Le bonus/malus n’en finit plus d’être victime de son succès, à tel point qu’on est en droit de se demander à partir de quel coût on peut finalement le considérer comme un échec.

L’objectif initial et même, disons-le tout net, naïf du système bonus/malus était de parvenir à un équilibre parfait : les malus devaient servir à payer les bonus dans le cadre de la loi des finances dès l’année de sa mise en place, en 2008. De savants calculs avaient été réalisés par rapport aux précédentes ventes d’automobiles pour déterminer les différents montants afin d’y parvenir.

Mais tout ne s’est pas passé comme prévu pour une raison toute simple : contre toute attente, les acheteurs se sont adaptés et ont donc délaissés les automobiles les plus émettrices de CO2 au profit des plus frugales. La part des véhicules malussés est ainsi passée de 24,2% en 2007 à 13,9% en 2008 et n’est pour l’instant que de 9,66% pour 2009. Moins de malus encaissés donc, et, double peine, plus de bonus à offrir : les ventes de voitures à moins de 100g/km de CO2 ont été multipliées par 13 en un an et celles des 101 à 120g ont augmenté de 42% sur le seul mois de septembre, cette tranche représentant maintenant à elle seule la moitié des immatriculations totales ! Pour la seule année 2008, les rêves d’équilibre disparaissent brutalement et se transforme en déficit cauchemardesque de 214 millions d’euros.

Pour 2009, on remet le couvert. Par d’autres équations complexes, l’objectif de déficit pour cette nouvelle année était de "seulement" 161 millions d’euros en tablant sur une quasi stagnation étonnante des dépenses liées au bonus et… à une explosion totalement incohérente de 40% supplémentaires des recettes venant des malus. Encore une fois, le scénario a très vite avoué ses limites. Sur le seul mois de septembre 2009, le coût du système bonus/malus est de 55 millions d’euros. Sur les neuf premiers mois, il est d’ores et déjà de 416 millions d’euros et selon les prévisions devrait atteindre 600 millions d’ici la fin de l’année.

Pour 2010, l’Etat revoit donc une nouvelle fois sa copie : tous les seuils baisseront de 5g et les montants de bonus sont revus à la baisse sauf pour les moins de 95g, toujours à 1000€ : de 700€ à 500 pour les 96 à 115g et de 200 à 100€ pour les 116 à 125g. Dans le même temps, les montants des malus resteront, eux, inchangés.

Espère-t-on toujours un éventuel équilibre pour l’année prochaine ? Selon Hervé Mariton, député UMP, non. Dans le rapport sur le sujet dont il est l’auteur, la glorieuse expression victime de son succès refait surface : "Il ressort que, paradoxalement, c’est le succès du dispositif qui a dégradé son bilan. Ce bilan serait largement positif si l’équilibre financier initialement visé avait été atteint", ce qui paraît effectivement évident, tout comme "Le calibrage des recettes a donc été particulièrement déficient". Mais tout cela était prévisible selon lui : "Le malus a, en effet, vocation à dissuader l’achat de véhicule anti-écologique et ne peut compenser complètement et durablement le coût du bonus, surtout lorsque celui-ci connaît un tel succès. Dans les faits, l’idée d’un bonus-malus efficace et équilibré risque fort d’être chimérique".

Finalement, à quoi sert le système du bonus/malus ? Avec une baisse des émissions moyennes des véhicules neufs passant de 149g/km de CO2 en 2007 à 140g en 2008 et 135g pour les quatre premiers mois de l'année 2009, le gain pour l’écologie est difficile à déterminer, surtout en ne se basant que sur les émissions de CO2. Hervé Mariton se focalise d'ailleurs plus sur l’aspect économique et social dans son rapport. Et là, cela devient enfin positif : "il a bien contribué au soutien de l’activité du secteur automobile en France". Sur les 390 000 ventes d’automobiles, 140 000 pourraient en effet être attribuées directement aux bonus/malus et à la prime à la casse (qui devrait coûter près de 400 millions d’euros à l’Etat cette année), ce qui se traduirait par la sauvegarde de 16 à 21 000 emplois et évidemment par la possibilité offerte à 140 000 automobilistes de changer ou d’acheter une voiture, ce qu’ils n’auraient pas fait sans ces incitations financières. Ce bilan, finalement plus social qu’économique ou écologique, ne devrait donc pas avoir de prix. Il en a pourtant un : 1,214 milliard d’euros.

Source : avec AutoActu