Dominique Lapierre, grand reporter à Paris Match dès les années 1950 et auteur d’ouvrages lus par plus de cent millions de lecteurs dans le monde puis adaptés au cinéma, vient de publier son dernier livre intitulé "Il était une fois l’URSS, le fantastique raid automobile de deux jeunes couples français sur les routes interdites du pays des soviets". Une rencontre fascinante.

Caradisiac : Les Editions Robert Laffont ont publié votre ouvrage le 5 novembre 2005. Pourquoi avez-vous souhaité écrire ce livre qui retrace votre incroyable raid automobile sur les routes de l’Union soviétique en 1956 ?

Dominique Lapierre : "Il faut réhabiliter le klaxon !"

Dominique Lapierre : Le reportage que j’ai réalisé à l’époque est devenu aujourd’hui un livre d’histoire. Il dresse le portrait d’un pays dans un contexte particulier et décrit la vie des Russes dans les années 1950. J’ai également souhaité rendre hommage à Jean-Pierre Pedrazzini, un brillant photographe qui a participé avec moi à ce raid et qui est décédé à Budapest quelques semaines après notre retour et à Larry Collins, mon compagnon d’écriture durant plus de quarante ans qui s’est éteint en juin 2005.

Caradisiac : que désirez-vous transmettre aux lecteurs grâce à cet ouvrage ?

Dominique Lapierre : Je souhaite dire aux lecteurs qu’il ne faut jamais accepter un "non", il faut forcer les portes et être persévérant, comme nous l’avons été pour parvenir à pénétrer dans l’Union soviétique dans les années 1950.

Caradisiac : pour quelles raisons avez-vous eu envie d’entreprendre ce raid automobile ?

Dominique Lapierre : "Il faut réhabiliter le klaxon !"

Dominique Lapierre : Beaucoup de choses m’ont poussé à entreprendre ce raid. J’adorais les livres et les récits des grandes aventures en automobile quand j’étais enfant et adolescent, cela m’a forcément influencé. Par exemple, le récit du fantastique raid accompli juste avant la seconde guerre mondiale par deux chefs scouts français. Egalement, mon goût pour l’aventure et pour des projets impossibles et inimaginables qui deviennent réalité. Ma passion pour l’information en tant que journaliste et l’envie de décrocher un scoop. Mon but était de rencontrer le peuple russe et de faire découvrir un pays lointain et inaccessible dans tous les sens du terme de façon originale. Pour moi, aller en URSS, de l’autre côté du rideau de fer, c’était comme aller sur la Lune.

Caradisiac - pour ce raid automobile, vous êtes tombé amoureux du break Simca bicolore dénommé "Marly". Simca vous a prêté la princière Marly de sa vitrine des Champs-Élysées. Pourquoi avez-vous eu une telle affection pour cette voiture ?

Dominique Lapierre : "Il faut réhabiliter le klaxon !"

Dominique Lapierre : Cette voiture faisait partie de notre aventure, nous faisions attention à elle comme si c’était une personne, un être vivant. C’est grâce à elle que les gens venaient nous voir et nous les découvrions ainsi plus facilement. On nouait le dialogue très vite. L’automobile a été le symbole du lien entre les peuples : elle nous a permis de rentrer en contact avec les Russes et de créer un échange. Cette voiture a été capitale dans notre épopée.

Caradisiac - il n’y avait pas beaucoup de voitures dans l’Union soviétique à l’époque et les Russes n’avaient jamais vu de voitures étrangères. Que ressentiez-vous quand ces derniers, par centaines, par milliers, se précipitaient vers votre voiture et étaient si émerveillés ?

Dominique Lapierre : C’était incroyable et merveilleux ! Nous étions impressionnés par cette foule qui venait nous solliciter, nous poser de nombreuses questions comme par exemple, quelle est sa vitesse maximale, est-ce que cette voiture nous appartient ?… Nous étions comme des Martiens, à bord d’un vaisseau spatial noir et jaune : c’était la première fois que ces Russes voyaient un lave-glace automatique ! Chaque matin, avant de prendre la route, nous étions obligés de vérifier s’il n’y avait personne sous la voiture en train d’inspecter en détail la voiture. Nous avions peur d’écraser quelqu’un !

Caradisiac : à la fin de votre raid, vous lui faites des adieux émus : Simca vous la reprend. Vous savez ce qu’est-elle devenue par la suite ?

Dominique Lapierre : Non, je ne sais pas. Mais justement le magazine La vie de l’automobile m’a contacté car il souhaite la retrouver !

Caradisiac : Aliette, votre femme vous a accompagné lors de ce raid de treize mille kilomètres. Pourquoi avez-vous demandé à votre femme de venir avec vous ?

Dominique Lapierre : "Il faut réhabiliter le klaxon !"

Dominique Lapierre : Il était important d’apporter une dimension féminine dans cette aventure. Mon compagnon du raid, Jean-Pierre Pedrazzini, a demandé également à sa femme, Annie, de venir avec nous. Elles ont accepté toutes les deux avec joie notre proposition car c’était un incroyable défi. Grâce à elles, nous avons pu rencontrer, parler et connaître des femmes russes. Sans nos épouses, il aurait été difficile de les aborder. Ce raid est également l’aventure de deux jeunes ménages : nous avions tous les quatre une vingtaine d’années. Ma femme m’a été d’un précieux soutien lors de ce raid. Elle a été très courageuse face aux obstacles que nous avons rencontrés. D’ailleurs, le magazine Marie-Claire s’est associé à notre projet.

Caradisiac : quel est aujourd’hui le souvenir le plus marquant que vous gardez de votre raid automobile ?

Dominique Lapierre : Le souvenir le plus marquant est notre arrivée dans ce pays : c’est comme si nous découvrions une autre planète.

Caradisiac : seriez-vous prêt à retenter un raid automobile aujourd’hui ? Si oui, dans quel pays et pourquoi ?

Dominique Lapierre : Oui, volontiers, un raid Alaska - Terre de feu, par exemple. Cela serait passionnant de traverser toute l’Amérique, du nord au sud à la rencontre des différentes civilisations : une belle aventure automobile !

Caradisiac : quelle a été votre première voiture ?

Dominique Lapierre : Ma première voiture a été une vieille Amilcar de 1924 avec laquelle j’ai été jusqu’en Turquie. J’ai fait 300 km en marche arrière car la marche arrière était plus puissante que la 1ère vitesse pour gravir les côtes. Puis, étudiant aux Etats-Unis, j’ai acheté une Chrysler décapotable de 1937. Après avoir épousé Aliette à New York, c’est dans cette voiture que nous sommes partis en voyage de noces au Mexique. Par la suite, j’ai eu d’autres voitures et je les ai conservées à chaque fois de nombreuses années. Je m’habitue à une voiture et j’ai du mal à m’en séparer. Je raconte d’ailleurs tous mes coups de cœur pour l’automobile dans mon ouvrage intitulé Mille soleils.

Caradisiac : quelle était la voiture de vos parents ? Quels sont vos souvenirs d'enfance ?

Dominique Lapierre : Mes parents n’avaient pas de voiture. Ils n’avaient pas de permis de conduire. Nous habitions à Paris et pour partir en vacances, nous prenions un taxi jusqu’à la gare d’Orsay.

Caradisiac : quelle est votre voiture actuelle ?

Dominique Lapierre : Une vieille Rolls-Royce Silver Cloud de 1959. J’ai aussi une [2CV citroën.

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Caradisiac : dans la vie de tous les jours, quel type de conducteur êtes-vous ?

Dominique Lapierre : J’ai une conduite raisonnable, prudente et respectueuse vis-à-vis des règles de sécurité.

Caradisiac : avez-vous gardé un souvenir précis de votre examen au permis de conduire ? Vous l’avez eu du premier coup ?

Dominique Lapierre : J’ai passé mon permis en 1950 et je l’ai eu du premier coup ! J’avais alors 19 ans. L’examinateur a tellement apprécié ma conduite qu’il m’a dit : "Je partirais bien en voyage avec vous !"

Caradisiac : qu’attendez-vous d’une voiture ?

Dominique Lapierre : La fiabilité et le confort. Pour moi, c’est comme une deuxième maison. Et une voiture est aussi une thérapie ! Quand je suis énervé ou que je ne me sens pas bien, je prends ma vieille Rolls-Royce pour m’évader. Cela me détend et me fait un bien fou. J’aime l’odeur de son cuir. Les voitures ont toujours été pour moi des compagnes extraordinaires.

Caradisiac : vous y connaissez-vous en mécanique ?

Dominique Lapierre : Un petit peu. J’arrive à me débrouiller avec les vielles voitures mais avec les voitures actuelles, c’est une autre histoire ! Elles contiennent beaucoup trop d’électronique pour moi !

Caradisiac : vous regardez les courses de Formule 1 ?

Dominique Lapierre : Je me suis beaucoup intéressé à la Formule 1 cette année car j’ai suivi avec attention le parcours du jeune pilote de Renault, Fernando Alonso. J’aime l’univers des courses automobiles. J’ai d’ailleurs fait un reportage pour Paris Match sur la course mythique des 24 Heures du Mans et j’étais très impressionné par les pilotes, notamment par le Néo-Zélandais Chris Amon qui m’a fait tourner dans sa Jaguar à 300 km à l’heure sur le circuit.

Caradisiac :vous avez participé à quelles courses ?

Dominique Lapierre : J’ai participé au Rallye Alger-Le Cap en 1958 et j’ai fait également un rallye personnel Bombay-St.Tropez à bord de ma Rolls-Royce Silver Cloud de 1959 !

Caradisiac : si vous n’aviez pas été journaliste, vous auriez pu être pilote de course ?

Dominique Lapierre : Sincèrement, non. Je n’aurais pas pu consacrer ma vie uniquement aux courses. J’ai trop soif de découverte, d’information, de changement. Et puis, les courses, ça va trop vite. On n’a pas le temps de rencontrer les gens ou de découvrir les paysages.

Caradisiac : que pensez-vous des mesures contre l'insécurité routière (radars…) ? Des nouvelles mesures anti-pollution (le biocarburant) ?

Dominique Lapierre : Je suis complètement favorable aux radars. J’ai l’impression que les automobilistes français se sont calmés, qu’ils roulent moins vite : la peur du gendarme est toujours efficace ! Et j’applaudis également les mesures anti-pollution. Il est certain que la pollution est un véritable fléau qu’il faut éradiquer. J’ai horreur de voir sur la route des pots d’échappement qui fument atrocement. Le biocarburant est une solution d’avenir.

Caradisiac : quel est votre point de vue sur les émeutes en banlieue (voitures brûlées...) ?

Dominique Lapierre : "Il faut réhabiliter le klaxon !"

Dominique Lapierre : Je trouve scandaleux qu’on brûle des voitures. La voiture est un instrument de travail précieux. Je mène en Inde une action humanitaire au profit des habitants très pauvres des bidonvilles de Calcutta et des zones rurales du Bengale. Là-bas, un clou, un morceau de carton, un tube vide de dentifrice ont une valeur. Alors, vous pensez, brûler des voitures ! Quel crime cela peut représenter pour ceux qui n’ont rien ! C’est révoltant d’assister à de tels actes en France.

Caradisiac : avez-vous un "coup de gueule" et "un coup de cœur" concernant l’automobile ?

Dominique Lapierre : Un coup de gueule : les automobilistes ne savent plus utiliser leur klaxon. En effet, il est interdit de klaxonner en ville et donc certains automobilistes ont la mauvaise habitude de vous doubler sans prévenir. C’est très dangereux. Pour moi, le klaxon est indispensable pour avertir autrui de votre présence et de vos intentions.

Dominique Lapierre : Un coup de cœur : la boîte de vitesses automatique. Je ne pourrais plus m’en passer ! Quand je vois certains chauffeurs de taxis qui, faute d’une boîte automatique, embrayent et débrayent mille cinq cents fois par jour, cela me dépasse !

Résumé du livre

Dominique Lapierre : "Il faut réhabiliter le klaxon !"

"Il était une fois l’URSS, le fantastique raid automobile de deux jeunes couples français sur les routes interdites du pays des soviets" est un ouvrage riche en informations, émouvant, drôle et surprenant (la moitié des droits d'auteur est reversée à une œuvre humanitaire en Inde pour aider les plus démunis).

Fascinés par les grands raids automobiles du début du siècle, Dominique Lapierre, 25 ans, et Jean-Pierre Pedrazzini, 27 ans, tous deux reporters à Paris Match, arrachent l'autorisation de parcourir l'Union soviétique de Khrouchtchev en voiture, accompagnés de leurs femmes. A bord d'un break Simca bicolore "Marly", les quatre jeunes Français vont vivre treize mille kilomètres d'aventures. De la Pologne à l'Oural, de la Biélorussie au Caucase, des clochers du Kremlin aux palais des tsars sur les bords de la mer Noire, ils découvrent des lieux mythiques et des paysages de rêve et, surtout, ils font la connaissance des Russes. Au fil de leurs rencontres, se pose une question obsédante : comment le régime soviétique a-t-il réussi à persuader un peuple privé de liberté qu'il était le plus heureux de la terre ? Au-delà de l'incroyable voyage, une plongée dans un monde qui n'appartient ni à l'enfer ni au paradis, mais à l'histoire des hommes.

Biographie de l'auteur

30 juillet 1931 : naissance à Châtelaillon, en Charente-Maritime.

1949 : son premier récit de voyage, "Un dollar les 1000 kilomètres" (Grasset), est un succès.

1954-1967 : grand reporter pour Paris Match.

Avec la collaboration de Larry Collins, il écrit plusieurs best-sellers internationaux : "Paris brûle-t-il ?", "O Jérusalem", "Ou tu porteras mon deuil", "Cette nuit la Liberté" et "Le cinquième Cavalier".

1981 : Mère Teresa le met en contact avec James Stevens.

Il fonde une association régie par la loi 1901 ("Action pour les enfants des lépreux de Calcutta"), dont le but initial était de soutenir financièrement l'oeuvre admirable de cet anglais anonyme James Stevens.

1982 : création de l'association Action pour les enfants des lépreux de Calcutta.

1985 : première édition de La Cité de la joie (Robert Laffont).

L'ouvrage, lu par 30 millions de lecteurs dans le monde, est aujourd'hui traduit dans trente et une langues. Il a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1992.

1990 : Plus grands que l'amour

1997 : première édition de Mille soleils.

1997-1998-1999 : lancement de 3 bateaux dispensaires pour soigner les habitants de 57 îles du Golfe du Bengale, au large du Delta du Gange et du Brahmapoutre (avec Gaston Grandjean).

En trois ans, les équipes médicales travaillant sur les bateaux ont traité 100 000 personnes contre la tuberculose et exécuté 3 000 opérations.

2000-2001 : lancement et inauguration d'une clinique à Bhopal

Mars 2001 : publication du "livre événement" : "Il était minuit cinq à Bhopal..."

2005 : publication du livre "Il était une fois l’URSS, le fantastique raid automobile de deux jeunes couples français sur les routes interdites du pays des soviets".

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