Regardez bien cette image d'ouverture. Elle représente tout ce que ne sait pas faire et tout ce qu'il ne faut pas faire avec une Rolls Royce Phantom Drophead Coupé. Pour bien situer, comparer la suspension pneumatique adaptative (en fonction du poids embarqué et de la conduite) de l'Anglaise avec celle de la Mégane CC essayée il y a quelques semaines obligerait à qualifier cette dernière d'horriblement inconfortable alors que nous l'avions décrite comme « agréable » voire même d'un peu mollassonne ! Entre les pneus dont la hauteur de flanc suffirait à amortir correctement une Abarth 500, le plancher double isolé, l'épaisseur de la moquette, les sièges sofa, la garde au sol qui fait que vos fesses se situent à peu près au niveau du visage des automobilistes qui vous entourent (y aurait-il une symbolique là-dedans ?) et la suspension pneumatique ultra-filtrée qui adapte sa fermeté (ou son absence de) en fonction du niveau d'essence dans le réservoir, vous n'êtes plus connecté à la route. Du tout. Ce que vous voyez arriver face à vous (nids-de-poule, saignées, plaque d'égout, trottoir, rond-point … etc.) ne se traduit pas de façon « normale » sous les roues. Les ingénieurs en charge de la suspension ont probablement eu comme mission d'éradiquer la notion même d'impact car la plupart du temps on ne ressent rien qu'un petit cahot suivi d'une légère ondulation dont l'importance varie selon la hauteur de l'obstacle. Pas de trace non plus de la plus infime vibration dans le montant de pare-brise. Avec une telle philosophie d'absorption, les 2 630 kg (+ ceux des passagers) ne sont jamais contenus lorsque le gars derrière le volant à l'inconscience d'élever le rythme. Une Drophead Coupé et plus généralement une Phantom ne se malmène pas, ça, on le savait, mais elle ne supporte même pas un soupçon de dynamisme. De toutes les façons, les 3 dixièmes de seconde qui séparent le moment où vous écrasez la pédale de celui où l'auto commence à s'animer ne vous incitent pas à jouer les énervés du bocal pour vous insérer dans la circulation, pas plus que le bruit d'aspirateur de table du V12 et encore moins la posture nez relevé de l'auto à l'accélération trop brutale qui sera fatalement suivie d'un freinage appuyé qui va renverser l'inclinaison du paquebot et vous donner un air constipé esthétiquement discutable. Et puis, franchement, il suffit d'avancer le nez (un cap, une péninsule) dans l'intersection pour qu'une âme charitable et souriante stoppe et vous laisse passer. À quoi bon s'énerver.


Pas de Stress

Essai vidéo - Rolls Royce Phantom Drophead Coupé, hors catégorie


Le stress et l'agressivité vous quittent durablement car, dans cette auto, tout est conçu pour vous faire apprécier la lenteur. En plus de ce compromis de suspension très nautique (les allusions aux yachts ne sont donc pas là que pour expliquer le design !) et d'une durée de décapotage de 35 secondes à effectuer uniquement à l'arrêt, le volant de diamètre d'une roue de bicyclette et la démultiplication de la direction vous font tout de suite sombrer dans un ridicule humiliant si par malheur vous abordez trop vite une sinuosité. Il faut apprendre à aborder un rond-point à la bonne vitesse (lente) afin d'être précis pour éviter les corrections au volant qui peuvent demander plus de 100° d'angle et qui occasionnent un mouvement de balancier vomitif à la voiture. Pour le coup, cela manque terriblement de noblesse et vous prenez le risque d'être la risée des automobilistes et des piétons autour de vous qui, la plupart du temps, vous abordent de façon très cordiale. Roulez en Ferrari à 200 000 euros et vous vous faites traiter de « sale riche », roulez en RR Phantom Drophead Coupé à 440 000 euros et on vous sourit en vous posant plein de questions aimables tout en vous souhaitant une agréable journée. Allez comprendre. Reste que le gouvernement et la Ligue contre la Violence Routière devraient sérieusement se pencher sur une éventuelle incitation à l'achat de ce genre d'auto pour faire accepter la baisse des limites de vitesse sur les routes et pour inciter à la courtoisie au volant.


Essai vidéo - Rolls Royce Phantom Drophead Coupé, hors catégorie

Autre exemple de cette propension à vous convertir à la flânerie: si les compteurs affichant non pas les tours/minute mais la réserve de puissance sont une curiosité pendant 10 minutes, ensuite, vous ne jetez quasiment plus jamais un œil au combiné d'instrumentation qui n'a aucune utilité. La boîte automatique ZF à 8 rapports participe à cela car le passage des 8 rapports est tellement imperceptible qu'il vous semble qu'elle ne comporte qu'une marche avant et une marche arrière que vous manipulez à l'ancienne derrière le volant. Déjà qu'au ralenti et à basse vitesse, le V12 est absolument inaudible, si on n'est encore jamais passé par la case pompe à essence avec cette auto qui consomme tout de même 16 l/100 km en moyenne (et jusqu'à plus de 22 l en ville), on pourrait se croire à bord d'une électrique. En plus silencieux. Ce phénomène était déjà impressionnant dans le coupé mais en cabriolet avec le bruit ambiant, on se demande souvent si le moteur tourne. D'ailleurs, je dois confesser piteusement avoir éteint à plusieurs reprises le moteur en pensant l'allumer … je n'en suis pas fier mais il faut dire qu'en Mégane CC dCi, cela ne risquait pas d'arriver ! La conduite de cette Drophead Coupé se révèle donc un pur bonheur qui a la particularité d'être très peu dérangé par l'auto elle-même. La non-prolifération de systèmes à multiples réglages, de joysticks, d'écran multimédia, de bruits d'échappement ou de moteur, tout cela vous incite à oublier cette décapotable qui fait tout pour vous mettre dans une condition de confort absolu, et du coup, vous vous ouvrez vers l'extérieur. C'est étonnant mais totalement évident après quelques heures passées à bord et c'est en cela que cette Phantom Drophead Coupé est la seule à valoir le coup d'être conduite.


Voilà, on arrive à la fin de ce descriptif du comportement routier de notre monture du jour et habituellement,, quand on aborde ce volet, on donne en premier lieu les caractéristiques du moteur mais ici, je me rends compte que je ne l'ai pas fait. Ce V12 6,75 l de 460 ch et 720 Nm est pourtant suffisant pour tenir tête à une Megane RS (5,8 s de 0 à 100 km/h), mais surtout, si ça n'était pas le cas, qui s'en soucierait ? Et vous savez quoi ? Il existe même un mode S comme Sport qui ne sert à rien ! Comme disait Rolls Royce en d'autres temps : « la puissance est suffisante ». Pour caboter, heureux, en bord de mer ou dans la montagne, oui, on peut vous garantir qu'elle est largement suffisante, c'est l'essentiel.


Essai vidéo - Rolls Royce Phantom Drophead Coupé, hors catégorie