Méchante question à l'heure du boom du VTC, la « voiture de tourisme avec chauffeur » que l'on convoque de trois clics sur son smartphone et à laquelle ils veulent faire barrage. Comment, à l'âge du GPS, du covoiturage en ligne et de l'automobile communicante, peuvent-ils encore revendiquer le privilège exclusif de voiturer le pékin ? Pourquoi risquer de voyager en monospace crasseux et fatigué quand on peut réserver la jolie berline noire (4,50 m et 120 ch au minimum) d'un chauffeur en costume cravate ? Pourquoi regarder le compteur égrainer les euros à l'arrêt dans les bouchons quand on peut s'acquitter d'un prix convenu à l'avance et souvent inférieur ? Pourquoi téléphoner à une des compagnies ayant pignon sur rue - faire le 1, le 2, le 1 et vider la batterie de son mobile en priant pour qu'un taxi soit déniché et qu'il accepte la carte bleue - quand il suffit de cliquer deux ou trois fois sur son mobile pour être géolocalisé, transporté puis facturé sur un compte prépayé ? Sans parler de la concurrence des vélib' et autolib', voire des motos-taxis qui vous emmènent à la Défense en moins de temps qu'il n'en faut pour avoir peur.

Quel avantage reste-t-il aux taxis ? Le droit de prendre les voies de bus et… de ne pas attacher leur ceinture.

Nos bons vieux "tacots" peuvent bien continuer de bloquer boulevards et autoroutes, de caillasser et menacer de tout casser, pour eux les carottes sont cuites. On les leur a même servies en garde à vue quand ils se sont avisés d'entraver la circulation et de faire obstacle au libre-commerce de services motorisés.

Tout cela est bel et bien libéral, mais pas du tout équitable. Un artisan réglementairement diplômé, tarifé, taxé, "ursaffé", dûment équipé (compteur, lumineux…) et soumis à licence ne fait pas le poids face à des auto-entrepreneurs - c'est le mot ! – exemptés de TVA et qui n'ont d'autre charge qu'une patente à 100 € et une cotisation RSI de 23,5 % sur leur chiffre d'affaires, voire rien du tout pour peu qu'ils aient le statut de "demandeur d'emploi".

Il est là le point dur de la révolte des taxis, c'est qu'eux ont dû payer fort cher une licence pour avoir le droit d'exercer. Cette plaque qui se négocie de 30 000 € à Saint Quentin à 400 000 € à Nice a toujours été le pécule de fin de carrière, la retraite complémentaire du chauffeur, son seul fonds de commerce. D'où sa colère quand il réalise qu'il ne s'agit que d'une bulle financière que vient crever la montée en flèche des VTC. On serait furieux à moins.

Que peut faire le gouvernement ? Remettre les compteurs à zéro en indemnisant les taxis pour leur investissement bientôt sans valeur ? Il y a des comiques pour le suggérer : à 75 000 € en moyenne pour 55 000 licences, l'ardoise dépasserait les 4 milliards d'euros. Freiner le développement des VTC ? Aussi facile que d'arrêter le progrès : la technologie va désormais plus vite que la réglementation. Laquelle n'est pas fulgurante : le Conseil d'Etat a retoqué l'obligation d'un délai de 30 minutes entre réservation et prise en charge. Quant au blocage "provisoire" des immatriculations de VTC récemment décidé, il a servi à apaiser le feu qui couve. Provisoirement. Et le feu continue de couver.

Pour se faire une idée de la semoule dans laquelle pédale le médiateur chargé de définir « un dispositif équilibré et durable au bénéfice de chacun de ces acteurs, en prenant en compte la satisfaction des différents besoins de transports individuels »  il faut entendre un "spécialiste des transports" évoquer face caméra une solution pour les taxis : revendre leurs plaques et se convertir au VTC. Bon sang, mais c'est bien sûr, revendre les plaques ! Et à qui ? A des chauffeurs VTC ?...