Le buzz, c’est leur truc. A Mountain View, siège de Google, comme à Cuppertino, le fief d’Apple, on sait faire causer, jaser et fantasmer. Ainsi donc, les deux gros porteurs des nouvelles technos développeraient des autos. Du côté de la Pomme, les effectifs seraient même renforcés pour mettre les bouchées doubles et développer l’Apple Car alors que Google affirme carrément être prêt à lancer ses petites bulles à roulettes sur les routes californiennes dès ce mois-ci.

L’industrie auto beaucoup moins rentable que celle du Smartphone

Que deux de ces puissants – auxquels on peut ajouter Microsoft, jamais très loin de la roue de ses fougueux concurrents – s’intéressent aux voitures est une chose. Mais qu’ils se jettent dans le grand bain de l’industrie automobile en est une autre.

Car que diable vont-ils faire dans cette galère ? Pourquoi les géants de la Silicon Valley se mettraient-ils soudain à construire des usines pour produire à la chaîne des milliers, voire des millions d’autos, autonomes ou non. Pourquoi, de surcroît, développeraient-ils des réseaux de distribution autour de la planète, avec, à la clé, des ateliers d’entretien et de réparation ?

Pour la rentabilité d’une telle affaire ? Certainement pas. La marge opérationnelle (ce qu’il reste effectivement dans la poche d’une entreprise tous frais déduits) dans l’automobile est l’une des plus faibles parmi les produits manufacturés. Celle de Renault, qui n’est pourtant pas, ces temps-ci, le plus mal loti parmi les généralistes français, est de 3,9 %. Audi, cité en exemple de réussite, atteint 9,8 % et Jaguar-Land Rover, rentable parmi les rentables, plafonne à 19,9 %. Un record. Mais un petit joueur comparé à Apple qui frise les 40 %, voire les 50 % selon certains analystes, un petit frère des pauvres face à Microsoft et ses 30 %, un gagne-petit, pas encore à la hauteur de Google, qui réalise 25 % de marge.

Les géants du high-tech n’ont donc pas grand-chose à gagner en se lançant dans l’industrie auto, mais beaucoup à perdre puisque les investissements à consentir sont colossaux.

Apple et Google, futurs équipementiers

Alors, dans ce cas, pourquoi monter le buzz et la mayonnaise autour de ces projets ? Pourquoi Apple a-t-il débauché Steve Zadetsky, ancien ponte de Ford qui travaille désormais à Cuppertino avec une équipe de plus de 100 personnes ? Et pourquoi Google développe-t-il et fait-il rouler ses petites autos en faisant la démonstration de son savoir-faire ?

C’est que le roi du Smartphone, comme l’empereur du moteur de recherche, s’intéressent effectivement aux autos. Mais ils souhaitent avant tout se placer comme équipementiers auprès des constructeurs existants. La voiture ultra-connectée, c’est aujourd’hui, et l’auto autonome c’est demain. Or, dans cette course techno, les grands groupes qui fournissent les marques sont à la peine. Les systèmes informatiques embarqués, les calculateurs capables d’analyser en temps réel les signaux GPS, ceux des radars ou des caméras thermiques, c’est pas leur truc. Ils s’y emploient, tentent de se raccrocher au wagon de la modernité, mais avec un temps de retard car, forcément, ils manquent de compétences internes par rapport aux géants de la Silicon Valley.

Dans ces domaines, les enjeux financiers sont et seront considérables dans les prochaines années. Des enjeux et des gros sous qui ne répondent pas forcément au schéma de la bonne vieille économie, où l’on achète et paie un fournisseur pour un produit donné.

Selon l’un des hauts responsables de la connectique d’un constructeur français, qui tient évidemment à rester anonyme, ces géants seraient aujourd’hui prêts à offrir gratuitement leur connectique permettant de relier un smartphone à une voiture, une première étape de leur déploiement. En échange, les constructeurs devraient tout simplement s’engager à leur livrer toutes les données collectées. Ainsi les firmes américaines disposeraient de fichiers imparables sur les clients des constructeurs, de leur état-civil complet jusqu’au type de voiture acheté en passant par le moindre déplacement de celle-ci. Une base de données qui vaut bien évidemment de l’or. Et qui justifie, en partie, les gesticulations et les (relativement) importants investissements dans l’automobile de la part de ces groupes. Une première étape avant que ces nouveaux acteurs prennent toute leur place aux côtés des cinq gros équipementiers de la vieille technologie que sont Hyundai, Continental, Magna, Denso et Faurecia. Un temps qui n’est peut-être pas si éloigné.



Pourquoi vous ne conduirez jamais une Apple ou une Google Car...

Chroniqueur au Huffington Post, ancien journaliste de Libération, c'est maintenant pour vous que Michel Holtz décryptera l'actualité automobile. Un avis pertinent à retrouver régulièrement sur Caradisiac.