Il sera capable de faire la différence entre l'émission d'un SMS vilaine manie interdite au volant, et une conversation téléphonique, autorisée avec un kit mains libres.

Voilà qui ouvre de jolies perspectives. D'abord, si on est capable de détecter à distance des milligrammes de vapeur de d'alcool dans l'haleine d'un conducteur, on doit pouvoir aussi repérer sa fumée de cigarette et le prendre en flag s'il s'en grille une à bord. Ce sera bientôt interdit en présence d'un enfant âgé de moins de douze ans.

On me rétorquera que ces nouveaux radars ignorent qui, du conducteur ou de ses passagers, a textoté ou picolé, qu'il n'est pas facile de savoir s'il y a un enfant à bord dans une voiture à vitres arrière teintées, et que dans les deux derniers cas, il suffira d'ouvrir une fenêtre pour se débarrasser des molécules et particules compromettantes.

Bien vu. Il faudra donc interdire d'ouvrir les vitres puis édicter un nouveau règlement européen d'homologation qui proscrit les vitres ouvrables et rende obligatoire climatisation et badge de télépéage. Quant à savoir qui est le coupable, ne seront conservés que les clichés avec conducteur seul à bord pour l'alcool et les textos et ceux avec gamin sur la banquette arrière pour le tabac. On pourra aussi prévoir des contrôles ciblés en aval de ces radars ; les ronds-points semblent avoir été inventés pour cela.

Vous voyez qu'avec un peu d'imagination on trouve une solution à tout !

D'ailleurs, il ne faudrait pas s'arrêter en si bon chemin, il y a tant d'autres comportements répréhensibles à « répréhenser » ! Répréhensons donc, et de toute urgence.

Tenez, j'ai lu un jour dans une brochure de la Sécurité routière qu'il faut manger léger avant un long trajet, pour éviter le coup de barre postprandial. Et que mangent les gens dans les restaurants d'autoroute ? Des frites ! N'allez pas me faire croire qu'un laser à spectrographie différenciée n'est pas capable de déceler l'odeur de friture qui trahit le criminel s'étant empiffré sans songer aux conséquences de ses actes.

Notez que la salade ou les légumes verts ne sont pas conseillés non plus : leur digestion ballonne l'intestin, ce qui nuit à la bonne circulation sanguine et donc à l'irrigation du cerveau et par conséquent aux réflexes. Or qui dit "ballonne" dit déballonne. Vous me suivez ? Non ? Vous êtes donc incapable d'inventer le radar de prout, qui serait particulièrement efficace contre les mangeurs de cassoulet, cette nourriture de chauffeur routier irresponsable qui pique du nez à 14h15 et va encastrer sa citerne à essence dans un autocar rempli d'enfants.

Encore 3 000 tués à gagner ? La technologie a de la ressource. Voici la liste non exhaustive de ce qu'il reste à inventer pour que cesse de couler dans le fossé le sang d'innocentes victimes.

* Le détecteur de cernes sous les yeux. L'assoupissement est une cause importante et méconnue des accidents de la route. Or les logiciels de reconnaissance faciale ont fait d'énormes progrès. Il suffirait de comparer la photo d'un titulaire de permis de conduire à sa bobine sur le cliché d'un radar pour savoir s'il manque de sommeil, s'il baille, s'il écarquille les paupières...

* Le sonomètre à pneus sous-gonflés. Quand il n'est pas à la bonne pression, les fins pilotes l'auront remarqué, un pneu émet une résonance particulière qu'il sera facile de mesurer.

* Le scanner de vignettes et de contrôle technique. Si depuis l'espace un satellite est capable de lire la marque d'un paquet de cigarettes à une terrasse de café, il n'y a pas de raison qu'un scanner ne puisse vérifier depuis le bas-côté que les vignettes d'assurance et de CT sont à jour. Sans parler de la future vignette d'écotaxe généralisée qu'il était injuste de vouloir faire payer aux seuls camionneurs.

* Le détecteur de pensées coupables à l'encontre des forces de l'ordre. Trop d'usagers de la route nourrissent des sentiments hostiles à l'encontre de nos vaillantes gendarmerie et police nationales. Ces pensées intimes se manifestent par des rictus et des regards hostiles quand il ne s'agit pas d'insultes que la décence m'interdit de mentionner. Ici encore, un scanner de visage et un sonomètre un rien sophistiqué pourraient ramener ces usagers à de meilleurs sentiments.

* Le détecteur de pneus et freins trop chauds. La grande vitesse augmente la température des pneus, c'est bien connu. Et freiner avant un radar échauffe les disques de frein. Un honnête conducteur n'a aucune raison d'émettre une chaleur particulière quand il arrive au niveau d'un radar. Un détecteur thermovélocimétrique saura punir ces délinquants.

* Le sonomètre de sur-régime. Certains conducteurs ignorent ou méprisent les règles de l'éco-conduite et persistent à rouler en 5e plutôt qu'en 6e, histoire d'avoir de meilleures reprises. Leur en foutrais des reprises… Un tandem sonomètre et scanner d'immatriculation relié au fichier des cartes grises saurait qu'à 89 km/h, le 4 cylindres 1,6 HDI 115 ch d'une Peugeot 308 doit tourner à 1 900 tr/mn et non à 2 300 tr/mn.

* Le calibreur de moustiques sur le pare-brise. En attendant la généralisation de la boîte noire qu'annonce la vague naissante de la télématique embarquée, un radar est impuissant à vérifier le respect de la limitation de vitesse tout au long d'un parcours. Heureusement, d'utiles délateurs peuvent témoigner des grands excès, les moustiques et autres insectes qui laissent des traces différentes sur une carrosserie ou un carénage selon qu'on les percute à 129 ou 174 km/h.


Comment et où installer à peu de frais cet indispensable attirail de radars, lasers, capteurs, scanners et détecteurs ? L'actualité récente nous donne la réponse : sur les désormais inutiles portiques des défuntes écotaxe et taxe de transit poids lourds dont je me demandais de façon prémonitoire dans mon dernier billet à quoi ils pourraient bien servir.