Au sein de la Commission européenne, tout le monde n'est pas d'accord, le débat est vif. La raison de la discorde ? La législation contraignante visant les émissions de gaz carbonique des automobiles mises en circulation dans l'Union Européenne, selon l'hebdomadaire l'Express. Les commissaires se déchirent en public, les défenseurs de l'industrie automobile s'opposant aux autres. Aujourd'hui, lors de sa réunion, la Commission européenne dira si elle exécutera sa menace de passer à une législation contraignante au lieu d'être indulgente avec les constructeurs.

Ces dernières années, des progrès ont été réalisés : les émissions de CO2 de voitures neuves fabriquées au sein des 15 membres les plus anciens de l'Union européenne ont été en 2004 inférieures de 12,4% à celles de 1995. Mais les constructeurs ont appuyé sur la pédale de frein ces derniers mois, ont ralenti le rythme alors que l'objectif pour 2008-2009 nécessite une baisse de 25% !

Les défenseurs de l'industrie automobile

Pour le commissaire européen chargé de l'Industrie, Günter Verheugen, il faut laisser du temps aux fabricants automobiles, plus précisément aux constructeurs allemands et français, la base européenne. Il a déclaré dans une interview publiée vendredi 19 janvier 2007 par le quotidien Les Echos : "Bien sûr, nous devons prendre en compte le changement climatique, mais aussi l'intérêt des consommateurs, la compétitivité de nos entreprises. Je soutiens l'objectif des 120 g/km. Je note que les constructeurs américains n'en sont qu'à 200 g/km et que le ralentissement du processus de réduction de la pollution s'explique par des phénomènes de société. Les consommateurs veulent des voitures plus sûres et plus grandes, donc plus lourdes et plus polluantes, et la mode des véhicules 4x4 tout terrain qui se multiplient actuellement sur les routes d'Europe aggrave le problème. Il faut travailler sur les pneus, le carburant, le mode de conduite et la gestion du trafic, donc sur une "approche intégrée", plutôt que pénaliser un secteur européen présent à l'exportation dans le haut de gamme. Pas question, donc, de se précipiter et il faut faire une étude d'impact avant de proposer une législation. Cela prendra du temps, il n'y aura de proposition législative de la Commission cette année." Selon L'Express, ce discours est celui de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), qui insiste sur les efforts majeurs consentis par ses membres pour réduire la pollution : un million de voitures vendues en 2004 émettaient déjà moins de 120 g de CO2/km, soit la norme prévue pour 2012. L'ACEA a dit : "C'est donc aux politiques d'orienter la demande vers des voitures plus propres par le biais de la fiscalité."

Ceux qui sont pour la législation contraignante

Toujours selon L'Express, dans le camp du commissaire européen à l'Environnement, Stavros Dimas, le ton est radicalement différent : "Il a clairement dit qu'il allait proposer une approche législative", a dit sa porte-parole, Barbara Helffrerich, selon laquelle cela doit être fait cette année encore. Dans son entourage, on souligne que la Commission perdrait toute crédibilité si elle se contentait de simples objectifs, 12 jours après avoir présenté une stratégie énergétique centrée sur la lutte contre le changement climatique. Si les automobiles, qui représentent 10% des émissions de CO2 de l'Union Européenne, ratent le coche, l'UE manquera son engagement de ramener d'ici à 2012 les émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport aux niveaux qui avaient été atteints en 1990. "Dimas se battra jusqu'à la fin", affirme-t-on dans son entourage. "L'approche intégrée de Verheugen ne fonctionne pas parce que cela revient à demander à un conducteur de Porsche de penser à l'environnement. Le monde nous regarde."

L'issue de la bataille est très indécise puisque, selon un responsable européen, la Commission est divisée en deux. Mais son président, José Manuel Barroso, ne s'est pas encore prononcé et sa voix pourrait être prépondérante. Sa famille possède toutefois un 4X4 dont la pollution s'élève selon le constructeur Volkswagen à 382 g de CO2 par km.