« Aucune publication au Bulletin officiel n'est nécessaire pour valider cette homologation », a rapidement répondu la Sécurité routière après les affirmations de l'Automobile Club des avocats, selon lesquelles les PV issus des nouveaux radars tronçons pouvaient être annulés « par un tribunal » pour cette simple raison. Qui dit vrai ? L'administration ou les avocats ? Il ressort tout de même du décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure que le « certificat d’examen de type est [normalement, ndlr] publié, sous forme d’extraits, au Bulletin officiel du ministère chargé de l’industrie » ! Malgré tout, peut-on conclure que cette absence entraîne la nullité de tous les procès-verbaux dressés à partir de ce type de contrôle ? Rien n'est moins sûr... Surtout qu'il existe bien une publicité de ce certificat sur le site Internet du LNE, l'organisme en charge de l'homologation des radars. Il semblerait en outre qu'aucun certificat ne soit jamais paru au Bulletin avant l'utilisation effective des nouveaux appareils. Ce qui reviendrait à conclure que tous les radars sont toujours illégaux lors de leur mise en service, et pas seulement les tronçons !

Une légalité qui reste douteuse

Pour autant, la légalité de ce nouveau matériel soulève bien des questions. Et il existe au moins trois sujets de discussion :

    1) Le lieu de l'infraction est mal défini. Le législateur a bien tenté d'esquiver ce problème en modifiant un article du code de la route, mais il serait bien surprenant que cela suffise à le régler selon Maître Tichit ! Quand « l'excès de vitesse est constaté par le relevé d'une vitesse moyenne entre deux points (...), le lieu de commission de l'infraction est celui où a été réalisée la deuxième constatation », stipule désormais l'article L130-9, modifié par la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2. Sauf que pour l'avocate, « un procès-verbal ne peut en aucun cas souffrir d'une imprécision, en particulier sur le lieu de l'infraction, pour conserver toute sa force probant ! Et j'ai bien hâte de voir la rédaction de ces procès-verbaux et les clichés correspondants pour voir comment l'administration compte s'en sortir... ».2) L'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) pour la mise en place d'un tel traitement automatisé manque vraisemblablement à l'appel ! Or cette demande d'avis, comme Caradisiac a déjà eu l'occasion de l'évoquer, paraît indispensable pour respecter la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés de 1978. Un avis inutile pour les pouvoirs publics qui tentent d'expliquer que celui rendu lors du lancement du contrôle automatisé des infractions routières en 2003 suffit amplement... Sauf que les radars tronçons ne fonctionnent absolument pas comme les cabines et les autres radars automatiques classiques ! Avec les tronçons, ce ne sont pas seulement les véhicules en infraction qui sont flashés, mais ce sont tous les numéros d'immatriculation circulant sur la portion surveillée qui sont relevés ! Les deux caméras, équipées d'un système de lecture automatique des plaques, enregistrent ainsi en un point A et en un point B toutes les immatriculations qui passent. A partir de là, la vitesse moyenne est calculée, et les contraventions sont envoyées aux propriétaires des véhicules en excès.3) La nature même de l'équipement pose question. S'agit-il bien de cinémomètres et donc d'instruments de mesure ? Ne devrait-il pas y avoir de nouveaux textes réglementaires, ou au moins une réactualisation de l'arrêté existant pour introduire ce nouveau matériel ? Car les radars tronçons ne ressemblent absolument pas aux radars en service jusque-là. Comme dit précédemment, il s'agit uniquement de deux caméras évoluées. Pour autant, la rédaction de l'arrêté du 4 juin 2009 qui encadre la fabrication et l'utilisation des radars en France n'a pas du tout été retouchée...

Ce seront certainement aux tribunaux de trancher. Il n'empêche, il n'est pas dit qu'on finisse par connaître le fin mot de l'histoire. Car les juridictions pénales ne sont pas toujours compétentes pour juger le bien-fondé de certains pans du système. Que Morpho (ex-Sagem) choisisse et paie directement le vérificateur des radars automatiques (SGS Qualitest Industrie) qu'il fabrique paraît bien contraire aux textes en vigueur... Une problématique qui ne regarde malheureusement pas les tribunaux de Police. Au final, illégal ou pas en théorie, c'est ce qui se fait en pratique !