Conflit taxis/VTC : une loi pour tout régler ? Pas sûr... (reportage vidéo)

Conflit taxis/VTC : une loi pour tout régler ? Pas sûr... (reportage vidéo)

 

La parole est d’abord donnée à Thomas Thévenoud, député socialiste à l’origine de la proposition de loi relative aux taxis et VTC, qui nous en rappelle l’historique :

« En février, il y avait des blocages dans Paris, des grèves, il y avait même des violences, entre des chauffeurs de VTC et de taxis. Il y a même eu des blessés entre eux. Donc, le Premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault, m'a demandé de calmer le jeu, de recevoir tout le monde, et d'essayer à travers une médiation de trouver un équilibre entre la profession de VTC, qui a été créée en 2009, mais sans véritable règle du jeu, et la profession de taxis qui est une profession très réglementée. Cette proposition de loi repose sur un équilibre : modernisation des taxis (…) et en même temps réglementation pour les VTC ».

C’est bien cette distorsion dans la réglementation qui pose souci, en particulier la cherté de la licence taxi sur le marché... Les taxis interrogés font ainsi valoir qu’ils ont dû payer leur licence quelque « 240 000 euros », quand l’immatriculation d’un VTC ne coûte que « 100 euros ». Le problème de cette licence de taxi paraît d’autant plus compliqué à régler qu’il semble entretenu par la profession elle-même. Comme le dénonce Yves Weisselberger, co-fondateur de SnapCar, société de VTC :

« La licence taxi, je le rappelle, est distribuée gratuitement par les autorités. Elle est chère dans un marché secondaire, c'est-à-dire dans un marché de cession entre chauffeurs de taxis. Et les chauffeurs de taxis sont contents qu'elle soit chère. Ils s'en plaignent dans cette phase-là, mais en réalité ils défendent le prix de ces licences. Ils entretiennent une pénurie au travers d'un numerus clausus qui ne se justifie plus aujourd'hui pour maintenir ce prix des licences... C'est donc un peu bizarre de nous reprocher un coût des licences qui est défini par les règles du marché entre chauffeurs de taxis, qui n'est pas encaissé du tout par les caisses de l’État, et dont le contribuable ne bénéficie pas, et qui est entretenu volontairement par une profession qui veut maintenir un nombre limité de personnes qui l'exercent. »

 

Les VTC obligés de revenir à leur base entre deux courses...

Que ce soit voulu ou non par les taxis eux-mêmes, il reste que la réglementation les concernant est bien plus lourde pour eux que pour les VTC. Et la proposition de loi entend d’ailleurs bien mettre en place de nouvelles obligations pesant spécifiquement sur les VTC. Même si son auteur s’en défend...

« Ce n'est pas une proposition de loi pro-taxis et anti-VTC », a insisté Thomas Thévenoud. Sauf que l'apaisement, c'est tout de même bien du côté des taxis qu'il était à rechercher. Et à trop le chercher, c’est la colère des VTC que le député socialiste a fini par trouver. En cause ? Le dépôt au tout dernier moment d’un amendement pour le moins contraignant à l’égard des VTC. « On a été complètement piégés », a ainsi dénoncé Yves Weisselberger. « Officiellement pendant trois ou quatre mois, nous avons été consultés (…), on avait le sentiment que l'on restait dans les limites du dialogue raisonnable. Or, cet amendement au dernier moment change tout évidemment, parce que cet amendement a des conséquences colossales. »

Que dit exactement cet amendement 116, lequel concerne l'article 7 de cette proposition de loi ? Il rédige le nouvel article L.3122-13 du code des Transports ainsi : « Dès l’achèvement de la prestation commandée au moyen d’une réservation préalable, le conducteur d’une voiture de transport avec chauffeur (...) est tenu de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé. » Pour Yves Weisselberger, « ce que l'on dit aux VTC, c'est débarrasser le plancher », puisqu'il s'agit entre deux courses de « retourner à son siège qui peut se trouver à 100 kilomètres de là, ou aller se garer dans un parking souterrain », donc payant, et où le téléphone ne passera pas...

 

… Sauf peut-être en cas de nouveau client

Pourquoi avoir attendu le dernier moment pour déposer cet amendement ? Thomas Thévenoud n'a jamais vraiment répondu à notre question. Maintenant, cet amendement de la discorde, voté par les députés le 10 juillet, a pour l’heure été supprimé par les sénateurs, quand ils ont discuté à leur tour le texte mercredi (23 juillet), en première lecture. Plus précisément, l'amendement a été réécrit, et voté dans cette nouvelle rédaction à l’unanimité. Vincent Capo-Canellas, le sénateur de l’opposition à l’origine de cette modification revient sur ce changement :

« J'ai déposé deux amendements, un qui supprime cette disposition de retour à la base, et un deuxième qui permet que le VTC ne revienne pas à la base dès lors qu'il a une réservation pour un client supplémentaire. En clair, le VTC vous amène à l'aéroport, et il peut attendre car il a un deuxième client qui a réservé déjà ».

Pour rappel, en effet, la réservation préalable est obligatoire pour les VTC. Contrairement aux taxis, ils ne peuvent se déplacer et prendre un client que lorsqu’il s’agit de répondre à une commande. Ce que l’on appelle « la maraude », le fait de prendre un client au vol, leur est interdite et reste le monopole des taxis. Quant à la nouvelle rédaction de l’amendement, elle n’enchante toujours pas les sociétés de VTC, nous ont fait savoir hors caméras, plusieurs de leurs représentants. Que dit précisément cet article L.3122-13 dans sa nouvelle rédaction ? Que le conducteur d'une VTC « est tenu de retourner au lieu d'établissement de l'exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s’il justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final. »

Le principal soulagement des sociétés de VTC, c’est finalement que le texte n’a pu être adopté aussi rapidement que le souhaitait apparemment le gouvernement, soit avant les grandes vacances de cet été. Au final, l’amendement sera-t-il rétabli ou de nouveau modifié par les députés qui auront encore à se pencher sur cette proposition de loi ? Rendez-vous à la rentrée pour le savoir. Mais d’ores et déjà, on peut douter que le texte réussisse à calmer réellement le conflit ambiant.