Par une belle matinée de printemps, mon téléphone sonne : c'est Philippe Monnet. Vous vous souvenez ? c'est lui qui a fait le tour du monde à la voile, non, pas celui qui était avec ses petits camarades sur le Vendée Globe, non, celui qui l'a bouclé, mais à l'envers, histoire de passer le cap Horn à contre-courant. Un peu étonnée de son appel, je me demande immédiatement ce qu'il va bien pouvoir me proposer :

- "Que fais-tu, du 9 au 14 avril prochain ?"

À la fois un peu inquiète mais somme toute intéressée, je lui réponds :

- "A priori rien, pourquoi ?"

- "Eh bien, je te propose le Tour Auto en vieille voiture !"

- "Génial ! et sur quelle voiture ?"

- "Une AC Cobra !"

Et là, le rêve de conduire un jour une voiture aussi mythique devint réalité…

Mardi 14 avril : départ de Paris

"Je viens de participer au Tour de   France Auto"

C'est le grand départ. Plus de 200 voitures d'époque attendent, alignées sagement le long de la place du Trocadéro à Paris, que le signal soit donné pour un périple de plus de 2 000 km à travers les routes départementales françaises. De la Ferrari GTO à la GT 40, en passant par les Aston Martin, les Bentley, les AC Cobra, les Mercedes SL avec leurs célèbres “portes papillon”, les DS et les non moins célèbres 2 CV jusqu'aux Lancia Stratos, toutes sont là pour nous rappeler un peu d'histoire.

Des voitures exceptionnelles

Seule mauvaise nouvelle, il pleut, et pour faire le parcours, en décapotable, on aurait souhaité des conditions plus agréables… Heureusement, je suis avec un marin qui, à force de prendre des tonnes d'eau sur la figure lorsqu'il est sur son bateau, n'envisage pas une seconde d'avoir la même sensation au volant d'une voiture. Nous décidons donc de partir capotés, priant le ciel pour que celle-ci soit étanche.

"Je viens de participer au Tour de   France Auto"

L'intérieur de l'AC Cobra est un mélange de cuir rouge sur les sièges, de moquette rouge, et de cuir noir pour le tableau de bord. Quelle classe ! et dire que cette voiture a été mise en circulation en 1963… Dès que le contact est mis, le bruit du V8 nous remplit de joie. Nous nous regardons, le sourire bloqué au niveau des oreilles, et nous débutons notre périple, fiers comme Artaban, à l'image de deux gamins à qui l'on aurait confié un superbe jouet. Je tiens d'ailleurs à remercier tout particulièrement Patrick Peter, l'organisateur, qui nous a gentiment prêté “sa” voiture.

Direction Montlhéry, Le Mans

"Je viens de participer au Tour de   France Auto"

Une certaine agitation générale emplit le Trocadéro à l'annonce du départ, si bien que dès la première montée, après le pont de Sèvres, une magnifique Ferrari est déjà dans le mur. Heureusement, la plupart des participants étant fortunés, la tôle froissée n'a pas l'air de les inquiéter outre mesure… Nous prenons la direction du circuit de Montlhéry, puis cap sur Le Mans, avec quelques tours sur le circuit Buggati.

Au fur et à mesure du parcours, nous apprenons à connaître et à sentir notre machine. Avec un capot qui n'en finit pas et un arrière plutôt court, l'AC Cobra signe sa position de voiture sportive et agressive : puissance, reprise et couple sont ses principales qualités. Vu son poids plus que conséquent à l'avant, nous allons comprendre rapidement qu'il est préférable de rentrer tôt dans les courbes et d'arriver assez vite sur les freins, afin d'inscrire l'avant de la voiture. Sinon, en tentant la trajectoire normalement idéale pour tout autre véhicule, nous avons la désagréable sensation d'être éjectés à deux mètres de la corde, et d'avoir à nous battre avec le volant pour ramener l'engin dans le droit chemin. À la sortie des virages, il nous faut remettre les gaz progressivement, sinon, surprise, l'arrière a une forte tendance à passer devant plus rapidement que prévu.

Mercredi 15 avril : Le Mans-Bordeaux

J'ai oublié de vous préciser le fonctionnement du Tour Auto. En fait, il y a deux catégories :

La catégorie course, avec des pilotes comme notre célèbre Jean Ragnotti national et son homologue allemand, Walter Röhrl. Deux types d'épreuves sont au programme : une épreuve chronométrée sur circuit, et deux ou trois spéciales sur route fermée.

La catégorie régularité (dont nous faisons partie) : nous avons les mêmes circuits et les mêmes spéciales, mais avant chaque départ, nous avons à choisir notre temps, et nous devons nous en rapprocher le plus possible.

Départ du Mans, direction le circuit du Val-de-Vienne, en empruntant toutes les plus belles départementales de la région et en passant aussi par les plus beaux petits villages.

Après quelques tours sur le circuit, la prochaine étape sera Bordeaux.

Jeudi 16 avril : Albi-Carcassonne

"Je viens de participer au Tour de   France Auto"

Le parcours sillonne les châteaux des grands crus bordelais. Nous passons dans le célèbre village de Saint-Émilion, résistant même à l'appel de certaines dégustations…

C'est impressionnant de voir le nombre de personnes amassées sur le bord de la route pour nous voir passer, enfin plutôt pour voir les voitures passer !

Nous tournons ensuite sur le circuit d'Albi, puis direction la citadelle de Carcassonne. Nous avons la chance d'y arriver de nuit, par une petite route qui débouche face aux remparts, illuminés. Magnifique !

Vendredi 17 avril : Trois spéciales au programme

"Je viens de participer au Tour de   France Auto"

Départ glacial et venté : il ne fait que trois petits degrés dans la citadelle, et l'idée de décapoter ne nous vient même pas à l'esprit. Aujourd'hui, trois spéciales sur route fermée nous attendent, avant d'atteindre la célèbre ville d'Aix-en-Provence. Philippe conduit sur toutes les spéciales, et je prends le relais pour les liaisons. Me connaissant, je préfère ne pas être trop sous l'influence d'un chrono avec un tel véhicule entre les mains !

Samedi 18 avril : Arrivée à Cannes

"Je viens de participer au Tour de   France Auto"

Dernière étape pour rallier Cannes et sa Croisette, en passant par les petites routes de la montagne Sainte-Victoire, la Sainte-Baume, Draguignan et le bord de mer. Il fait toujours aussi froid et venté, mais cela ne décourage pas les spectateurs épris de belles voitures.

Le rêve prend fin, mais la joie d'avoir été au volant d'une voiture aussi mythique restera à jamais gravée dans ma mémoire.

Vous l'aurez compris, l'AC Cobra est un véritable bijou à conduire, et même si quarante ans ont passé depuis sa conception, le bonheur d'être au volant d'un pareil bolide demeure intact.


L'histoire de l’AC Cobra

C'est en 1960 que Caroll Shelby, un Texan, ancien pilote de course, entreprit des négociations avec le constructeur anglais AC Cars, en vue de construire, grâce à l'appui et au savoir-faire de la Ford Motor Compagny, la voiture de course la plus rapide et la plus agressive jamais imaginée : l'AC Cobra. Cette voiture fut conçue, à l'époque, pour concurrencer les non moins célèbres Ferrari GTO. Dès 1962, la société AC Cars Production se concentre sur sa fabrication, et se charge de faire ajuster minutieusement, à la main, chaque modèle, dans l'usine de Thames Ditton.

Flanquée d'un châssis tubulaire en aluminium et d'un moteur Ford V8, l'AC Cobra sera inscrite au Guinness Book des records pour avoir atteint, en 1963, sur l'autoroute M1 à 196 mph, soit 320 km/h environ ! En 1964, deux AC Cobra s'alignent au départ de la célèbre course des 24 Heures du Mans et, en 1965, cette voiture mythique remporte The Sports Car World Championnship.


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