Pourquoi Renault renonce à introduire Ampère en Bourse ?
L'opération d'introduction sur les marchés de l'entité électrique du groupe n'est pas reportée : elle est purement et simplement annulée. Plusieurs raisons ont poussé Luca de Meo à renoncer. Décryptage.
Le communiqué est tombé en fin d’après-midi, juste avant la fermeture des cotations à la Bourse de Paris, histoire de ne pas dégrader un cours qui se porte plutôt bien ces temps-ci. le texte est clair : « Renault Group décide d’annuler l’introduction en Bourse d’Ampère ». Il ne s’agit non pas d’un report, mais bel et bien d’une annulation.
Une valorisation en 8 et 10 milliards d'euros était attendue
C’est un choc, peut-être le plus important de cette redistribution des cartes de l’automobile actuelle, et de sa transformation de fond du thermique vers l’électrique. Mais qu’est ce qui a bien pu motiver Luca de Meo, le boss du losange a prendre sa décision. On sait qu’Ampère est né de la scission de Renault en deux entités séparées. L’une (Horse) est dédiée aux autos thermiques, l’autre, Ampère, donc, est réservée aux voitures électriques. Cette structure, au sein de laquelle Nissan et Mitsubishi possèdent des parts, devait être cotée dans l’espoir d’être valorisée pour un montant compris entre 8 et 10 milliards d’euros.
C’est donc fini. Ampère n’ira pas chercher des sous à la corbeille. Reste à savoir pourquoi cette difficile décision a été prise après plusieurs atermoiements. L’entité aura dû être intronisée au premier semestre 2023. Quelques hésitations plus tard, Renault a annoncé une introduction au second semestre, avant de tergiverser à nouveau, et de prévoir une entrée en Bourse au printemps de cette année. Jusqu’à hier soir ou toute l’opération a été annulée.
Plusieurs facteurs en sont sans doute la cause. À commencer par la conjoncture peu favorable au VE. Les ventes stagnent, en Europe, comme aux États-Unis et même en Chine. De plus, la guerre des prix, initiée par Tesla, fait des ravages, au point ou l’Américain voit ses marges fondre comme neige au soleil, tout comme son cours, qui a plongé de 24% depuis le début de l’année.
À cette bataille tarifaire à laquelle se livrent les constructeurs occidentaux, s’ajoute une autre guerre : l’offensive des marques chinoises en Europe, marché principal d’Ampère. S’y ajoutent également les incertitudes politiques des élections à venir, en Europe en juin, et aux US en novembre qui pourraient avoir la peau, ou du moins retarder, la bascule vers le tout électrique. Autant dire que les notes défavorables des analystes, faisant état d’une trop grande gourmandise de de Meo à la recherche de ses milliards en bourse, sont plutôt logiques.
Quid de Qualcomm ?
À ces turbulences peu favorables à une introduction d’Ampère, viennent se juxtaposer des soucis en interne. Le tour de table de la nouvelle entité a été établi avec Nissan et Mitsubishi, mais il prévoyait également l’arrivée de l’Américain Qualcomm, le roi de la tech spécialisé dans les systèmes embarqués. Or, à ce jour, les discussions entre Renault et l’entreprise d’outre Atlantique n’ont toujours pas abouti. D’autant plus que, si du côté de Nissan et Mitsubishi, l’introduction en Bourse n’était pas un préalable dans leur participation dans Ampère, rien n’est acté avec Qualcomm à ce sujet. Les négociations seraient toujours en cours en ce qui concerne sa venue, comme ses desideratas.
Reste une question d’importance : quel est l’avenir d’Ampère et de ses modèles ? Le Scenic électrique est prêt à être commercialisé, tout comme la R5. Reste la suite. À ce sujet, de Meo est ultra-confiant, expliquant que Renault dispose de suffisamment de cash-flow pour continuer l’aventure sans la bourse. Les résultats 2023 seraient positifs au-delà des prévisions et les premiers indicateurs font état de 2 milliards d’euros. Une somme suffisante ? Réponse dans quelques temps. En tout cas, pour le moments, les traders n'en veulent pas à Luca de Meo, puisque ce matin, l'action Renault a gagné 5% à l'ouverture, même si, plus tard dans la matinée, la flamme du réveil s'est quelque peu émoussée, et que la cote est retombée à + 1,57%.
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