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2. Interview : Alain nous reparle de sa vie, avec 20 ans de recul, toujours passionné

15 ans de course au plus haut niveau, victoires, échecs, acharnement et champion, enfin

Ce jour de 1990, quand tu montes sur le podium, champion du monde, quelle est la sensation ?


C'est une libération quelque part. Grace, à l'opiniâtreté, la ténacité, à la volonté, la passion et tout ce qui va avec, c'est la récompense suprême, sur le coup, on ne réalise pas. C'est le lendemain ou le surlendemain qu'on réalise ce qui nous arrive.


Cette montée sur le podium, où les organisateurs m'ont demandé que tout le team monte à mes cotés pour célébrer cela, et que l'on fait monter avec soi son passager et sa femme, point, çà fait un « blanc » chez les organisateurs qui se regardent en disant, mais comment peut-on être champion du monde en étant que trois ?


Cela a eu un coté un peu comique, mais avec une certaine amertume, car nous avions cette année là des budgets ric rac et M. Guiter de chez Elf nous avait donné une rallonge dans le courant de la saison.


Je lui avais dit, on va arrêter la saison au milieu, on ne peut pas finir. Il a été le seul à croire à l'affaire, sans ce résultat, c'était la dernière année.

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Tu étais à bout financièrement.


Oui et physiquement aussi j'étais épuisé, il y avait tellement longtemps que je donnais, donnais, sans rien recevoir, un moment, ce n'ai plus de la passion, c'est de la folie. Insister au détriment de sa qualité de vie, de sa vie. Quand j'ai arrêté la compétition, je me suis dit : « Je vais pouvoir vivre des choses normales, simples».


Pour moi c'était sans fin, un peu l'erreur que j'ai faite toute ma vie, c'était de faire ce que je n'avais pas les moyens. Et ce qui devait être fait à 5 ou 6, je le faisais tout seul. C'est usant.


Mais tu a toujours eu des moyens très inférieurs à tes adversaires, c'était David contre Goliath !


Oui, mais ça ne me dérangeait pas, au contraire, j'avais plutôt une mentalité à me dire, si je n'ai pas tout ce qu'il faut, je ferais la différence au pilotage, à la hargne, à la passion. Cà a été payant, tout le long de ma carrière, il y a toujours eu des résultats, toujours devant, de la performance, c'était une récompense.


En 78, après deux années de side, tu termines second du mondial, tu dois penser à un titre rapidement.


Non, je ne me suis pas dit cela, je savais qu'un titre serait difficile à acquérir. Je l'ai appris rapidement dès mes premières courses en championnat du monde. Mon premier GP, j'aurais pu le gagner en Allemagne devant Schwarzl, j'étais devant lui et je fais un tête à queue dans le dernier tour, parce que j'avais des pneus pluie bien trop usés. Je savais que ce ne serait pas facile, vu les différences que j'avais notamment au niveau des budgets. Chaque année, l'évolution dont j'aurais eu besoin ne se faisait pas autre qu' à vitesse réduite.


Par rapport à des Biland ou Streuer, tu as toujours eu des différences énormes de moyens.


Ah oui, j'avais des budgets dérisoires, je faisais des saisons avec 250 000 à 300 000 Frs (38-45 000 €) à l'époque, eux ils avaient 10 fois, 15 fois plus que moi. Ils avaient en plus des préparateurs, des managers, tout ce qu'il fallait autour d'eux, pour se consacrer uniquement à la course. Moi, je conduisais le camion, je le lavais, j'installais le auvent avec ma femme ou le mécanicien que j'ai pu me payer. Pendant ce temps, ce n'était pas du travail de relaxation, de condition physique pour être au top, c'était toujours tiré sur la ficelle et faire tout soi-même. Et les titres qui m'ont manqué, une des raisons est que je n'ai jamais eu les moyens de m'entourer de gens compétents. Est-ce moi qui suis trop difficile, ce n'est pas impossible, mais enfin, des budgets supplémentaires m'auraient bien aidé.


Aurais-tu été capable d'avoir, et de supporter ces gens autour de toi ?


Le mieux placé pour juger cela, c'est moi, même si je me juge durement, j'étais exigeant avec les autres mais rude avec moi-même, je me dis que si j'avais su faire confiance aux gens, si j'avais été organisé différemment, si j'avais été plus « public relation » tu vois, j'aurais peut-être eu plus d'argent. Je mettais en avant les besoins de préparer la machine, préparer les moteurs, quand il me fallait aller à Paris, sur des salons ou opérations de ce genre, je le faisais avec dégout, c'était pas mon truc, je savais pas le faire. Le sport pour moi, ce n'était pas çà, c'était : « Fais avec ce que tu as, fais la différence » et çà tu le paies.


Tu n'étais pas un homme de communication.


Pas un homme de communication au point qu' au début que j'ai fait de la compétition, je ne pensais pas avoir d'autocollants sur mon carénage, je pensais que les sponsors ne viendront pas vers moi, je ne suis pas assez bon en terme de relationnel et puis lorsque les portes se sont ouvertes de par mes résultats, les gens trouvaient que je me démerdais bien en relation, que c'était sympa. Sur le plan technique avec Elf, on a fait de grandes choses, on a travaillé sur le développement des huiles, des essences, çà je savais bien faire toute cette technique, mais aller faire des ronds de jambes, faire du « lèche-pompes », çà non, ce n'était pas mon truc, on ne refait pas.


Cela t'a surement fait manquer des budgets ?


Complètement… et quelque part, on ne peut pas se forcer à faire ce qu'on ne sait pas faire et qu'on aime pas faire. Mais aujourd'hui, c'est indispensable dans le sport de haut niveau.


Quels ont été tes plus grands adversaires sur la piste ?


Cà a été, Biland, Webster, çà a été Streuer. Avec eux, çà a été des bastons d'anthologie, mais toujours réglo, on ne s'est jamais accroché, jamais fait de coup de « p !!! » comme çà existe maintenant.


Il y a eu une fois ou Biland a essayé un truc aux essais, il a essayé de me passer au freinage de la source, à SPA, il m'a pris l'intérieur, et quand je l'ai entendu arriver, je me suis dit, je ne tourne pas, on va se percuter, et on a tiré tout droit ensemble, ce qui n'était pas grave ici. Mais dès son retour au stand, il est venu s'excuser, en me disant qu'il pensait pouvoir me taxer au freinage.


Tu finis encore second, en 81, penses tu dans ta tête, encore raté, je n'y arriverais jamais ?


Non, jamais. Jamais, car je savais que j'avais mon niveau de performance. Mais il m'arrivait toujours le petit truc comme à Spa en 81, je pars en tête, prend presque une minute au second pour finir la course sur 3 cylindres, 2ème.


Tu a toujours dû tout faire, tu étais un redoutable pilote mais aussi un exeptionnel metteur au point.


J'avais pas le choix. J'ai eu une période avec un mécanicien, un est resté 6 ans avec moi, mais quand on n'était 4, çà n'allait pas plus loin. Quand j'ai commencé les GP en 76, c'est Jacky Germain qui venait me donner les conseils pour la carburation, le mécanicien à Rougerie qui me donnait quelques tuyaux, et débrouilles toi avec çà.


J'ai compris que pour être devant, il me fallait de la performance, et à partir de 81 j'ai commencé à travailler avec Martial Garcia sur les bancs de puissance chez Elf en Suisse.


Après j'ai acheté du matériel pour travailler chez moi, j'ai commencé à avoir du matériel performant, j'ai commencé à faire mes moteurs, après les moteurs Krauser, avec lequel j'ai été champion du monde, c'était une base de moteur Yamaha avec des carters spéciaux.


Jean-Louis Guillet, champion d'Europe, me faisait les échappements, on travaillait ensemble, je lui demandais l'échappement qu'il me fallait. On s'échangeait des petits détails techniques.


Quand tu montes sur le podium en 90 avec le titre en poche, oublies-tu ce dernier GP 1986 ?


Oui, en 1986, ce sont les deux mois qui ont suivi cette malheureuse course qui ont été dur, après, j'ai tourné la page, je ne suis pas un garçon qui regarde derrière. Je regarde devant, je positive et je ne reste pas à me lamenter sur ce que j'ai fait. Ce qui est passé, c'est irrémédiable, tu peux pas revenir dessus, tu peux en parler pour te défouler.


Je me suis largement consolé avec un titre que je méritais. Mes adversaires sont venus me féliciter en me disant, « Celui-là, tu ne l'as pas volé ».


Par rapport à ces adversaires, tu as quand même couru toute ta carrière avec trois francs, six sous.


Oui, mais c'est parce que j'ai insisté, parce que j'y croyais, j'étais motivé, mais je peux te dire que lorsque j'ai arrêté de courir en 91, je me suis posé la question : « Comment as-tu pu aussi longtemps te motiver pour courir après une poignée de centièmes de seconde ? »


On s'aperçoit qu'il n'y a pas que çà dans la vie.


15 ans de course au plus haut niveau, victoires, échecs, acharnement et champion, enfin


Tu pilotes encore un side à l'occasion comme cette année.


Oui, comme dernièrement à Assen, avec Michael Burkhard qui n'avait pas roulé avec moi depuis 28 ans, on a roulé avec une machine des années 80, Michael m'a dit après les 2 courses que l'on a fait, « J'ai l'impression que l'on roulait à Assen la semaine dernière. »


Le feeling était le même, l'attaque était la même, la glisse, les freinages, pareil. Je ne me doutais pas que l'on retrouverait çà comme çà.


Ce sont des automatismes que l'on ne perd pas. A Assen, je ne regardais pas les panneaux, je freinais au feeling, c'est un sentiment très agréable.


 


Cà doit être impressionnant, mais fabuleux de faire un ou deux tours de circuit en temps que passager d'un side même à vitesse réduite.


Après mon titre en 90, on avait fait rouler à Pau des gens de la presse et plein de monde pendant 4 jours. Le but n'était pas de leur faire peur mais de faire découvrir et donner du plaisir à toutes ces personnes. J'ai du faire au moins 1000 kms avec toutes ces personnes à mes cotés.


De tous tes passagers, si je te demande ton préféré, humainement et sportivement ?


Mis à par mon amis Claude Monchaud, le plus gentil et le plus adorable, c'était Jean-Marc Fresc, un mec super sympa, toujours près à déconner, toujours un mot gentil. Pour la compétition pure, c'est Michael Burkhard, on est toujours en contact.


Il y en a forcément beaucoup, mais quel serait le meilleur souvenir de ta carrière ?


Ce n'est même pas mon titre de champion du monde, c'est le Nurburing en 1978. Ce jour là, dans le premier tour, j'ai percuté Schwarzl, on a tordu le moyeu arrière et claqué une bougie. Nous sommes rentré aux stands, on a changé les 4 bougies et repartis derniers. Et on finit 2ème. On a roulé 6 secondes plus vite au tour que pendant les essais. J'ai fini épuisé comme jamais, c'est la course où j'ai le plus donné, quand j'ai doublé le second dans la chicane avant l'arrivée, je n'étais même pas sûr que ce soit le dernier tour, j'avais complètement débranché, le panneautage, je ne voyais plus rien.


Il y en a un autre à Silverstone en 79 pour ma première course avec Burkhard, on part en pneu slick, il se met à pleuvoir au bout de 3 tours, on s'arête aux stands, on change les 3 roues et on gagne la course. Avec lui, on a gagné 6 GP, mais gagner des courses dans des conditions dantesques c'est toujours agréable, c'est que des beaux souvenirs.


Presque 20 ans après la fin de la compétition, comment analyses tu les risques que tu as pris pour ta vie ?


Je n'ai pas pris de risque, hé non, dans ma vie de pilote, c'est surement pour cela que je suis encore là, j'ai toujours gardé un petit pourcentage de sécurité.


Je vais te donner un exemple, c'était à Brands Hatch, sur une course internationale sans importance, en 80, j'étais entrain de me tirer une bourre avec Jock Taylor, dans le dernier tour, j'étais en tête et devant moi juste avant l'arrivée, il y avait deux gars qui roulaient moins vite que nous, des retardataires, qui m'ont empêché de passer. Ils obstruaient la piste dans un enchainement de virages, j'ai coupé sans les doubler et Taylor nous a déboité tous les 3, dans l'herbe à fond de six. Il a gagné en se récupérant on ne sait comment en traversant la piste 2-3 fois, mais je lui ai dit, « Chapeau, c'est gonflé, tu as gagné, mais à ce niveau là, tes "cou......", elles ne te serviront pas longtemps. »


Un ou deux ans après en Finlande, il pleuvait, j'avais un châssis long, comme Taylor, mais j'avais un système de répartition de freinage que je pouvais régler en roulant. J'étais en tête et il pleuvait des seaux, au fil des tours, je rajoutais du freinage sur l'arrière pour équilibrer la machine et il a voulu continuer à me suivre et ce qui devait arriver est arrivé, il est parti en toupie, a percuté un poteau et il s'est tué.


En 91, tu dis stop et tu raccroches.


Oui, cette année là, j'ai eu des accidents que je n'aurais pas du avoir comme un embrayage défectueux à un départ et un pilote de l'arrière qui nous percute, il aurait pu me tuer. En Espagne, un gars fait un écart sur un incident mécanique et nous envoie dans le décor alors que je faisais l'extérieur à Streuer. Plein de trucs qui te disent, bon là, il faut arrêter. La petite lumière rouge s'est allumée. Il faut arrêter de tenter le diable.


J'ai eu deux accidents graves, dont un en 77 au Ricard, j'ai été paralysé, j'étais passé sous les grillages et cela m'avait arraché mon casque avec une vertèbre fracturée. Alors quand tu es jeune tu repars mais avec le recul, tu te dis que tu n'es pas passé loin.


Ta reconversion est passée par pas mal de choses.


Oui, j'ai passé 3 ans en Afrique, un voyage en bateau, puis 6 ans chez Gas Gas au service course. J'ai cherché du boulot dans la technique mais à 50 ans passé, il n'y avait pas grand-chose, j'ai relancé ma société, AM Energy, l'activité est d'optimiser les injections, mais en France il n'y a pas grand chose à faire par manque d'argent.


J'ai des demandes, et quand ces clients voient que çà coute 700 ou 1000 euros, ils ne peuvent pas financièrement. J'ai pensé qu'il y avait un créneau et une fois de plus, je ne sais pas forcément me vendre comme d'autres pourraient le faire.


J'ai modifié récemment une moto, le gars m'a dit qu'il était enchanté des plus que cela apportait à la moto sur circuit.


J'ai fait il y a peu un 1000 R 1, en endurance son défaut est la surchauffe moteur, on a trouvé au banc 20 chevaux, c'est énorme, j'ai réussi à faire une cartographie très spécifique qui fonctionne bien, la moto ne chauffe pas. Il y a des teams officiels qui n'y arrivent pas, car dès qu'ils augmentent la puissance, leur moto chauffe, on l'a encore vu au dernier Bol d'Or.


J'ai eu des propositions de boulot mais chez eux et avec leur matériel, à leur tarif, moi, je veux bosser sur mon matériel et mes logiciels.


Le travail que je peux faire n'ai pas reconnu à sa juste valeur. Il y a peu de gens capablent d'apprécier ce que je peux faire.


Michel, 20 ans après ce titre, tu restes combatif, t'écouter est un réel plaisir, merci de nous avoir accordé de ton temps.


La société d'Alain Michel


AM Energie


07140 Les Vans


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Téléphone : 06.85.25.12.00


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