A partir de janvier prochain, la vitesse sur le périphérique parisien sera bien abaissée de 10 km/h, soit de 80 à 70 km/h, a confirmé lundi la mairie de Paris. Un décret du ministère de l'Intérieur - cette réglementation relevant de son autorité - devrait paraître le mois prochain en ce sens. Trois objectifs sont visés, selon le maire de la Capitale, Bertrand Delanoë : « réduire la pollution de l’air parisien, diminuer le bruit du périphérique et faire baisser le nombre d’accidents. » Ce que réfute sans surprise l'association 40 Millions d'automobilistes, comme les autres associations de défense des conducteurs d'ailleurs !

Pour 40 Millions, la lutte contre la pollution repose surtout « sur le renouvellement (…) du parc automobile », grâce auquel pourrait être obtenue « une baisse extrêmement significative des particules émises par l’automobile ». C'est sûr qu'avec un âge moyen du parc estimé à 8,2 ans, certains véhicules ont forcément plus de 10, voire 15 ans. Et la qualité de l'air, en ville, comme elle est en partie liée aux rejets automobiles, s'en ressent. Maintenant, pas facile de renouveler le parc d'un coup de baguette magique !

Une réduction des polluants difficile à quantifier

La mairie a de son côté mis en avant qu'avec cette réduction de la vitesse, une « plus grande fluidité de circulation, en limitant les effets d’accélération et de décélération (…) permettra de faire baisser les polluants atmosphériques jusqu’à 5 % », selon des études de l’Ademe*. Une affirmation qui est pourtant loin d'être simple à vérifier ! Selon les rapports que Caradisiac a consulté, ceux de l'Ademe mais aussi du Setra**, il semblerait que le gain sur les polluants soit franchement conséquent sur les voies rapides, là où la vitesse limite est supérieure à 90 km/h. Mais entre 80 et 70 km/h, les bénéfices à espérer paraissent bien davantage limités. Et surtout délicats à quantifier. Enfin, ils ne seraient pas franchement meilleurs que si l'on imaginait que tous les conducteurs se mettent à l'éco-conduite, comme le préconise 40 Millions.

Sur ce point l'Ademe* ne devrait d'ailleurs pas lui donner tort : « accélérer plus que nécessaire, (…) freiner brutalement, changer de rapport de vitesses sans cesse... ce comportement de conduite agressive peut accroître la consommation de 20 % sur route... et de 40 % en ville ». En zone urbaine, ce serait ainsi en moyenne 3 litres aux 100 km/h supplémentaires qui pourraient être consommés, « augmentant les émissions de gaz à effet de serre et de polluants », note l'Agence parmi ses conseils pour réduire les émissions de CO2.

Une réduction du bruit qui serait surtout imperceptible

Pour ce qui est de la diminution du bruit, auquel l'abaissement de 10 km/h pourrait contribuer, de l'ordre de « 1,7 décibels pour les véhicules légers, 1,2 décibels pour les poids lourds », selon la mairie, 40 Millions d'automobilistes parle carrément de « mesurette », qui « n’apporterait qu’une baisse insignifiante », de l'ordre de 1 dB imperceptible à l'oreille. En l'occurrence, selon le Guide du bruit des transports terrestres publié par le Certu***, et sur lequel s'appuie l'association, une diminution de vitesse de 10 km/h pourrait conduire à une baisse du niveau sonore de 1 à 1,5 dB(A) dans la gamme des 50-90 km/h. Si la mairie a ainsi tendance à majorer son impact, l'ssociation a tendance à le minorer… De fait, c'est dans le cas d’une réduction de vitesse de 90 à 70 km/h, que « le gain attendu sur un revêtement standard serait de 3 dB(A) ». Et pour le coup, si une variation de 1 dB est effectivement à peine perceptible, une variation de 3 dB, elle, l'est bien ! Est-ce à dire que sur ce point, il aurait carrément fallu réduire la vitesse de 20 km/h ? La question peut se poser...

Enfin, concernant l'impact de cet abaissement sur l'accidentalité, la mesure relève pour l'association de « l'utopie » ! Tandis que la mairie estime que « la diminution de 10 km/h aurait pour conséquence une baisse de 23 % du nombre d’accidents et une réduction de près de 65 % du nombre de blessés graves et de tués ». Combien y a-t-il d'accidents et de tués sur le périphérique chaque année ? Cet axe routier, le plus dense de France avec 1,3 million de véhicules par jour, n'a a priori compté aucun mort en 2011 et 2012 ! La préfecture de Police n'en fait en tout cas aucune mention. Et il est encore trop tôt pour connaître le bilan de 2013...

Une baisse du nombre d'accidents loin d'être évidente

La baisse de la mortalité et des blessés graves de 65 % peut donc laisser songeur... Quant au nombre d'accidents, il fluctue déjà grandement d'une année sur l'autre : 821 en 2009, 777 en 2010, 816 en 2011 et moins de 750 en 2012… Et, sans surprise, ce serait les deux-roues les premiers touchés. N'aurait-il donc pas fallu s'attaquer plus spécifiquement à cette catégorie de conducteurs ?

Pour se rendre compte de l'impact de la mesure dans ce domaine, il faudrait surtout pouvoir savoir quand ont lieu les accidents les plus graves... En effet, l'association 40 Millions rappelle surtout qu'en journée, aux heures de pointes, la vitesse moyenne avoisine seulement les « 30 km/h ». Et selon le bilan des déplacements 2011, publié par la Mairie de Paris (ci-dessous), la circulation automobile sur le boulevard périphérique entre 7 heures et 21 heures paraît en effet plus que « chargée »...


Périphérique parisien : la baisse de la vitesse à 70km/h confirmée

En somme, pour 40 Millions d'automobilistes, cette diminution de la vitesse de 10 km/h « n’est une bonne nouvelle que pour les radars fixes. Ils flasheront les véhicules qui n’auront pas l’habitude de conduire à 70 km/h. » Et là, on ne peut que reconnaître que les risques de se faire prendre ont fortement progressé depuis cet été, avec le doublement du nombre de cabines, de huit à seize ! Très certainement, les mauvaises langues auront à coeur de dénoncer que si le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a accepté d'entériner la mesure souhaitée par Bertrand Delanoë, c'est qu'elle permettait aussi de rentabiliser le système du contrôle automatisé.

* Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie, établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle conjointe des ministères en charge de l'Écologie et de l'Enseignement supérieur.

** Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements, service technique du Ministère de l’Ecologie.

*** Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques, organisme d'études du Ministère chargé de l'Urbanisme.