C’est un coup dur pour l’image de marque des experts mais aussi pour la sécurité routière dans son ensemble. Des investigations menées, il ressort que pas moins de 5.014 voitures accidentées et mal réparées avec des pièces d'origine douteuse ont été vendues à des personnes, dont la bonne foi, et l’insouciance, sont corroborées par des documents élaborés en bonne et due forme par des professionnels.  Le résultat de trois années d'activité d’une bande de onze malfaiteurs implantée dans le Sud de l'Île-de-France.

Comment a-t-on pu en arriver là ? La méthode d’abord : des véhicules gravement endommagés rapidement et tant bien que mal réparés avec des pièces d’origine douteuse puis soumis à l’examen d’un expert complice qui donnait son quitus pour une remise en circulation. Le sceau de qualité et de sécurité apposé, le particulier n’avait aucune raison de douter du produit qu’il achetait. Et avec lequel il roule peut-être encore.  

Que dit lé réglementation ? Lorsque l’automobile subit les affres de la circulation quotidienne et qu’il se trouve endommagé, il peut être classé dans deux catégories. Celle du véhicule économiquement irréparable - à cause du ratio coût de la réparation et valeur de la voiture -  mais techniquement réparable. Si le conducteur n’est pas responsable de son malheur, il pourra utiliser le dédommagement de son assurance pour effectuer les réparations, sauf à suivre les recommandations de cette même assurance qui fera une proposition de mise à la casse. Une fois réparé, il pourra rouler et être assuré avec le même véhicule mais ne pourra pas le vendre, sauf à le faire à nouveau expertiser par un homme de l’art qui effectuera une visite d’acceptation.  Celle-ci comprend un contrôle technique complet avec mesures de géométrie. L'expert atteste alors que l'auto roule et freine droit, qu'elle est parfaitement sûre et peut être revendue.  

L’autre catégorie est celle du véhicule déclaré techniquement irréparable. Là, l’issue est fatale pour l’automobile qui finira sa vie dans une casse. On le voit, l’avis de l’expert est incontournable et a valeur de vie ou de mort sur la voiture. Dans ce fait divers, l’expert a permis la réintroduction, dans le flot de circulation, d’engins dangereux.

Maintenant que faire ? Il y a urgence à s’occuper de ce problème. Selon  "40 Millions d'Automobilistes", les acheteurs d'occasion auraient dorénavant une chance sur dix de tomber sur un compteur trafiqué. "L'épidémie ne fait que commencer et il est urgent de réagir sur le plan réglementaire, afin de décourager les automobilistes malhonnêtes de tirer profit de la facilité déconcertante avec laquelle le totalisateur kilométrique peut être rajeuni", martèle le président de l’association Pierre Chasseray. Il y a  donc nécessité à apurer le marché de l'auto de seconde main. De son côté, la Fédération internationale de l'Automobile (FIA) évalue à 40 % le taux de véhicules d'occasion importés en France qui n'affichent plus leur kilométrage authentique.

Une conjoncture prise en compte par un Sénateur de la Vienne, Alain Fouché, qui propose une loi rendant obligatoire la rédaction d'un contrat par le vendeur d'une voiture d'occasion. L’idée est d’engager par écrit la responsabilité du vendeur pour lutter contre les compteurs trafiqués, contre les vices connus du vendeur et les réparations bâclées. "Le contrat ne suffira pas à empêcher toutes les arnaques et à garantir contre les vices cachés", commente l’élu. "Mais il découragera l'immense majorité des vendeurs particuliers qui mentent par omission et enjolivent la vérité pour mieux vendre. Surtout, le contrat écrit facilitera grandement la preuve devant le Tribunal d'Instance ou de Grande Instance en cas d'action en garantie légale des vices cachés."

En attendant, c’est pourtant bien les experts qui restent les meilleurs gardiens du système. Ceux-là même qui ont permis l’accomplissement de ce fait divers. Le vice-président de l'Alliance nationale des Experts en Automobile (ANEA) n’est d’ailleurs pas le dernier à mesurer la gravité de l'impact de ce scandale sur l'image de sa profession. Mais la réalité quotidienne veut que pour se décharger de tout souci et même se donner un argument de sérieux, le vendeur a intérêt à débourser les deux cents euros réclamés par le professionnel qui, au travers de son expertise, engage sa responsabilité financière en cas de vice caché ou de défaut non détecté.  

Examiner attentivement l'historique des factures et des contrôles techniques, en comparant l'évolution du kilométrage relevé lors de chaque passage à l'atelier pour l’acheteur, faire appel à l’expertise volontaire pour le vendeur, le tout en espérant que les pièces de rechange aient été sans reproches et que ledit expert fasse partie des 3.500 honnêtes inscrits sur la liste du Ministère des Transports, voilà autant de démarches qui montrent que l’achat d’une voiture d’occasion n’est pas à prendre à la légère.