Ikuo Maeda, fils de Matasaburo, l’homme de la RX7


[Design] les jolis desseins de Mazda : Shinari concept, Kodo et une future Mazda2 de 2020

L’homme vient de dépasser la cinquantaine et travaille chez Mazda depuis 1982 où il est crédité notamment de la RX-8 et de la dernière Mazda2. Mais plus que ça, Ikuo est fils de Matasaburo, le patron du premier bureau de Design Mazda, l’auteur de la fameuse RX7. Manifestement, la relation entre le père et le fils est empreinte d’un profond respect et dans les yeux d'Ikuo, l’admiration est perceptible. De ce lien très fort unissant le fils et son père, beaucoup en déduisent que la résurrection de la RX-7 est dans les tuyaux. Personne ne dément, surtout pas le nouveau patron du style.


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Sa vision pour Mazda s’est matérialisée voilà longtemps, lorsque durant ses années d’école, son père lui offre un coupe-papier dessiné par Enzo Mari. De ce morceau de métal subtilement vrillé, simple et fonctionnel, Ikuo Maeda va façonner sa vision pour Mazda, une vision résolument ancrée dans l'avenir et étonnamment européenne. Il suffit d’un seul coup d’œil pour voir qu’entre ses RX-8, Mazda2 et le nouveau concept Shinari, il y a un lien de parenté stylistique, un fond commun. Entre les 2, Nagare a enfanté d’extraordinaires concept-cars mais restera une parenthèse qui n’aura pas vraiment réussi à se concrétiser en production. Même si Nagare continuera de vivre encore quelques temps, le présent de Mazda répond à une autre philosophie baptisée Kodo.

Shinari est sa notice.

Mazda parle Kodo. Tensions


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Kodo, l’âme du mouvement, est le nouveau fil conducteur qui guidera les designers dans la création des prochains modèles de la marque. Pour nous le définir, les films et photos projetés montraient des guépards en action, du Kendo, des impulsions de sportifs prises sur le vif et plus étonnant, une image d’un homme sortant brusquement de l’eau une serpillère, une photo qui exprimerait clairement Kodo. L’obsession de l’expression du mouvement, de la force, fait cogiter les designers. Pour Maeda, 3 mots applicables à l’automobile résument l’idée : Vitesse pour la forme et les proportions, Tension pour la surface et les structures, Séduction pour le côté émotionnel, humain. Les Mazda « à vaguelettes », c’est terminé, d’autant plus que l’ambition est désormais de faire de Mazda un constructeur nettement plus orienté Premium. D’ailleurs à ce propos, il est étonnant d’entendre Ikuo Maeda affirmer que sa Shinari serait plus volontiers une rivale des Porsche Panamera et Aston Martin Rapide que des Mercedes CLS ou Audi A7 !


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Pour trouver comment exprimer Kodo, les designers ont d’abord réalisé plusieurs sculptures de formes censées répondre à la définition. L’une d’entre elles a ensuite guidé les designers lorsqu’il a fallu se pencher sur le projet Shinari qui n’est rien d’autre que l’expression ultime de Kodo. Une auto de ce gabarit (un berline 4 places 4 portes à l’allure de coupé) ne pourra pas intégrer la gamme Mazda de sitôt mais elle représente un vœu, une ambition que l’on peut trouver à ce jour démesurée. Pourtant, le soin avec lequel le concept roulant a été réalisé entretient l’illusion. Les portes s’emboîtent dans des cadres très réalistes, même le « clong » de fermeture a fait l’objet d’une petite étude. Ikuo Maeda affirme que mis à part les sièges trop fins, les jantes énormes et quelques détails, cette Shinari est parfaitement industrialisable. Il précise même qu’un modèle comme celui-ci pourrait exister seul sans avoir besoin d’être accolé à une berline plus classique, ce qui nous renvoie effectivement vers le segment Panamera plus que celui de la Passat CC et sa sœur berline. La motivation doit être entretenue par un espoir et probablement que ce vœu, ce désir profond de voir Mazda capable de produire un tel engin sera le moteur du nouveau patron de design. Dans une décennie, une Shinari dans la gamme Mazda signifierait simplement qu’il a réussi sa mission.

Shinari, la tendue

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Shinari a mis à contribution les 3 bureaux de style Mazda situé à Hiroshima au Japon, à Irvine aux USA et en Allemagne.


Peter Birtwhistle est le patron du centre européen, Derek Jenkins fraîchement débauché de VW est le responsable de l’équipe américaine tandis que Yasushi Nakamuta celui du Japon. Le temps était compté et Shinari est passé du stade de vœu à concept roulant en seulement 10 mois. La création pure, des premières confrontations de sketchs aux maquettes puis au choix définitif, ne prendra que 4 mois. C’est généralement 2 mois de plus. Les 6 mois restants furent consacrés à la construction du concept au Japon.


De tous les projets en compétition, c’est le Japon qui remporta l’extérieur alors que l’intérieur revint au projet US. Yong Wook Cho, 36 ans mais une allure 15 ans plus jeune, est l’auteur du dessin vainqueur. Il est aussi crédité de la Mazda2 et du restyling de la RX8. Julien Montousse est comme son nom le laisse penser un français expatrié aux States. Arrivé chez Mazda USA il y a seulement 9 mois en provenance de GM où il a notamment signé l’intérieur de la Camaro, Julien Montousse est l’auteur de l’intérieur de Shinari.

Yong Wook Cho
Yong Wook Cho
Julien Montousse (Derek Jenkins en arrière plan)
Julien Montousse (Derek Jenkins en arrière plan)




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Lorsqu’on découvre Shinari sur photo, la première impression n’est pas transcendante. On y voit une Aston Martin Rapide aux accents de Tesla Model S ou d’Infiniti Essence mais pas vraiment une Mazda. Comme l’explique Julien Montousse, chaque bureau de style, chaque région du monde a une approche différente de la conception d’une auto. Ainsi, chez les américains, lorsqu’on présente les maquettes aux responsables, l’observation se fait à 10 mètres. Une auto doit se reconnaître de loin, on comprend dès lors le côté légèrement caricatural des productions Outre-Atlantique. A contrario, les patrons japonais ont le nez sur les maquettes de style car ils s’attachent beaucoup aux détails, Shinari est donc une auto qui se déguste de près.

Et effectivement, le désintérêt premier s’estompe dès qu’on s’attarde un peu. Le lien de parenté Mazda, ce « sourire » un peu trop accentué sur Nagare, se retrouve dans la baguette d’alu et la ligne de lumière qui prennent naissance dans les optiques avant pour ensuite souligner la forme basse de la calandre. Dans la pénombre, feux allumés, on sait avoir affaire à une Mazda. Subtil et remarquable.

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Idem pour les ailes décrochées que l’on retrouve sur la RX-8 ou encore la Mazda2 et la MX-5. C’est un trait de caractère des Mazda modernes que l’on retrouve ici d’une façon encore plus intégré. Le mouvement démarre en effet dans le dessin de calandre en diamant et dessine 2 lignes de force en arc qui vont se perdre de façon quasiment parallèle sur le profil de l’auto. Il y a une continuité qui permet une lecture sans accroc de la face avant jusqu’aux roues arrière. Ce mouvement avant vient ensuite s’imbriquer dans le mouvement arrière propulsif dominant afin de donner à la croupe sa puissance. Shinari est faite d’arcs tendus, de lignes claires et finalement assez pures.

Les baguettes d’alu jouent aussi un grand rôle. Outre le V Mazda reliant les optiques avant et arrière évoqué plus haut, on retrouve dans les phares avant au dessin en forme d’iris humain, une baguette d’alu prenant naissance à l’intérieur même du bloc pour ensuite s’évader vers l’extérieur, comme le ferait une goutte sous l’effet de l’air. Cette lame d’alu semble traverser l’aile pour ressortir ensuite à la base du montant de pare-brise dans un mouvement vrillé rappelant le fameux coupe-papier d’Enzo Mari.

[Design] les jolis desseins de Mazda : Shinari concept, Kodo et une future Mazda2 de 2020

Même topo pour la lame inférieure qui surligne les feux de jour à leds du bouclier avant de s’échapper sur l’extérieur dessinant ensuite joliment le relief du bas de caisse.

Shinari exprime la tension et la force, la signification du mot évoque un arc bandé, on est donc raccord.


[Design] les jolis desseins de Mazda : Shinari concept, Kodo et une future Mazda2 de 2020

Le dessin de l’habitacle est novateur de plusieurs façons : les zones de commande sont placées pour certaines dans des endroits inhabituels et la planche de bord très reculée et très inclinée donne une sensation d’espace et de dynamisme. Le conducteur est isolé et seules les commandes nécessaires à la conduite lui sont visibles. Il trouve des boutons des 2 côtés du volant, volant sur lequel on retrouve les commodos de clignotant. La console centrale séparée en 2 tendons très organiques « cache » les zones de commande non nécessaire à la conduite pure mais sans les rendre inutilisables ou inatteignables par le conducteur. Une étude ergonomique approfondie a permis de bien séparer toutes ces commandes mais selon le designer, elles restent toujours très intuitives. Des évidements de la console centrale allègent le dessin qui demande à être expérimenté in situ pour en comprendre vraiment toutes les idées.


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Vous aurez remarqué l’écran flottant situé à droite du combine classique d’instrumentation. Il abrite le HMI, Human Machine Interface, qui permet à travers l’écran 3 D de paramétrer sa voiture.


Pour apprécier Shinari, il faut vraiment s’en approcher, on regrettera donc encore plus son absence à Paris. Peut être a-t-on pensé qu’il ne fallait pas tuer trop vite Nagare et par ricochet les produits actuellement en vente qui ont encore quelques années de vie devant eux. Mais alors pourquoi dévoiler Shinari aussi tôt ? Question sans réponse.


Pour les amateurs de design, je vous invite à compulser le portfolio pour découvrir les propositions recalées.