Remy Deconinck est directeur du produit de chez Renault.

Caradisiac: Quel est exactement le rôle d'un directeur de produit chez un constructeur ?

Remy Deconinck: La direction du produit est un ensemble de personnes qui est là pour définir la clientèle et mettre en place le cahier des charges des futurs modèles. C'est un métier facile car il s'agit de la profession de celui qui demande. En revanche, il faut orienter ses décisions en soumettant des dossiers qui reflètent l'envie du marché ou la situation économique. Il faut savoir aussi transmettre ses idées à d'autres équipes qui vont être chargées de dessiner, de fabriquer et de vendre.

Caradisiac: Va t-on encore voir un haut de gamme Renault ?

Remy Deconinck:La réponse est plus complexe qu'il n'y paraît. Il faut tenir compte tout d'abord de l'histoire de la marque. Renault est devenu un constructeur généraliste c'est à dire qu'il essaye d'être présent sur toutes les gammes du marché. Aujourd'hui cette notion est un peu dévoyée avec l'apparition des constructeurs spécialistes. Du coup les cartes ont été redistribuées avec des généralistes cantonnés au bas de gamme. Je pense qu'un constructeur généraliste peut également faire du haut de gamme. Je ne dis pas que Renault doit faire une voiture à 1 million d'euro mais le marché jusqu'à 50 000 € reste relativement ouvert. Alors pourquoi pas Renault. Toutefois sur le plan économique, il ne faut pas oublier que le marché mondial se divise en trois parties : 1/3 Amérique du Nord, 1/3 Europe et 1/3 Asie. Une gamme qui n'existe que sur un de ces 1/3 souffre obligatoirement d'un gros handicap. Il faut donc qu'une majorité de produits puisse être vendue sur tous les marchés.

Caradisiac: Cela veut dire qu'un modèle sportif qui profiterait de l'expérience en F1 n'est pas exclu ?

Remy Deconinck:Si c'est pour faire une sorte de Mac Laren F1, c'est hors de question. A l'heure actuelle, ce n'est pas encore très clair.

Caradisiac: Quid d'Alpine ?

Remy Deconinck:On se pose la question. Quand on fait des supercars, on a besoin d'une marque dédiée comme c'est le cas par exemple pour Bugatti. Ca, je sais le faire mais je ne suis pas sûr de gagner de l'argent. Dans le cas d'Alpine, si vous mettez derrière le nom, le modèle de la Berlinette, je dis stop tout de suite pour une raison très simple. Une Berlinette était une 4 CV avec un moteur retravaillé. Les performances étaient géniales mais aujourd'hui tout le monde pourrait le faire. Et pourquoi pas même Dacia qui pourrait se doter dans les années à venir d'un modèle sportif afin de séduire une clientèle jeune. Même si ce n'est pas encore sur les rails, vous pouvez dès aujourd'hui acheter un kit chez Renault Sport pour aller tourner sur un circuit. Cela vous coûtera 4000 € et c'est super sympa.

Caradisiac: Avec le Koleos Concept, Renault dévoile sa vision du SUV . Que va-t-il apporter par rapport à la concurrence ?

Remy Deconinck:Vous le verrez bien. Avant l'alliance avec Nissan, c'étaient les constructeurs japonais et américains qui constituaient les principaux acteurs du marché. Ils venaient donc sur le marché européen par opportunité. Pour nous, c'était impossible car on n'avait pas la connaissance nécessaire. En outre, nous voulions savoir si c'était juste une mode éphémère ou durable. Grâce au partenariat avec Nissan, on a commencé nos recherches et c'est pour cela qu'on prétend apporter quelque chose de différent sur le segment de 4x4 du segment C

Caradisiac:Carlos Ghosn a annoncé des retours garantie ayant diminué de 40%, pouvez-vous nous expliquer ce chiffre ?

Remy Deconinck:Effectivement, nous étions partis d'une situation non satisfaisante. Il a donc fallu remettre en cause beaucoup de choses et on est content que cela commence à payer car c'est la première fois que l'on a un retour du marché aussi positif. Quand on avait annoncé que la prochaine génération serait sur le podium de la fiabilité, on se rend compte aujourd'hui que l'on est en voie de réussir ce challenge.

Caradisiac:Que pensez-vous des marques chinoises ?

Remy Deconinck:La plupart des constructeurs ont ou vont débarquer sur le marché européen. Je ne vois pas pourquoi les méthodes que j'applique, ne seraient pas également reprises par ces constructeurs. Dire que les produits chinois sont adaptés à nos marchés, c'est autre chose. Aujourd'hui, aucun produit n'est aussi abouti qu'une Logan mais il faut dire qu'on est parti avec un peu plus d'avance. Néanmoins, je ne doute pas du fait que l'écart va se réduire très vite.

Caradisiac:Y-t-il un modèle qui vous a plu durant ce mondial ?

Remy Deconinck:Oui, il y en a deux ou trois dans les segments intermédiaires du type coupé. Il y a la Volkswagen Scirocco qui n'est pas mal, mais également chez Ford, le Iosis X Concept. Ce ne sont pas des choses délirantes. Il y a également quelques constructeurs chinois qui proposent des choses intéressantes.

Caradisiac: Par délirante, vous qualifieriez la Nepta ?

Remy Deconinck:Je peux dire cela. On n'a jamais dit que l'on allait commercialiser Nepta en l'état. En revanche, cela inspire certains prochains modèles de la marque.

Propos recueillis par Olivier Pagès, François Chapus et Patrick Garcia