérité de perdurer. Certes, ce n’était pas une revue qui se feuillette négligemment à une terrasse de café, parfois un peu trop pointue pour le commun des automobilistes, mais je crois que des passionnés comme nombre des membres du Forum Auto, lecteurs assidus du Moniteur s’il en est, partageront mon désappointement.

Le pire, c’est qu’aucun titre de presse écrite existant ne le remplacera. Sans doute, les lecteurs exigeants sont de moins en moins nombreux, ont de moins en moins de temps à consacrer à la lecture d’un essai (ceux du Moniteur demandaient cinq fois plus de temps à lire que ceux de l’hebdo automobile le plus lu en France…). Peut-être faut-il aussi incriminer à propos de cette désaffection de l’écrit des traîtres de mon espèce, qui dès l’aube des années 2000 ont contribué à l’émergence d’une nouvelle concurrence, celles des sites automobiles sur la toile…

Animée de la même passion de l’automobile que nos confrères de la rédaction parisienne du Moniteur, l’équipe de Caradisiac compte bien tendre plus encore à l’avenir vers leur exemplaire professionnalisme. Snif, ainsi s’achève notre solennelle séquence de recueillement, en guise d’hommage et d’adieu à l’édition française du Moniteur Automobile.

Une page se tourne, mais le Moniteur ne disparaît pas des kiosques. Seulement sa French touch’. Le bimensuel continuera de se vendre dans sa version du Plat Pays.

Fort de son succès en Wallonie, comme en pays flamand (plus de 2/3 des ventes de la presse spécialisée automobile en Belgique), le Moniteur Automobile a décidé de s'implanter en France en 1984, fort de son sérieux et de son impartialité.