Il était une fois une charmante petite avenue, comme il en existe plein dans nos belles villes de France, avec ses arbres, ses bancs, ses boutiques, ses places de parking payantes et sa ligne de bus. Rien de bien exceptionnel donc. Une avenue comme tant d'autres, où qu'il faisait bon vivre, et rouler.

Et puis est arrivé un jour un monsieur avec un gros pôt de peinture qui décida qu'il fallait céder aux sirènes de la mode et améliorer les transports en commun sur ces quelques centaines de mètres de bitume trop tranquilles. Et il peignit alors un joli couloir de bus. Oui, vous avez bien lu, un seul. Apparemment les bus ont besoin d'être aidés plus dans un sens que dans l'autre. Ou alors c'est qu'il n'y a peut-être pas suffisamment de place pour en mettre deux.

D'ailleurs, en y regardant bien, est-ce qu'il y avait la place pour un ? Parlons chiffres. La jolie petite avenue mesure 20m de large (vous l'aurez aisément deviné, il ne s'agit pas des Champs Elysées). Les trottoirs y sont assez larges, enlevons 4 bons mètres de chaque côté. Il nous reste 12m. Ajoutons un côté autorisé au stationnement, qui enlève en gros 2m. Il nous reste donc 10m. Ces 10m sont donc supposés permettre à deux voitures et un bus de rouler de concert voire, dans le pire des cas, à deux bus et une voiture. Sachant qu'un couloir de bus prend plus de place qu'un couloir "normal" de circulation, pensez-vous vraiment que deux voitures peuvent se croiser lorsqu'un bus passe, ou s'arrête à un arrêt ? Au delà de la théorie et des calculs, la pratique montre que non. Même deux Renault Twingo préfèreront s'arrêter, je ne parle même pas du cas de deux Mercedes. D'ailleurs comble de l'absurde, le bus lui-même déborde de son couloir s'il ne veut pas froler de trop près le trottoir avec ses pneus. Inutile de préciser que lorsque le bus n'est pas là, les voitures sont obligées de mordre le couloir lorsqu'elles se croisent.

Cette petite avenue si tranquille est donc devenue une moins belle avenue moins tranquille où les voitures passent leur temps à zigzaguer et à se serrer pour se croiser. Mais le petit homme au pôt de peinture est content, il a amélioré les transports en commun dans son petit coin du monde, il a fait un couloir de bus.

Sans doute un technocrate quelconque avait-il un surplus de peinture blanche à écouler pour finir le budget de l'année... Pauvre petite avenue, victime innocente de l'absurdité bureaucratique et des jusqu'au boutistes.