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CBD au volant, menace sur le permis au tournant !

Dans Pratique / Vos droits

Stéphanie Fontaine , mis à jour

Les affaires se multiplient devant les tribunaux. Mais les sanctions commencent bien en amont, dès les contrôles, en cas de dépistage positif… aux stupéfiants ! Alors que le CBD n'est pas considéré comme tel, les consommateurs de ce cannabis "légal" peuvent se retrouver traités comme de vulgaires délinquants. Voilà toutes les infos et les conseils à retenir sur le sujet.

CBD au volant, menace sur le permis au tournant !

Alice* est une consommatrice d’huile de CBD.

Quand elle s’est fait arrêter cet été et qu’elle a eu la mauvaise surprise de voir son test salivaire, prévu pour les dépistages de stupéfiants, virer positif, elle a tout de suite pensé à le dire aux policiers.

Mais ça n’a servi à rien.

En pareils cas, les sanctions sont quasi systématiquement les mêmes, et surtout, elles sont immédiates, sans possibilité – ou presque - d’y échapper : rétention de permis, suivie d’une suspension administrative de six mois… Soit le maximum prévu par les textes !

Et ce n’est pas toujours fini.

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Après les sanctions administratives, s'ensuit parfois la condamnation judiciaire !

La conduite après usage de stupéfiants constitue en effet un délit passible de 4 500 euros d’amende, deux ans d'emprisonnement, en plus d’un retrait de six points, et des peines complémentaires que sont la confiscation du véhicule, et de manière plus courante, la suspension du permis de conduire jusqu’à trois ans, quand ce n’est pas son annulation pure et simple !

 

Le problème, c’est que le CBD n’est pas un stupéfiant.

Il est totalement autorisé d’en consommer. Et il est d’ailleurs en vente libre à tous les coins de rue en France, et sur Internet, sans mise en garde spéciale par rapport à la conduite.

Le piège du CBD pour les automobilistes

Or, les conducteurs sont de plus en plus nombreux à se faire piéger sur la route.

Alors qu'ils ne se droguent pas, ils se font lourdement sanctionner, par les autorités administratives dans un premier temps, comme évoqué, puis potentiellement par la justice, dans un second temps…

En l'occurrence, Alice a échappé à une condamnation pénale sur les stupéfiants.

Elle a été relaxée par le tribunal Correctionnel de Lisieux (Calvados) ce lundi 19 décembre.

Les motivations exactes du jugement ne sont pas encore connues.

On sait tout de même que « les nullités soulevées concernant le dépistage et le prélèvement salivaires ont entraîné l’annulation de la procédure, et que les arguments de fond relatifs au CBD n’ont dès lors pas dû être tranchés par le tribunal », précise son avocate Laureen Spira, spécialisée en code le Route, et férue de ce genre d’affaires.

Malgré cette bonne décision, on ne peut que déplorer que « cette problématique ne soit pas davantage prise en compte », note Maître Spira.

« Le phénomène est exponentiel, les autorités ne peuvent pas l’ignorer ! », insiste-t-elle.

D’ailleurs, les consommateurs, à pied, risquent eux aussi potentiellement gros, avec la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) pour usage de stupéfiants à 200 euros (150 € en minoré/450 € en majoré).

Il est loin d’être évident de pouvoir différencier l’herbe de cannabis, complètement illicite, de l’herbe de CBD, 100 % légale.

Dans le doute, des PV peuvent donc être dressés.

CBD et conduite, quel est le problème ?

Le cannabidiol (CBD) fait partie des molécules qui composent la plante de cannabis, également appelée chanvre.

Tout comme le tétrahydrocannabinol (THC), qui est d’ailleurs le cannabinoïde le plus présent dans le cannabis.

Mais, contrairement au CBD, le THC provoque bien des effets psychotropes. Et c’est en raison de sa présence que le cannabis est classé comme stupéfiant.

Cela explique aussi que ce soit le THC recherché lors des contrôles, dans la salive des conducteurs le plus souvent.

Or, de fait, ce que l’on appelle CBD contient rarement du CBD pur.

Il s’agit généralement de mélanges de substances issues ainsi du cannabis, et il est fréquent que les produits comprennent aussi du THC

Théoriquement en trop faible quantité pour avoir un effet psychotrope, mais suffisamment pour être détecté lors des contrôles routiers !

Quelle teneur en THC dans le CBD ?

Les produits CBD, on en trouve sous différentes formes : fleurs séchées, huiles, infusions, liquides pour vapoteuses, produits cosmétiques…

À croire les vendeurs comme les consommateurs de CBD, les produits améliorent le « bien-être », soulagent l’anxiété, le stress, la douleur, améliorent le sommeil, quand ils n'aident pas au sevrage en cannabis, cette fois riche en THC.

Pourtant, « les preuves scientifiques d’un intérêt thérapeutique (...) manquent », rappelle l’Académie nationale de médecine, dans une communication récente.

Pour être conforme à la réglementation, ces produits doivent être pauvres en THC, avec une teneur inférieure à 0,3 %.

Mais « il est possible, selon la concentration en THC, la quantité et la fréquence d’usage du produit consommé, d’avoir un résultat de test positif pour le THC », confirme une étude scientifique, parue en septembre dans la revue Toxicologie Analytique et Clinique.

« Cela pourrait donc placer les utilisateurs en infraction avec la loi, notamment dans le cadre de la conduite », précise-t-elle encore.

Nous l'avions déjà constaté sur le terrain lors de notre précédente enquête sur le sujet en début d’année.

Pour autant, aucune campagne d’information pour prévenir les consommateurs n'est lancée, aucun marquage spécial sur les produits vendus n’est toujours imposé.

Simplement, les produits CBD ne peuvent pas, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques (à moins d'avoir été autorisés comme médicament).

Mais même cela, cela ne paraît donc pas toujours correctement respecté.

La publicité les concernant ne doit pas non plus aboutir, même de manière indirecte, à faire la promotion du cannabis licite.

Une réglementation encore en évolution

En France, tout le cadre légal vient seulement d'être clarifié devant le Conseil d'État, ce qui explique peut-être ce manque d’attention vis-à-vis des consommateurs en danger.

2023 devrait être l'année de la fin de la féroce bataille judiciaire entre les autorités et les producteurs/distributeurs concernés par ce marché, considéré à plusieurs milliards d’euros.

Jusqu'à la toute fin 2022, le litige se poursuivait au sujet des fleurs et feuilles de CBD. Car il résultait de l’arrêté ministériel du 30 décembre 2021, visant à établir une nouvelle réglementation, que leur vente, sous toutes leurs formes, leur détention et leur consommation étaient interdites.

Arrêté contesté devant le Conseil d'État, et interdiction suspendue dans la foulée en référé.

Puis, le 29 décembre 2022, la décision au fond, très attendue, de la plus haute juridiction de l’ordre administratif est tombée. Le Conseil d'État a annulé l’arrêté en question.

L'interdiction des fleurs et feuilles de cannabis ayant un taux de THC inférieur à 0,3 % est donc définitivement levée.

 

Pour le gouvernement, cette interdiction se justifiait aussi bien pour des motifs de santé que d’ordre public.

Non seulement, « les risques liés à la voie fumée sont établis », rappelait ainsi la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et conduites addictives (Mildeca), mais en plus il faut « préserver la capacité opérationnelle des forces de sécurité intérieure de lutter contre les stupéfiants ».

Cependant, le Conseil d'État a relevé que le taux de THC des fleurs et de feuilles pouvait être contrôlé au moyen de tests rapides et peu coûteux permettant d’identifier les variétés présentant des propriétés stupéfiantes.

En conséquence, il a jugé illégale l’interdiction générale et absolue de leur commercialisation.

Des solutions guère miraculeuses

Selon notre enquête, les laboratoires toxicologiques, qui analysent les prélèvements effectués lors des contrôles routiers pour la recherche et le dosage des stupéfiants, dont ainsi le THC pour le cannabis, sont prêts à le faire aussi pour le CBD.

Encore faut-il le leur demander.

C’est alors aux procureurs de faire évoluer leur doctrine afin d’inclure à leurs réquisitions la recherche en CBD quand ils saisissent les laboratoires pour ces analyses.

Selon un expert interrogé par Caradisiac, « cette recherche permettrait d’étudier le rapport entre le dosage CBD et le THC, et en fonction, établir que les déclarations du conducteur sont ou non plausibles ».

De là à faire infléchir les décisions de rétention puis de suspension du permis de conduire des automobilistes concernés ? Rien n'est moins sûr…

1 – À la suite d’un dépistage positif, la rétention du permis est immédiate, les résultats des analyses envoyées aux labos ne sont de toute façon pas disponibles à ce stade.

2 – En pareils cas, cette rétention du permis peut durer jusqu’à 120 heures, soit 5 jours. C’est le temps justement laissé aux laboratoires pour fournir les résultats de ces analyses…

5 jours sans permis, c'est déjà très cher payé pour un simple consommateur de CBD, dont l’intention n’était aucunement de se droguer.

3 – Comme nous le fait remarquer « notre » expert, « un dosage compatible avec une consommation de CBD n’exclut malheureusement pas totalement ou forcément une consommation de cannabis ».

Dans le doute, il ne serait pas des plus surprenants que les préfets continuent de prononcer, dans ce délai de 120 heures, leur sanction, soit la suspension administrative du permis de conduire jusqu’à six mois.

Une sanction administrative qu’il est alors quasi impossible de contester par la suite.

Dans ce domaine, les recours gracieux auprès des préfets sont généralement voués à l’échec, et par la suite, la seule contestation possible, c’est de saisir le tribunal administratif.

Mais compte tenu des délais de traitement des requêtes par la justice, largement supérieurs aux 6 mois de suspension possibles, cela n’a pas vraiment d'intérêt (sauf cas très particuliers).

Il est clair, en revanche, que « cette recherche en CBD est très importante pour consolider une défense devant le tribunal Correctionnel », relève Maître Spira.

Car après un dépistage positif et la confirmation de la présence de THC par le labo, les poursuites judiciaires s'enclenchent automatiquement - ou presque.

Pour finir, c'est bien devant le tribunal Correctionnel que le dépisté positif doit atterrir.

Faute de mieux, cette analyse en CBD paraît donc essentielle en vue de cette étape.

Un seuil bientôt toléré pour le cannabis, comme pour l’alcool ?

Pour éviter de prendre dans les mailles du filet de simples consommateurs de CBD, il semble que la solution idéale serait d’adapter les seuils de détection des kits de dépistage.

Pour Laureen Spira, il est évident que « les tests salivaires, utilisés par les forces de l’ordre, sont bien trop sensibles ».

Le problème, c’est qu’un nouveau marché, pour « l’acquisition de kits salivaires de dépistage de stupéfiants au profit de la gendarmerie nationale, de la police nationale, de la gendarmerie de l'air et de l'administration pénitentiaire » a été attribué pour 4 ans à la société Dräger début 2021.

Un contrat estimé à près de 9 millions d’euros TTC.

D’ici 2024 – et la fin de ce marché -, il paraît ainsi peu probable de voir évoluer le matériel utilisé par les forces de l’ordre.

Car tout est une question aussi de moyens.

Et c'est sans doute pour cette même raison que les procureurs ne réclament toujours pas la recherche en CBD aux labos, ce qui induirait des frais de justice supplémentaires.

En tout cas, si un seuil de détection devait se décider, cela voudrait dire en pratique que le cannabis serait légalisé jusqu’à ce niveau… Ce qui en soi serait une révolution !

Les recommandations pour optimiser sa défense

Pour rappel, les dépistages salivaires peuvent intervenir dans plusieurs cas de figure :

  • Ils sont obligatoires en cas d'accident mortel ou corporel (blessures) de la circulation.
  • Ils peuvent sinon arriver dans le cas d'une interpellation pour la commission d'une infraction, ou parce que le procureur de la République a décidé de faire une opération de contrôle.

Lors de ces contrôles, les policiers comme les gendarmes font généralement en sorte de priver les conducteurs de leur droit de bénéficier d’une contre-expertise sur les analyses effectuées.

La raison est simple : permettre cette contre-expertise prend du temps, puisqu’elle doit être réalisée à partir d’un échantillon de sang.

Or, ce prélèvement sanguin ne peut pas être effectué par les forces de l’ordre elles-mêmes, en bord de route, contrairement aux autres opérations.

Après un dépistage, le plus souvent salivaire, positif, c’est en effet un prélèvement le plus souvent aussi de la salive qui est envoyé au laboratoire pour vérification.

Et tout cela est ainsi réalisable et réalisé par les agents surplace.

La simplicité même du procédé explique la multiplication des contrôles à cet égard ces dernières années.

En 2021, selon le dernier bilan de l'Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR), la conduite de véhicule après usage de stupéfiants a représenté 105 582 verbalisations, soit une augmentation de plus de 31 % par rapport à 2017.

C'est désormais plus que le nombre d'alcoolémie délictuelle (+0,8 g/l de sang) référencé !

Quant au nombre de contrôles pour en arriver là, il a plus que doublé depuis 2017.

En 2021, il y a ainsi eu 630 957 contrôles d’usage de stupéfiants, versus 285 741 quatre ans plus tôt.

« Pour le respect des droits de la défense, priver les conducteurs de cette possibilité d’une contre-expertise, c’est tout simplement scandaleux », regrette Me Spira.

Et, en l’occurrence, par rapport à la recherche en CBD, « cet échantillon sanguin représente mieux ce qu’il y a dans le corps, donc on est plus à l’aise pour en discuter », reconnaît l’expert en toxicologie interrogé.

Conclusion : profiter de la possibilité de cette contre-expertise est un avantage certain pour ceux qui ont besoin de prouver leur innocence.

Il ne faut donc pas hésiter à tenir tête aux forces de l’ordre, et à l’exiger… Quand bien même cela rallonge de manière conséquente la durée du contrôle.

Le test capillaire, la bonne idée !

« Il est essentiel de se soumettre dès que possible à une nouvelle analyse, afin de rechercher aussi bien le CBD qu’une éventuelle présence en THC », recommande également Me Spira.

C’est d’ailleurs ce qu’elle avait conseillé à Alice, en vue de préparer au mieux sa défense.

Celle-ci a même procédé à un test capillaire qui permet de dépister la consommation de drogues sur une longue période.

Dans un laboratoire de toxicologie, le coût de ce test peut s’élever à 180 euros TTC au minimum.

Dans le cas d’Alice, le test a en tout cas confirmé l'absence de THC et donc l'absence de consommation de cannabis licite « entre mai 2022 et fin juillet 2022 ».

Or, son dépistage positif et les prélèvements qui s'en sont suivis sont datés de tout début juillet.

Un argument imparable qu'a su entendre la magistrate qui l'a jugée ?

En l'absence du jugement écrit pour l'instant, c'est difficile à dire.

Mais le procureur, de son côté, n'a rien voulu entendre. Dans ses réquisitions, il avait réclamé un mois d’annulation de son permis de conduire et 30 jours-amende à 10 euros.

« Dans ma pratique, je ne peux que constater que les juges restent réceptifs à nos arguments, j’obtiens donc des résultats très positifs », assure Laureen Spira.

Si les relaxes, comme dans le cas d'Alice, demeurent fréquentes pour les consommateurs de CBD épaulés par des avocats, c’est loin d’être évident pour les autres.

En outre, comme expliqué dans notre article, ces relaxes interviennent la plupart du temps, après de lourdes sanctions administratives quasi-systématiques et quasi incontestables.

Enfin, un autre danger guette : les vrais consommateurs de cannabis ont compris la combine…

Eux aussi déclarent de plus en plus souvent aux policiers ne prendre que du CBD.

Cela n'évite pas les sanctions administratives, comme déjà expliqué, mais peut insinuer le doute au moment du traitement judiciaire de leurs affaires.

À force, la justice pourrait donc avoir envie de serrer la vis. Avec le corollaire de condamner encore plus d’innocents !

* Son prénom a été modifié

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