2. Essai - CF MOTO 800 MT : simplement talentueuse

Il est des motos que l'on met du temps à appréhender. De celles qui ne se livrent pas rapidement. De celles qu'il faut rouler longtemps pour en comprendre les subtilités. Pour les apprécier. Souvent, il s'agit de motos complexes, avec mode d'emploi. De ces motos qui ont chassé le naturel au profit de bien d'autres choses. Les trails sont les spécialistes du genre. Et bien pour ce qui concerne la CF Moto 800 MT, c'est tout le contraire. Mode moteur Sport engagé, tout est dit, tout est fait, il ne reste qu'à rouler. Et à s'en remettre aux Maxxis MaxxVenture. On aurait pu douter d'eux, mais dès les premiers tours de roues sur le sec, on est conquis. Le point faible des motos exotiques est balayé d'un revers de gant : ils tiennent bien, ils tiennent bon, ils tiennent fort. Et en plus, ils tiennent vite, sans demander de temps de chauffe. Et compte tenu des routes et du rythme qui s'imprime, il valait mieux.

Intuition positive

Quand on saute dans le grand bain avant d'avoir appris à nager, on a deux solutions : soit on se noie, soit on apprend vite. La CF Moto est une excellente monitrice, et le grand bain, c'est pour demain (pluie importante annoncée). La position de conduite, même si les jambes sont assez relevées à la longue, est agréable, tandis que le guidon réglé proche de soi fait oublier sa largeur. On pourra toujours le régler pour obtenir la bonne inclinaison ou pour faire du off road. La moto tourne aisément, en toute stabilité et même dans le lent, elle ne se retrouve jamais en déséquilibre. Comble de la bonne surprise, son assise est basse (d'où les genoux un peu plus pliés). Du moins, elle est à 835 mm de haut. Rapporté à sa relative étroitesse et à son réservoir de 17 litres bien dessiné pour ne pas déranger tout en offrant une forme évasée agréable à serrer, l'ergonomie se montre pour le moins appréciable au moment de s'arrêter.

Équilibrée, la 800 MT est instinctivement et immédiatement en mains, tout du moins en ce qui concerne sa partie cycle. On la guide d'une direction précise et suffisamment légère, tandis que le freinage répond présent, avec une attaque assez ferme dans le levier, une course réduite et une efficacité réelle. L'ABS bien calibré, surtout à l'avant, fait bon ménage avec les pneumatiques qui offrent un grip insoupçonnable. A l'arrière, on oublie vite l'absence d'anti patinage tant rien ne bouge, même sur les grosses accélérations. Et quand on dit "vite", on le dit au sens propre comme au sens figuré : ça file sous les gommes taïwanaises.

La mécanique a à peine le temps de chauffer que déjà nous avons avalé plus d'une centaine de virages. Le mono amortisseur encaisse, la fourche se détend à peine, bref, on est bien et le débattement est un juste compromis. La fermeté douce est là, tandis qu'il faudra sûrement jouer sur la pré charge si l'on souhaite attaquer foirt ou si l'on roule chargé. Pour l'heure, la conduite est décontractée, tandis que confiants dans les réactions de la 800 MT, nous allons voir ce que son moteur a réellement à proposer.

Alors on dose

Première à fond, on dépasse le 80 km/h, la seconde poussant à plus de 110, suivie énergiquement par un 145 accroché par la troisième. La quatrième flirte avec le 170, et le fond de cinq vient taquiner le 200. D'accord, il y a de quoi faire et justement, les sensations sont excellentes lorsque l'on cravache un peu le bloc d'origine KTM. On n'en attendant pas moins, mais le caractère est ici très rond et particulièrement exploitable. Les réactions se font en plusieurs phases, tandis que le Ride By Wire se montre très correct et sans trop de latence, juste un "tirage" un petit peu long et une réactivité suffisante, mais rien de significatif par ailleurs.

Les évolutions sous les 2 500 tr/min ne sont pas des plus agréables, avec quelques secousses légères jusqu'aux 4 000 tr/min, comme une incitation à en mettre un peu plus, un encouragement à jouer du sélecteur ou au contraire, à lisser ces régimes, mais l'on découvre une certaine douceur matinée d'un entrain débordant et d'un répondant appréciable. Encore une fois, un caractère que l'on compose à la poignée droite et au pied gauche, tandis que le levier gauche se révèle un excellent chef d'orchestre. Enrouler au guidon est une formalité, reste à bien adatper le rapport et à lécher les trajectoires, ce qui est aisé au guidon de cette moto bien balancé et au final plutpot facile.

Le bicylindre gratte un peu entre 5 000 et 6 000 tr/min, donnant une impression de cran de sûreté, d'un cap de libération, comme une valve qui s'ouvre et se ferme, libérant la puissance et l'envolée. Une résultante probable de la norme Euro5 que nous avons déjà observée avec d'autres effets sur d'autres motos d'autres marques. Dès que l'on approche le régime de couple maximal, la roue avant devient joueuse et de plus en plus légère, notamment en sortie de virage. Tout doux, la belle ! Les gaz se montrent suffisamment précis et l'on ne risque pas de se retrouver en fâcheuse position : on sait ce que l'on fait et l'on dose à loisir.

Soit on s'énerve et on joue de l'embrayage pour faire ressortir un caractère enjoueur (en un ou deux mots, à vous de voir), presque enjôleur. Soit on gère, si l'on le goût et l'expérience. Pas d'excès, pas de débordements ou d'exubérance, mais une réelle efficacité et juste ce qu'il faut là où il faut quand il le faut si on le souhaite. Parfois même un peu plus, juste histoire de réveiller le sportif en vous, celui qui sait où et comment reposer sa roue avant sans encombre. Parce que ça aussi, elle sait le faire. Au naturel.

Donc soit on attaque sous contrôle (le sien attendu qu'il n'y a pas d'autre restriction), soit on coule en douceur sur la 3 ou la 4, profitant d'un flow bienveillant et une fois encore d'une bonne liaison au sol. Le mode Rain, quant à lui, apporte une rondeur et une profondeur délicates, des réactions plus douces et toujours une puissance arrivant avec bienveillance. Pour rouler efficacement les mauvais jours ? Pas forcément, nous allons le voir, tant les Maxxis savent aussi rouler fort sous la pluie et tant la protection du carénage est plus que correcte. Comme nous le démontrent une nuit et un début de matinée arrosés.

Sans inutile, les qualités ressortent

Avec cette 800 MT, on revient aux poncifs de la moto et quelque part du trail routier. Une impression de simplicité, de légèreté et un moteur. Un de ceux qui ne souffrent pas le moindre bridage électronique. Un de ceux qui s'expriment avec un accent autrichien à la vitesse d'élocution d'un chinois. Il parle bien, ce moteur. il est franc du collier, et surtout, il amortit bien le couple qu'il distille. Les rétrogradages se font en relative douceur, tandis que les possesseurs de 800 MT Touring profiteront d'un shifter. Celui-ci est plus efficace une fois les 5 000 tr/min passés et dispensable aussi bien en tout terrain qu'en agglomération. Sport, donc, l'accessoire. Du moins avec des boîtes à peine rodées et verrouillant déjà très bien. Pas de critique ni de reproche à cet égard, donc.

Quitte à s'égarer, faisons-le dans les chemins, par exemple. Là encore, les MaxxVenture surprennent dans le bon sens du terme. Ils cultivent une fois encore la prévisibilité, la motricité et seul le pneu avant demande plus d'attention dans le gras mouillé en terre. On lui pardonne : il est routier assumé. Du coup, on accélère sur route trempée comme on le ferait sur le sec. Seraient-ils en silice pure ??? Toujours est-il que sèche ou mouillée, la route s'avale sans vergogne ni crainte, tandis que l'on apprécie une fois encore la prise en mains. Dingue. Reste un point à surveiller : l'enthousiasme que l'on met à prendre de l'angle, notamment côté gauche. Comme imaginé, quelque chose frotte au niveau de la béquille latérale : son extrémité… Note pour plus tard : ne pas opter pour la semelle optionnelle plus large si vous aimez pencher…

Alors que nous roulons sous la pluie et que les températures fraîches donnent envie d'un coin de feu, la Sport rappelle cruellement qu'elle n'a pas les équipements chauffants. Pire, le moteur s'obstine à bien évacuer la chaleur… Au moins, le réservoir ne fait-il pas gouttière, tandis que l'on savoure le fait de rester avec l'entrejambe au sec, à défaut du reste du corps. La bulle fait ce qu'elle peut, c’est-à-dire de la buée dans le casque, de par sa bonne déflexion d'air. Dites donc, depuis quand un petit élément relevable sur 7 cm d'amplitude seulement peut-il apporter une bonne protection comme ça ?