Il est 22h et me voilà citant…


« Mais pourquoi Franz Münterfering est-il si facilement parvenu à réactiver le sentiment de victimes qui sommeille collectivement dans l’esprit des Allemands ?


Parce que nous avons eu suffisamment de temps pour intérioriser cette formule qui veut que même si nous avons été les perdants militaires et moraux de la guerre civile mondiale, nous serons tout de même ses vainqueurs sur le plan de l’économie. C’était cela et rien d’autre, le secret de l’ancienne Allemagne fédérale : l’humilité politique combinée à une expansion économique triomphale. La mondialisation a remis en question cette formule du succès – et endommagé du même coup le pacte sociopsychologique fondamental qui assure les fondements de la RFA (…) L’incorporation de la RDA a certainement été un accélérateur de la dépréciation. Lorsqu’il nous a fallu intégrer l’héritage de la seconde dictature allemande, nous avons peu à peu compris que la « réunification » puisse être un projet de perdant. les sommes gigantesques qui ont été transférées vers l’Allemagne de l’Est depuis 1990 y ont fait bouger beaucoup de choses, mais elles montrent aussi que la nationalité, en tant que telle, n’est pas un concept à succès. Avec des frais pareils, il n’y a plus aucun plaisir à être allemand… »


NB : Münterfering a été le président du parti social-démocrate allemand (SPD) ; il démissionna de ses fonctions en 2009 après un revers électoral.


Références : Repenser l’impôt, Peter Sloterdijk, Libella/Maren Sell, 318 pages, février 2012, 22 euros