2. Sur la route : une nouvelle vision du grand tourisme, avec des concessions sur le confort pour la Yamaha Tracer 9 GT+ Y-AMT

Le modèle 2023 nous avait fait forte impression et à juste titre, sur des routes moins techniques et moins variées que celles du jour. Deux ans plus tard seulement, nous retrouvons une version améliorée et peaufinée de la Tracer 9 GT+, devenue une vitrine technologique maison et le pendant moto du X-Max : une poule aux œufs d’argent. Et voici la poule en action. Qui fait un 9.
Déjà, il convient de relever madame de sur sa béquille latérale. Une opération suffisamment aisée, mais faisant bien sentir qu’il ne faudra pas trop plaisanter avec son poids une fois en action. Au moins, la position de conduite est agréable. Notamment pour le haut du corps, bien placé et bien droit. Abrité efficacement derrière la bulle de forme large et couvrante, aux allures usuelles tout du moins, on domine la route tout en remarquant une posture des jambes repliée avec des appuis reculés.

Faite pour rouler !
Enclencher le premier rapport au moyen de l’index est nécessaire, tandis que l’embrayage est bien géré pour ce qui est de trouver un point de patinage doux et particulièrement efficace au moment d’accélérer. Il est difficile de faire plus précis « à l’ancienne » ! Le Y-AMT est réactif, quand bien même sonore (clac mécanique) et chahutant (sursaut) au passage de la première et des rapports suivants. En fonction du mode de transmission et du mode de comportement choisi, on peut bénéficier de plus ou moins d’allonge et surtout de plus ou moins de nervosité, mais les modes D et D+ demeurent très précautionneux et moins sportifs que le plus sportif des modes manuels. Aussi bien la réactivité que la puissance sont moins poussés que sur le mode Sport manuel.
Surtout, les modes automatiques exploitent principalement le couple (pourtant maximal à 7 000 tr/min) et les régimes situés sous la barre des 6 000 tr/min la plupart du temps et 8 000 tr/min lorsque l’on cravache, mais jamais plus. Étrange, sachant que la puissance maximale de 119 ch est obtenue à 10 000 tr/min et que le rupteur est placé à 10 500 tr/min. Si le mode D est particulièrement économe en sensations, le D+ offre plus de dynamisme et requiert un coup de main pour être pleinement exploité sans subir de désagrément.

Une boîte à secrets
Cette boîte Y-AMT, une fois en mode automatique, est apparue plus exigeante en matière de gestion des gaz et de d’apprentissage de son fonctionnement que la version de la MT-09. Comprendre par là qu’il convient de rester souple en sollicitant peu l’accélérateur dans les modes automatiques et de conserver un filet de gaz pour éviter tout rétrogradage ou passage de vitesse supérieur non désiré : le logiciel de la boîte prend tout en charge. Un coup de main à prendre, donc et un coup de pouce aussi : rétrograder manuellement avant un passage technique permet de retrouver des sensations moteur et de la nervosité, sinon absentes.
Rapidement, on parvient à provoquer le rétrogradage automatique et l’on évite ceux impromptus en courbe ou dans les épingles, négociées en deux. De fait, ces modes sont très sensibles au freinage et à la « tension » des gaz, mais particulièrement prévisibles dans leur comportement : ils agissent par plage de 20 km/h et de 30 km/h pour le mode D+, et sont destinés à enrouler plus moins dynamiquement.

Une fois ce point assimilé, tout roule parfaitement jusqu’à ce qu’il soit nécessaire d’appeler les ressources moteur : si l’on visse la poignée de gaz, le rétrogradage ne vient pas en renfort comme on le ferait naturellement. Pas d’apprentissage donc et pas d’exploitation pertinente de la centrale inertielle pour déterminer le meilleur moment de passer un rapport. Assurément, il y aura les partisans et les détracteurs : ceux qui auront la sensibilité mécanique et le coup de poignet nécessaires à ne pas intervenir manuellement et ceux qui préfèrent le contrôle absolu. Ceux-ci exploiteront plus logiquement la transmission automatique à activation manuelle.
En mode MT, tout rentre donc dans l’ordre. On exploite enfin le moteur, qui fait montre d’une santé appréciable, mais perd en démonstrativité par rapport aux modèles précédents. Plus nerveuse, plus vive, la motorisation peut être exploitée librement sur toute l’amplitude de la plage moteur et sur tous les rapports. L’occasion de constater une belle souplesse du CP3, qui accepte de rouler à 60 km/h en 6 et de repartir avec entrain à partir de 50 km/h, tandis que l’on passe particulièrement vite les rapports. À noter qu’il n’est pas possible de passer une vitesse en dehors des plages de régime prévues pour ne pas faire cogner le moteur ou le mettre dans une position inconfortable. Ainsi, deux petites flèches vertes, une vers le haut et une vers le bas, indiquent si l’on peut monter ou descendre un rapport.

À noter que nous avons pu tomber trois rapports de manière très fluide et très rapide dans les phases d’action pure, tandis que les monter se montre tout aussi facile quand on fait parler les chevaux. En conduite plus calme, il faut simplement se fier au son ou aux indications de régime, ainsi qu’aux recommandations visuelles. D’une manière générale, on est rarement pénalisé par la boîte, qui se montre particulièrement rapide et efficace, tandis que les à-coups mécaniques générés par le passage des vitesses, dépendent du régime, du mode moteur et bien entendu de la phase de conduite. Voici une boîte qui ne se livre pas forcément de suite, tout en constituant un atout certain pour reporter son attention sur les choses essentielles : même en mode manuel, on peut s’arrêter en 6 sans toucher à quoi que ce soit. Et surtout, il est possible de repartir : tout est géré.
Elle pèse dans le jeu
Le poids de la moto se fait sentir, tout en équilibrant les réactions et en la posant particulièrement bien au sol. Elle demeure assez agile, particulièrement stable du fait d’un empattement, et rien ne vient perturber son cap ou ses réactions. Grâce à la réduction du poids des roues (jantes et pneumatiques), les changements d’angle ne sont pas si physiques que ce que semble vouloir dire le corps au lendemain du gros roulage : rarement notre musculature avait été autant sollicitée et de manière aussi complète, en le faisant sentir, notamment dans les jambes. Un comble. Le trois cylindres devenu emblématique de la marque fait donc oublier bien des choses sur le moment, tout comme l’excellent comportement des pneumatiques, à la fois progressives à la mise sur l’angle et proposant un grip des plus appréciable. Le confort, quant à lui, est une question de discernement et de domaine d’application :celui du corps est à dissocier de celui offert par la machine.

Équipée de ses valises, vide ou peu chargées (et à même de transporter un casque intégral), la Tracer GT profite d’un comportement serein et ne fait jamais sentir ses accessoires de voyage. Au point de toujours pouvoir prendre de l’angle maximal sans se poser de question. Si elle n’est pas plus pratique à mettre, la béquille centrale a au moins le mérite de ne plus gêner le placement de pied. Un point appréciable pour cette mise à jour par rapport au modèle remplacé.
Qui dit plus de poids pourrait dire freinage pénalisé. Il n’en est rien. La Tracer 9 GT+ est une bonne freineuse, que l’on utilise ou non le freinage couplé. Si celui-ci est engagé la répartition se fait de manière relativement transparente dans les commandes, tandis que la puissance est au rendez-vous. On assoit aisément la moto, tandis que la pédale demeure précise. L’ABS intervient peu et ne déstabilise pas l’ensemble, tandis que l’appoint de freinage automatique n’est pas évident à évaluer. Selon nous, un léger durcissement de la pression du levier droit trahit à peine l’intervention. Bien maîtrisé, le freinage constitue en tout cas l’un des points forts de la Tracer 9 GT+. Surtout lorsqu’il est possible de reprendre intégralement la main en ne conservant qu’un ABS Standard déjà fort efficace. La fourche comme les pneumatiques Bridgestone encaissent en tout cas très bien l’exercice. Un excellent combo.

Un confort en demi-teinte
Niveau amortissement, les deux modes A1 et A2 sont parfaitement distincts. Le plus souple des deux (A2), propose une douceur de toucher de route et une bonne régulation des bosses. Le bitume est lissé et le comportement prévisible. En A1, la fermeté apportée permet d’adopter plu naturellement une conduite plus musclée, du fait de réactions plus rapides et d’une hydraulique plus fermée. Et il vaut mieux s’en contenter : faute de smartphone connecté (deux peuvent l’être simultanément : un pour réglages et un pour navigation, un pour le conducteur, un pour le passager), one ne peut pas agir finement sur le comportement des éléments de suspension. Impossible en roulant, donc, out comme il est impossible de désactiver ou de réactiver le TCS à la volée, en dehors d’un arrêt. Dommage.
L’ensemble demeure filtrant tout en accentuant la « nervosité » relative de la partie cycle. La mise en glisse de l’arrière est facilitée, toujours sous contrôle si le gestionnaire de traction est engagé. Une fois encore, l’électronique permet de moduler le caractère et le comportement de la Tracer 9 GT+. C’est cela dit en désactivant tout ce qu’il est possible de faire (TCS qui met en berne toutes les assistances à la motricité ou à l’assiette de la moto et UBS qui désactive curieusement l’ABS sur l’angle), que l’on s’amuse le plus, en s’en remettant une fois encore aux excellentes gommes japonaises, décidément difficiles à prendre en défaut. La géométrie de la Tracer 9GT+, particulièrement rassurante, n’a pas pu être prise en défaut lors de notre essai pour le moins tournicotant.

Ce qui marque le plus pour un long trajet, ce sont d’une part la bulle protectrice dès sa position basse, mais assez sonore et plus agréable en position intermédiaire pour les 1,80 m et plus. Par contre, elle génère plus de mouvements d’air une fois en position haute ainsi qu’un léger effet de voile. Surtout, les jambes ne sont pas suffisamment relaxées pour envisager de très longs trajets, notamment rectilignes. Plutôt bien épargnées des flux d’air au niveau des cuisses, point de salut en dessous du genou. sans trop de mobilité en selle. Une selle aussi décevante en termes de confort qu’elle peut être appréciable en matière de design. Comme quoi cette Tracer 9 GT+ est une moto en trompe-l'œil : maniable alors qu’elle est lourde et sommairement confortable alors qu’on la dirait pullman. Trompeuse, donc, mais loin d’être voleuse.
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