Insignifiante cette anecdote, mais elle rappelle les priorités de l'homme en temps de guerre, puisqu'en guerre, nous sommes désormais selon une inquiétante unanimité.

Insignifiant, c'est aussi l'adjectif qui me vient en songeant qu'il y a quelques semaines à peine, le gouvernement annonçait le déploiement de drones chargés de verbaliser nos franchissements de lignes blanches, dépassements par la droite, non-respects de distances de sécurité. Au nom de notre sécurité… La sécurité ?

Ah oui, la sécurité routière… J'y ai consacré une bonne part de ma carrière, professionnelle, un des sujets les plus importants à mes yeux, question de vie ou de mort… Comme ce concept me semble lointain.

Un ami me dit qu'il ne supportera plus de voir des policiers et gendarmes planqués au bord de la route. "Planqués !" a-t-il insisté. Que répondre ? Que le lendemain matin du massacre, quand j'ai entraperçu un fourgon de police dans un recoin de l'A6, avec m'a-t-il semblé un radar en batterie, je me suis demandé ce que diable ils pouvaient bien f... ici, s'ils n'avaient rien d'autre à faire ailleurs. Quoi, je ne sais pas. Mais je ne m'étais jamais posé cette question.

Du coup, je m'en pose d'autres.


Sécurité routière ou sécurité du territoire ?


Devons-nous encore consacrer tant de moyens et d'hommes à lutter contre l'insécurité routière quand on en manque pour faire face au terrorisme ?

Peut-on encore interpeller un citoyen parce qu'il conduit un peu trop vite alors qu'à quelques milliers de kilomètres, des dizaines de milliers de fous furieux veulent lui faire la peau pour un tout autre motif ? Lequel au fait ?

Faut-il encore nous emmerder pour un contrôle technique ou une vignette d'assurance quand des fanatiques avec papiers en règle s'arrogent le permis de chasse aux terrasses ? Onze mille islamistes radicalisés dans le pays, et moi qui n'ai toujours pas actualisé l'adresse de ma carte grise.

J'ai beau regarder froidement "les choses", me dire que 129 morts et 352 blessés, c'est tout juste ce qui distingue un bon bilan de sécurité routière d'un mauvais, savoir que le terrorisme n'a - pour l'heure et pourvu que cette heure dure longtemps - jamais tué autant que la bagnole ni même que la moto, je n'arrive pas à me dire que la sécurité routière reste prioritaire.

Je sais que je déconne, je l'espère même. Je sais que résister à cette menace consiste d'abord à ne rien changer à nos habitudes, à notre mode de vie, à notre système de valeurs. On ne peut pas laisser se réinstaller sur la route la petite sauvagerie irréfléchie qui prévalait dans les décennies précédentes au prétexte qu'une immense sauvagerie délibérée menace nos vies. Je le sais, mais le cœur et l'esprit n'y sont pas.

 

PS : J'espère aussi que concernant les excès de vitesse parisiens de la nuit de vendredi, la machine administrative aura la décence de ne pas envoyer les PV.