En 2015, comme en 2013, 70 % des amendes issues de la répression routière n'ont pas servi à améliorer les infrastructures routières. C'est en substance ce que dénonce 40 millions d'automobilistes en cette fin de semaine. De là, à savoir exactement ce qui est fait de tout cet argent, ce n'est pas si évident. Caradisiac l'a vérifié...

Vous avez une question concernant la Sécurité routière, vos droits par rapport à un PV, votre assurance ou tout autre sujet lié à votre véhicule, demandez notre avis, Caradisiac vous répond dans sa rubrique « Vos questions – Nos réponses ». Avec la collaboration de Maître Caroline Tichit, avocate spécialisée dans la défense des conducteurs.


La question de l'internaute

« Selon 40 millions d'automobilistes, sur la totalité des amendes perçues grâce à la répression routière, évaluée à 1,671 milliard d'euros pour 2015, "pas plus de 30 % de ces recettes sont utilisées à des fins d’amélioration des conditions de sécurité sur les routes françaises". Vrai ou pas ? »

Fanny Pierre


La réponse de Caradisiac en bref

En toute franchise, c’est surtout bien difficile à dire ! Ce dont on peut être à peu près sûr, c’est que sur l’ensemble des amendes routières perçues, il y en a en effet plus de 50 % - et même certainement bien plus - qui ne sont pas attribués à la rénovation des routes, autrement dit à l’amélioration des infrastructures routières, la préoccupation en creux de l’association de défense des automobilistes. Pour le reste, la traçabilité financière étant loin d’être évidente, il n'est pas simple de se montrer précis. Mais, selon nos calculs, il parait tout à fait concevable qu'il n'y ait guère plus de 30 % qui y soient en effet consacrés.


Dans le détail


Ce dont on est sûr : 45 % ne sont pas destinés aux routes (avec même 26 % qui vont au désendettement de l’État)

Sur la totalité des amendes routières, soit 1,671 milliard d'euros pour 2015, on sait que près de 755 millions d'euros ne sont pas affectés à l'amélioration des routes, puisque :

  • 440,9 millions d'euros sont accordés au désendettement de l’État,
  • 217,1 millions d'euros au programme des radars (leur entretien, leur renouvellement),
  • 45 millions d'euros au Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), lequel sert au financement de la vidéoprotection,
  • 30 millions d'euros au programme Procès-verbal électronique (Pvé),
  • 21,9 millions d'euros au Fichier national du permis de conduire (FNPC), soit à la gestion du permis à points.

Il est relativement simple de retrouver ces différents postes de dépenses, en étudiant le circuit financier prévu pour les amendes routières, annexé au projet de loi de Finances pour 2015 (reproduit ci-dessous).

Où va l'argent des amendes routières (radars et autres) ?


Ce qui reste flou : la part véritablement consacrée aux routes pourrait ne pas dépasser les 30 %

Et attention, cela ne veut pas dire que tout le reste – les 249,1 millions d'euros versés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), d'une part, et les 667,2 millions d’euros aux collectivités territoriales, d'autre part – est réservé à l'entretien et la réfection du réseau routier ! Officiellement, l’établissement public administratif qu’est l’AFITF est « chargé de coordonner le financement de grands projets d'infrastructures de transport ». Toutefois, il ne s'agit pas du seul financement des infrastructures routières, mais aussi des projets ferroviaires et de ceux liés aux transports en commun.

En 2012, sur la totalité de son budget, l'AFITF avait ainsi consacré 20,7 % aux routes. En 2015, cette part a grimpé à 31,4 %, ce qui, rapporté à l'enveloppe globale des 249,1 millions d’euros qui lui a été confiée, correspond à plus de 78 millions d'euros... Ceci dit, c'est toujours près de 171 millions d’euros qui restent donc voués à autre chose que les routes !

L’affaire se corse vraiment pour les 667,2 millions d’euros attribués aux collectivités territoriales. Car pour ce qui les concerne, on n’a aucune précision, si ce n'est que sur cette dotation, il y a 64 millions qui sont remis « aux départements, à la Collectivité territoriale de Corse et aux régions d'outre-mer afin de financer des opérations contribuant à la sécurisation de leur réseau routier ».

Pour les 603,2 millions d'euros restants, on n'a quasiment aucune visibilité dans les dossiers budgétaires de la comptabilité publique. Selon un avis parlementaire rendu dans le cadre du projet de loi de Finances 2015, il est juste estimé que les départements dépensent davantage pour les routes et la voirie que pour les transports. En se calquant sur cette répartition, de l'ordre respectivement de 61,5 % contre 38,5 %, on peut simplement en déduire que les collectivités territoriales ont dû réserver - sur les 603,2 millions restants  quelque 371 millions d'euros aux routes, contre 232 millions aux transports en communs...


Et donc près de 70 % des amendes pour entretenir le système répressif

Au final, sur 1,671 milliard d'euros issus de la répression routière, on peut donc évaluer que 513 millions d'euros « seulement » ont été accordés l'an dernier à la révision des routes, soit bien 30,7 % ! Et pour 2016 ? Aucun bouleversement n'est à envisager. Dans l'ensemble, les proportions sont conservées. Simplement, la dotation réservée aux routes devrait progresser, puisque les recettes attendues de la répression routières sont elles-mêmes données à la hausse, à 1,680 milliard d'euros...

Recettes prévisionnelles amendes de la circulation et du stationnement routiers

Recettes

Pour 2015

Pour 2016

Total recettes 1 671 196 668 1 680 800 000
1 - Amendes forfaitaires (AF), soit : 1 217 817 897 1 220 500 000
AF contrôle automatisé « radars » 658 100 000 672 300 000
AF hors contrôle automatisé 559 717 897 548 200 000
dont PV électronique 474 431 218 440 400 000
dont timbre amende 85 286 679 107 900 000
2 - Amendes forfaitaires majorées (AFM), soit : 453 378 771 460 300 000
AFM faisant suite à des AF contrôle automatisé 125 000 000 135 000 000
AFM faisant suite à des AF PVé 193 070 918 235 000 000
AFM faisant suite à des AF « timbre-amendes » 135 307 853 90 300 000

Source : selon les annexes aux PLF 2015 et 2016.


Ce que l'on peut retenir de cette étude budgétaire, c'est que les amendes routières servent surtout et avant tout à entretenir le système répressif. De là, à affirmer que ce système répressif, tel qu'il existe, ne contribue pas à la Sécurité routière... Vaste débat !