Plus exactement, c’est son dernier communiqué de presse que je mets à l’honneur. Car ce n’est pas tous les jours que l’on reçoit de tels communiqués. Ils sont même, à mon avis, beaucoup trop rares.


Lisez plutôt…


« « Douleur, tu n’es pas un mal » martèle le stoïcien. Arnaud Peyroles et son équipier Renaud Derlot sont arrivés en terre poitevine en tête du championnat de France FFSA GT, avec 35 points d’avance, et ont quitté la Communauté de communes du Montmorillonnais avec un écart porté à 66 unités. Entre les deux, il a fallu vaincre mille périls, endurer souffrances physiques et tortures morales. Mais ça valait le coup.


Pourtant situé au cœur d’un pays de verts bocages, le circuit du Val de Vienne ressemblait à un chaudron en fusion en cette fin de mois de juin. A cette évocation, on pense instantanément à Zenon de Kition qui, après avoir déposé le brevet du stoïcisme, enseigna à ses disciples l’importance de la maîtrise de soi. Mais pouvait-il imaginer les sensations extrêmes vécues 2301 ans plus tard dans le cockpit d’une Corvette Z06 GT3 ? « Il a fait chaud, très chaud dans les voitures » assurait Arnaud Peyroles. « Pendant la course 2, que nous avons remportée, j’avais les pieds qui brûlaient. Je m’efforçais de penser à ménager la voiture, mais de plus en plus je pensais à mes pieds qui me brûlaient d’une manière graduelle, progressive et inexorable. Il a fallu être stoïque. »


« La douleur de l'âme pèse plus que la souffrance du corps » affirme Publilius. C’est en effet à une souffrance psychologique à deux dimensions que sont confrontés les pilotes qui, comme Arnaud Peyroles et son compagnon Renaud Derlot, dominent de façon insolente leur discipline.


Il y a tout d’abord cette solitude digne du coureur de fond, qui fut bien souvent l’apanage de l’équipage de la Corvette n°17 au Val de Vienne. « Samedi, j’étais 3ème, malgré le lest de 50 kg qui nous a été imposé en raison de notre victoire de Dijon1. Le 2ème était loin devant, le 4ème était loin derrière. J’étais seul avec ma solitude2, ma course se limitait à une sorte de répétition de gestes. Je devais préserver la voiture au maximum pour qu’elle reste performante au moment où je la laisserais à Renaud. » Le lendemain, même solitude digne de Dyogène3, en tête de la deuxième course. Dans l’abstinence de tout contact avec les vibreurs, Arnaud a tout tenté pour réduire son avance sur son plus proche poursuivant. Peine perdue, à l’arrivée, il possédait encore 13 secondes de marge…


Le pilote automobile doit également affronter l’angoisse de l’avenir, avec deux horizons temporels à considérer. Le futur proche est constitué d’une somme d’aléas dissimulés au détour de chaque virage du circuit. « Au départ de la course 1, j’ai vu voler une voiture, une « Flying Aston » m’a débordé par la droite et j’ai vu ses roues à hauteur de ma portière. Et ensuite j’ai assisté à un énorme « strike », qui a éliminé les voitures qui étaient juste devant moi. J’ai ainsi récupéré une 3ème place que nous avons conservée jusqu’au drapeau à damier. Mais il arrive que ça se passe moins bien, comme à Jarama, où une Porsche m’a littéralement éjecté hors de la piste. »


L’avenir plus éloigné ne comporte pas moins d’incertitudes. On sent l’aboutissement du titre de champion de France à sa portée, mais un grain de sable peut tout compromettre. « Rien n’est acquis puisque la prochaine course de deux heures à Magny-Cours compte double. Après, on y verra plus clair mais cette course, on devra la faire avec 50 kg de lest puisqu’on a gagné aujourd’hui ! »


Dans notre prochain communiqué, en fonction du résultat de la Corvette n°17, nous évaluerons la réconciliation du stoïcisme et de l’épicurisme chez Schopenhauer.


1Le contrôle anti-dopage auquel Arnaud Peyroles a dû se soumettre à Dijon a révélé que ses urines ne contenaient aucune trace de produit Dopant ni de shampoing Dop.

2Contrairement à Georges Moustaki, qui, lui n’est jamais seul avec sa solitude (Ed. Majestic, 1966)

3Mais sans tonneau, fort heureusement. »


Si Peyroles se prête au jeu de communiqués qui sortent de l’ordinaire, il faut aussi saluer son auteur : Romane Didier.


J’ai hâte de découvrir le prochain ! Pas vous ?