Une fois de plus, la France a endossé son costume de super-héros déterminé à sauver la planète. Le méchant ? Le réchauffement climatique et son cortège de désastres annoncés, canicules, tempêtes, élévation du niveau des océans ; et pire, plantation de cabernet dans le sud de l'Angleterre !

La France, patrie des droits de l'homme et de Nicolas Hulot, ne pouvait tolérer que de telles menaces pèsent sur l'humanité. Elle a, dans une de ses géniales fulgurances, inventé le bonus/malus environnemental. En peu d'années, nous avons réduit de 12 % les émissions de CO2 des deux millions de voitures que nous achetons chaque année. Cela représente une diminution de 2 % à l'échelle des 35 millions de voitures qui parcourent nos routes. Et de 0,0008 % à celle du milliard d'autos sur terre. D'accord, 0,0008 %, ce n'est pas énorme, mais c'est infiniment plus que 0,0000 %. Infiniment plus, si, si, c'est mathématique.

Le monde nous sera-t-il un jour reconnaissant de ce que cet effort nous a coûté ? Quasiment deux milliards et demi d'euros de déficit au budget de l'Etat en cinq ans. Le triple ou le quadruple –saura-t-on jamais ? - en comptant le manque à gagner de TVA induit par le choix de modèles plus modestes. Et surtout, un pan entier de notre industrie automobile : entre 2008 et aujourd'hui, le nombre de voitures produites dans l'Hexagone a reculé de plus de 30 %. Il s'en fabrique désormais plus en Espagne. C'est que le bonus/malus favorise les petites Peugeot, Renault et Citroën assemblées à l'étranger et pénalise les grosses produites en France. Etrangler ces grosses berlines qui embuent la troposphère, après tout, c'était le but de la manœuvre. Pas grave, on vit très bien sans 607, C6 et Vel Satis. Surtout sans Vel Satis, soyons honnêtes… Et nous renoncerons bientôt aux 508, C5, DS5 et Laguna que le nouveau barème 2014 finira d'achever. Mais pas aux grosses allemandes, il y a des limites.

Hélas, hélas, tandis que nous mégotons nos grammes de CO2, les autres pays, ils font rien qu'à polluer. En Chine, devenue le premier marché mondial, on ne s'enquiquine pas avec ce genre de considération et aux Etats-Unis, où les ventes battent des records, les deux voitures les plus écoulées sont de gros pick-up boulottant leurs 15 litres au cent. En 2012, il s'est écoulé plus d'un million de ces Ford F et Chevrolet Silverado, l'équivalent de la moitié du marché français à eux deux…

Et l'automobile n'est pas la plus grosse partie du problème : partout la consommation de charbon – le pire des combustibles car le plus chargé en carbone - augmente pour alimenter des centrales électriques qui poussent comme des champignons. Même nos chers voisins allemands, qui n'ont toujours pas compris les mérites de la décroissance, ont augmenté leur consommation de charbon de 4 %. Résultat, vous pouvez bien vous contenter d'un moteur de 75 chevaux avec système Stop & start, 39 milliards de tonnes de C02 ont été émises en 2012 sur terre, nouveau record "mondial" - c'est le mot – qui sera battu à la fin de l'année.

Dans un salon où tout le monde fume le cigare, vous pouvez toujours compter sur le gentleman français pour sortir dans le jardin y allumer sa menthol. Et y attraper une pneumonie.



C02 : comment la France se sacrifie pour sauver la planète


Jean Savary, nouveau collaborateur de Caradisiac, a été pendant plus de dix ans rédacteur en chef du magazine Auto Moto. Dorénavant, c’est pour vous qu’il décrypte l’actualité avec pertinence, voire… impertinence.