Les températures baissent et les vieilles rengaines réapparaissent. Il suffira d’un bout d’autoroute enneigé et bloqué, de quelques milliers d’automobiles coincées pour que le débat soit relancé. Faut-il rendre obligatoire les pneus hiver à la mauvaise saison ? Un moyen a priori efficace pour éviter ces gros désagréments. Le député Républicain Pierre Morel-A-L'huissier a souhaité cette obligation, et a émis une proposition de loi dans ce sens en 2013. Il a été renvoyé à sa chère circonscription (enneigée) de Lozère et son texte n’a pas été adopté.

Pourtant, en Allemagne, au Luxembourg et dans le nord de l’Italie, il est interdit d’affronter les frimas sans être chaussé de gommes spéciales. Évidemment, on connaît les effets bénéfiques de ce type de chaussons. Là où les pneus classiques deviennent durs comme du bois, en dessous de 7°, ils gardent leur souplesse. Et quand ça glisse, ils conservent (un peu) de grip. Que du bonheur. Sauf que ce bonheur se paie. Entre 200 et 800 euros le lot de 4 pneus. Il convient d’y ajouter la monte, la démonte et le stockage de ces gommes durant les beaux jours. Bref, c’est un budget, qui s’ajoute au gros budget auto déjà conséquent. On n’est pas très loin de la discrimination par les pneus, où les plus riches pourront vaquer ou bon leur semble, quand les plus modestes devront rester chez eux.

Une forme de privatisation du déneigement des routes

Mais surtout, lorsque les millions de voitures circulant en France seront équipées, ce sera un sacré clou ôté des pneus de la collectivité. Retraversons le Rhin et observons. Depuis l’instauration de la loi allemande rendant obligatoire les pneus hiver en cas de neige ou de verglas, que se passe-t-il ?

Les länder, ces régions autonomes, se contentent de saler les grands axes. Partout ailleurs, les routes ne sont plus dégagées. Raison invoquée : la protection de l’environnement, car le sel utilisé pollue les nappes phréatiques. Ce qui est rigoureusement exact. Résultat : sur le réseau secondaire allemand, la fluidité de la circulation hivernale est laissée aux bons soins des conducteurs, de leurs pneus, et de l’argent qu’ils y auront investis. C’est une forme de privatisation du service public qui ne dit pas son nom. Et une sacrée économie pour les collectivités locales et territoriales qui s’épargnent ainsi l’achat et la maintenance de déneigeuses et peuvent réduire leurs stocks de sel.  

Une mesure qui coûte est une mauvaise mesure

Comment ? Quoi ? Des économies ? Deux mots qui risquent de faire mouche en ces temps de disette et de baisse des dotations de l'Etat aux villes et aux départements, justement chargés de l’entretien des routes. Du coup, il y a fort à parier qu’après le prochain épisode neigeux, des voix s’élèveront à nouveau sur les bancs de l’assemblée pour réclamer une fois de plus l’obligation des pneus hiver. Une proposition de loi qui, cette fois, pourrait bien être acceptée. Car si celle du député de Lozère a été retoquée, c’est peut-être que les coupes budgétaires aux départements et aux communes n’étaient pas encore aussi drastiques qu’aujourd’hui. Et que le bon Pierre Morel-A-L'Huissier avait naïvement ajouté à son texte un article précisant que les foyers à faibles revenus devaient recevoir une compensation pour l’achat de pneus hiver. Une mesure qui coûte est aujourd’hui une mauvaise mesure. Mais une mesure qui permet de faire des économies est de celles qui font les lois remarquables. Et si elle permet d’épargner les nappes phréatiques, c’est un texte exceptionnel.