L'élu à bien vu que sa collègue venait de mettre le feu au poudre et d'inquiéter avec sa détermination ses électeurs habitant aux alentours de Melun... Et qui dépendent professionnellement d'un Paris dans lequel il va bien falloir se rendre. Alors il a écrit cette lettre relayée sur la toile, aux mots forts puisque l'on y parle de ségrégations... A l'heure où Manuel Valls affirme qu'il ne veut pas d'apartheid en France, voilà qui fait grand bruit. Les socialistes nous joueraient-ils une scène inédite du vice et de la vertu ? On s'y perd...


Voici le lettre du député à la maire de Paris :


"Comme toi, je partage la volonté de chasser la pollution de nos villes, comme toi, depuis des années je m'impatiente du retard pris, comme toi je m'exaspère des discours qui ronflent pour mieux endormir tout changement, grâce à toi j'ai applaudi la baisse de la limitation de vitesse sur le boulevard périphérique, mais... Les mesures d'interdiction d'accès à Paris que tu t'apprêtes à prendre posent en réalité de nombreuses questions. La décision radicale que tu suggères va transitoirement - le temps du renouvellement du parc automobile - créer une véritable ségrégation spatiale."

Paris n'est pas une ville comme les autres. La ville capitale concentre sur son territoire activités économiques, services, commerces, administrations, lieux de culture, qui rendent son accès indispensable à toutes et tous.

Les parisiens disposent de moyens incomparables pour trouver une alternative à la voiture : trains, RER, bus, tramway, taxis, VTC, Vélib, Autolib. Leurs temps de déplacement sont les moins élevés en Ile de France. Ce n'est pas le cas des citoyens de grande couronne qui cumulent les temps de trajets les plus longs et l'offre de transport public la plus dégradée. Ils n'ont d'autre choix qu'entre leur véhicule et les rames bondées d'un réseau de RER et de trains de banlieue encore trop irrégulier.

Sans verser dans le misérabilisme, nombreux sont ceux qui ont dû quitter la ville métropole, trop chère, pour rejoindre les lisières. Ils ont investi dans ces villes nouvelles ou ces villages éloignés, emprunté pour acheter leur domicile et leur(s) véhicule(s) et voilà qu'ils découvrent soudainement que leur liberté d'aller et venir va être brutalement limitée.

Les utilisateurs des voitures les plus anciennes seront bloqués aux portes de Paris dans 18 mois, et à partir de 2020, il leur faudra disposer d'un véhicule de moins de dix ans, et ne roulant pas au diésel. Aujourd'hui ce sont pourtant deux Français sur trois qui roulent au diésel et l'âge moyen des voitures a progressé de près de 40% depuis 20 ans en raison de la crise.

En clair, une très large majorité d'automobilistes devra avoir changé de mode de transport dans les cinq prochaines années pour conserver le droit de déposer ses enfants dans une gare nationale, de travailler en horaires décalés, de rentrer tard d'un spectacle, de franchir le périphérique un jour "d'incident voyageur" ou de "forte perturbation dans les transports", de venir dîner avec des amis, de travailler tout simplement.

J'entends déjà les conseils avisés que l'on adressera à ces pollueurs : vendez votre véhicule pour en acheter un autre. Mais qui acceptera désormais d'acheter une voiture qui n'a plus la liberté d'aller et venir? La simple annonce des restrictions à venir correspond déjà à une dévaluation de tous les véhicules qui ne correspondront pas aux normes que Paris entend imposer pour 2020.

Encore une fois je ne suis pas étranger à la logique défendue et au volontarisme affiché, mais je m'interroge sur des décisions qui visent la défense étroite des seuls parisiens sans tenir compte des difficultés collatérales pour celles et ceux qui vivent au delà du périphérique.

Que dirais-tu si nous supprimions des vols sur Roissy et Orly en raison de la nuisance sonore infligée aux riverains et de la pollution atmosphérique dégagée?

Alors comment sortir de ces contradictions? Je fais une proposition simple : tous les véhicules achetés avant 2010 pourront continuer de circuler librement, y compris après 2020, à la condition de s'équiper d'un filtre à particules. Nos voisins allemands subventionnent ces équipements et les véhicules ainsi dépollués passent sous les taux d'émission fixés pour rouler y compris dans les voies réservées aux faibles émetteurs de particules. Un crédit d'impôt local et/ou national pourrait favoriser l'installation de ces filtres.

Je suis certain que nous pouvons avancer ensemble vers cet objectif commun, l'élu de grande couronne que je suis se tient à ta disposition pour en reparler, ainsi que tous les maires qui, au- delà de l'aire métropolitaine, savent que le quotidien de leurs habitants dépend encore étroitement de la ville de Paris.

 Je te prie de croire en l'assurance de mes sentiments les meilleurs."