2013 aura été une année encourageante du point de vue de la mortalité sur nos routes. Avec moins de 3 500 décès, la statistique a déjà tendu significativement vers un objectif fixé à 2 000 à l'horizon 2020, en offrant une salvatrice déflation de la morbide comptabilité. Une tendance dont tout le monde se félicite, et, en premier lieu, nos dirigeants. Un indicateur qui, cependant, relève de multiples facteurs. Or, nos élites ne jurent que par le raccourci de la limitation de vitesse, se rendant de fait coupable d'un excès de simplification. Dès lors, en 2014, lesdites restrictions kilométriques pourraient bien être abaissées. Une mesure qui pourrait s'avérer aussi coûteuse qu'inefficace.


Faisons un rapide rappel historique. En 1972, et alors que le trafic routier était trois fois moindre, on ramassait pas moins de 18 000 cadavres sur les bords de nos routes. Lorsque, en 1973, les premières limitations de vitesse sont arrivées, ce chiffre est passé à 13 000. Une baisse pour le moins conséquente à une époque où les radars relevaient encore de la grande exception. La prise de conscience des Français encouragée par le premier choc pétrolier avait fait son effet, bien avant la peur de l'infraction en cours de structuration.


Par ailleurs, au fil du temps, les véhicules se sont grandement améliorés. Finie la grenade prête à se disloquer au moindre choc. Les constructeurs ont bien travaillé pour nous préserver. Résultat, en 2013, et pour la première fois, il y a eu moins de morts sur les routes dans les voitures que pour toutes les autres catégories d’usagers. Clairement, il vaut mieux arpenter nos axes routiers en voiture qu'en tant que piétons ou cyclistes, qu'en deux-roues ou au volant d'un poids lourds.


Dès lors, sommes nous arrivés à un stade ultime où toute prochaine baisse ressemblera plus à une lente érosion qu'à un effondrement significatif ? Dans cette optique, arriver à 2 000 morts sera compliqué. Mais l'espace-temps d'un politique est déterminé par le sablier du mandat électoral. Pour ralentir la courbe, il est donc tenté d'accélérer la baisse des limitations de vitesse. Et, selon les experts, abaisser la vitesse de 90 km/h à 80 permettrait d’épargner la vie de 400 personnes.


Mais pour en arriver là, il faudra bien regarder les comptes. Dans un monde où tout à une valeur et se détermine à l'aune de celle-ci, la vie d'un automobiliste n'échappe pas au mercuriale. Et c'est une autorité dans le milieu de la Sécurité Routière, Christian Gérondeau, qui nous l'explique dans un entretien accordé au média l'Argus : « Ce calcul consiste à estimer combien rapporterait, en vies, et donc indirectement en argent, le nombre de vies épargnées et à rapprocher ce chiffre de la somme qu’il faudra dépenser pour les sauver, ainsi que les pertes qu’engendreraient une telle mesure. D’après les derniers chiffres, elle serait estimée à 1 million d’euros. »


D'accord, mais ensuite, quel est le résultat de cette savante équation ? « on se rend compte alors que baisser la vitesse sur autoroute de 10km/h permettrait de sauver de 20 à 30 personnes, soit 20 à 30 millions d’euros, mais coûterait, je crois, 1,2 milliard d’euros sur le plan économique pur. » Que dira alors un président de la Cour des Comptes qui tique pour 420 euros dépensés par un Préfet dans le Var qui voulait récompenser les automobilistes sobres la nuit de la Saint Sylvestre ?


Si la piste de la baisse de la limitation des vitesses autorisées est choisie, il y aura un coût et pour l'amortir, il faudra faire crépiter plus souvent les radars afin de transférer la charge sur les usagers de la route. Pourtant, il y aurait d'autres questions à se poser. Et le même Christian Gérondeau en pose une, très pertinente : « la route est le seul facteur de la Sécurité Routière qui n’est pas contrôlé. Les routes, elles, ne sont contrôlées que par ceux qui les font. Aucun organisme indépendant n’est missionné pour auditer et c’est une anomalie. Il n’y a aucune obligation légale à faire vérifier les routes. Il n’y a même pas d’entreprises spécialisées en mesure de réaliser un audit. Le premier frein est la crainte de la responsabilité. C’est une grosse lacune. »