Doit-on voir dans les dernières décisions du Conseil d'Etat le souhait de définir des limites à un système tout répressif motivé par la non contestable et sacro-sainte Sécurité Routière justifiant des mesures toujours plus sévères. C'est probable.

L'inflexibilité du permis à points vient d'être fortement ébranlée après que le Conseil d'Etat a décidé d'invalider une vingtaine d'annulation de permis pour des personnes dont le métier ou la situation financière réclame qu'elles puissent prendre la route.

L'absence de réflexion dans la sanction, imposée par des élites politiques en mal de résultats positifs trouve ses limites dans la crise actuelle qui jettent par milliers des salariés au chômage. Alors qu'autrefois, les permis blancs ordonnés par des juges à l'écoute des situations particulières de chacun (et de leurs fautes) permettaient aux professionnels de la route de ne pas perdre leur boulot, depuis plusieurs années, la tolérance zéro que l'on ne retrouve appliquée que dans ce domaine particulier fait tomber le couperet sur énormément de personnes. Pour celles-ci, une privation du permis provoque quasi systématiquement des soucis familiaux graves qui peuvent aboutir à une exclusion de la société. Pour les autres qui veulent à tout prix conserver leur boulot, cela les amène à rouler sans permis, ce qui aboutit tout aussi systématiquement à d'autres drames.

Très concrètement, le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative de France a jugé qu'une annulation du permis pouvait être invalidée lorsqu'elle porte une "atteinte grave et immédiate à la profession ou à la situation financière de l'intéressé". Ceci ouvre une brèche qui pourrait bénéficier à tous les professionnels de la route puisque cette décision fait jurisprudence.

Remy Josseaume, Docteur en droit pénal routier et Président de la Commission juridique de l'association 40 millions d'automobilistes note : "C'est une première jurisprudentielle alors que depuis près de 20 ans le Conseil d'Etat a toujours été réticent à prononcer une telle décision, sacralisant les enjeux de sécurité routière au détriment des impératifs professionnels et sociaux d'un automobiliste"

Ces professionnels qui parcourent plusieurs dizaines voire une centaine de milliers de kilomètres par an et qui sont chaque jour susceptibles de perdre un ou 2 points pour des infractions absolument mineures et souvent inévitables pourraient ainsi retrouver un semblant de sérénité dans l'exécution de leur métier. Pour se défendre, ceux-ci devront prendre contact avec un avocat et déposer une requête en référé pour demander l'annulation de la suspension à un juge. Déjà 20 cas ont bénéficié de cette mesure qui tend à redonner un peu d'humanité dans la justice de la route qui tendait à l'application mécanique d'une loi par trop sévère (la double peine d'une contravention et de la perte de points) bien servie par une répression souvent aveugle, tout du moins mal voyante.