La question de l'internaute

« J'ai acheté d'occasion un Sharan 2.0 TDI il y a moins d'un an qui serait concerné par le scandale sur la tricherie aux NOx. Que me conseillez-vous ? Serait-il opportun de participer à l'action de groupe lancée par l'ordre des avocats de Paris, dont on a beaucoup entendu parler dans les médias ?  »

Sébastien

 

La réponse de Caradisiac

Attention, il ne s'agit aucunement d'une action de groupe ! Mais bien d'une procédure individuelle... C'est vous, et vous seul, qui décidez donc d'attaquer le groupe Volkswagen. En l'occurrence, Me Charles Constantin-Vallet, l'avocat qui se chargerait de votre plainte individuelle, comme de toutes les autres réunies via ce site Internet mis en place par le barreau de Paris, a fait savoir, notamment dans Le Parisien, qu'il déposait plainte pour « tromperie » et « pratique commerciale trompeuse ». Or, pour le moment, force est de constater qu'il n'existerait aucun élément matériel permettant de caractériser ces infractions pénales.

Et alors ? Cela veut-il dire qu'une telle procédure est forcément vouée à l'échec ? Non plus ! Mais il est sans doute un peu trop tôt pour le dire... Reste que l'atout majeur de se retrouver embarqué dans la procédure, c'est a priori de pouvoir accéder aux pièces du dossier. Car une enquête pénale est déjà bien en cours. Le parquet de Paris a en effet ouvert une enquête préliminaire pour « tromperie aggravée sur une marchandise susceptible d’être dangereuse pour la santé », le 2 octobre dernier, et potentiellement, il peut être particulièrement intéressant, pour les propriétaires qui se considèrent lésés de se tenir au plus près de cette instruction...

Maintenant, cela ne veut pas dire que le tribunal considérera ces plaignants - futures parties civiles au procès - comme de véritables victimes. Et auquel cas, ces derniers n'auraient plus rien à attendre de la procédure. Concrètement, qu'auraient-ils à perdre dans ce cas de figure ? La perte se limiterait simplement aux honoraires versés à l'avocat. En l'occurrence, Me Charles Constantin-Vallet réclame « 600 euros charges comprises » pour commencer.

Et qu'en serait-il avec une véritable action de groupe, si celle-ci était possible ? En tout point, elle pourrait être bien plus intéressante encore, puisque ce serait à une association de consommateurs agréée de mener seule le combat, avec à la clé, si le tribunal la suit, l'indemnisation des victimes, sans que celles-ci aient eu à débourser quoi que ce soit. Forcément, c'est alléchant !

 

Dans le détail

« Ensemble, on se fait mieux entendre ! », scande la plateforme lancée par le barreau de Paris pour « regrouper, autour d’un avocat, un nombre important de victimes d’un fait dommageable ». Sur cette action contre Volkswagen, le site annonce que plus de 1 930 personnes se sont ainsi d'ores et déjà déclarées intéressées. A quoi pourraient-elles alors prétendre si elles finalisent leur engagement ? Selon Charles Constantin-Vallet, l'avocat en charge de cette affaire, elles pourraient « gagner (…) entre 10 et 20 % du prix d'achat » sur un véhicule neuf. En revanche, sur un véhicule d'occasion, c'est beaucoup plus flou, l'indemnité étant, précise-t-il, à « chiffrer individuellement ». Et en quoi consisterait la procédure proposée ? Dans un premier temps, il s'agit de déposer plainte pour « tromperie » et « pratique commerciale trompeuse ». Me Constantin-Vallet réclame pour ce faire 600 euros TTC.

 

La procédure pourrait durer plusieurs années

Comme évoqué plus haut, une enquête préliminaire a déjà été ouverte par le parquet de Paris. Cette enquête peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Elle peut également déboucher sur l'ouverture de ce qu'on appelle une information judiciaire, qui peut elle-même durer plusieurs mois, voire plusieurs années. Maintenant, si au bout de cette enquête préliminaire ou de cette information judiciaire, un procès s'ouvre, il s'agira, pour les propriétaires de VW qui ont porté plainte (cf. le paragraphe précédent), de se constituer partie civile. Sans doute, l'avocat demandera à ce stade de nouveaux honoraires. Et en fonction de l'enquête en cours, à laquelle il aura accès au moment des constitutions de partie civile, il sera toujours temps de développer d'autres arguments que ceux évoqués dans les plaintes initiales.

C'est d'ailleurs ce pourquoi cette action « conjointe » pourrait se révéler être un succès, quand bien même aujourd'hui il n'existe « aucun élément matériel permettant de caractériser ces deux infractions pénales, que sont la 'tromperie ' et la 'pratique commerciale trompeuse' », souligne Frédéric Blanc, juriste à l'UFC-Que Choisir. Selon ce dernier, en effet, « on ne peut pas parler de tromperie puisque Volkswagen n'a mis à aucun moment en avant ses émissions en matière d'oxydes d'azote. Ni sur les étiquettes de vente, ni sur les brochures techniques... ». Contrairement d'ailleurs à ce qu'il a pu faire aux États-Unis où les normes sont encore plus drastiques et où la marque avait tout intérêt à communiquer sur ces soi-disant performances en matière de pollution aux NOx.

 

Une action de groupe pour l'heure impossible

En attendant, les résultats de l'enquête, « puisqu'aucun élément ne permet justement de caractériser cette tromperie, impossible de lancer une action de groupe », précise Frédéric Blanc. L'UFC-Que Choisir, comme les autres associations agréées n'ont pu ainsi mettre en place une telle procédure. Et à terme ? « Difficile de prédire l'avenir, mais tant qu'on ne peut pas chiffrer un préjudice, l'action de groupe paraît inenvisageable... ».

Certes, les premiers résultats des tests effectués en France tendraient à montrer que VW a eu aussi besoin de son logiciel « fraudeur » pour respecter les normes imposées en Europe (comme aux États-Unis, même si la réglementation est ici moins sévère). Il semblerait donc que Volkswagen a également triché en Europe et notamment en France. Mais il s'agirait là d'une atteinte à l'environnement et à la santé. Or l'action de groupe ne concerne que le droit à la consommation.

 

Que faire si vous êtes concerné ?

Pour les propriétaires concernés, il va falloir patienter encore un peu avant de pouvoir prétendre à quoi que ce soit. Attendre par exemple un éventuel rappel du constructeur si les normes ne sont donc pas respectées, et qu'il s'avère nécessaire de remettre à niveau les systèmes antipollution. Une remise à niveau qui pourrait bien modifier le comportement moteur de la voiture, avec pertes de puissance et de performances potentielles. Une remise à niveau qui pourrait également impacter la consommation en carburant. Au final, le préjudice financier pourrait donc être caractérisé ! Et à partir de là, pourrait s'entrevoir la mise en place d'une action de groupe par une association de consommateurs agréée.

D'une manière générale, mieux vaut attendre les résultats de l'enquête en cours qui mettra peut-être à jour, comme évoqué plus tôt, des faits nouveaux sur lesquels s'appuyer. L'enquête risque bien de durer, alors il n'est pas dit que les propriétaires concernés puissent être fixés rapidement sur les éventuelles actions à mener. En tout cas, si un préjudice financier peut être pour finir calculé, il paraît plus que probable qu'une véritable action de groupe sera déclenchée, avec l'avantage de ne rien avoir à débourser.

Ce qui ne veut pas dire non plus que les procédures individuelles menées par ailleurs seuls ou avec l'assistance d'un avocat ne pourraient se solder par un succès. C'est juste qu'il paraît prématuré de se lancer aujourd'hui dans l'attente des résultats des enquêtes en cours (judiciaire comme administrative) et de l'éventuel rappel de tous les véhicules concernés en France, ce qui représenterait près de 950 000 véhicules, dont la liste exhaustive établie par Caradisiac est à retrouver ici.