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1 point gratuit : gagnant-gagnant ?

Dans Pratique / Radars

Jean Savary

À partir du 1er janvier prochain, le ministre de l’Intérieur – et de la Sécurité routière – nous fera grâce du point perdu pour les excès de moins de 5 km/h. Un cadeau qui va rapporter gros à l’État. Et, je le parie, coûter cher à la société.

1 point gratuit : gagnant-gagnant ?

Une mesure qui fait plaisir à tout le monde - ou presque - et ne coûte pas le moindre euro, ça ne pousse pas sur les arbres. En ne retirant plus 1 point pour les excès de vitesse de moins de 5 km/h à partir de 2024, le gouvernement cajole l’immense troupe des 40 millions d’automobilistes, quasiment les deux tiers de la population, et les plus grognons.
Ce sont des automobilistes qui, ne l’oublions pas, formèrent à l’automne 2018 les premiers bataillons des gilets jaunes, juste après avoir encaissé coup sur coup, durant l’été, le durcissement du Contrôle technique, l’instauration du 80 km/h et l’annonce de la taxe CO2 sur le gazole.
Bref, comment ne pas voir ce point cadeau comme une pilule pour faire digérer la détestée réforme des retraites et redonner un peu de popularité à l’exécutif ?
Du « gagnant-gagnant » comme on dit à Bercy…
C’est le cas de le dire, car non seulement, ce point offert ne coûtera rien au Trésor public, mais il va lui rapporter, et sans doute pas qu’un peu… Je parie que le nombre d’excès de vitesse de moins de 5 km/h, qui représentent déjà quasiment 60 % des flashs, va grimper en flèche. Et avec eux, mécaniquement, ceux de plus de 5 km/h car tant qu’à se relâcher…
Le record de 2018 et son milliard d’euros récoltés pourrait redevenir d’actualité après les moissons minables de 2020 et 2021, l’après Covid.

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Se décrisper le pied droit…

Moi, c’est sûr, je vais y aller de mes 45 € à zéro point (paiement dans les 30 jours) non plus une fois par an en moyenne, mais sans doute deux ou trois. Et, soyons fous, pourquoi pas quatre, il faut bien nous désendetter, Bruno Le Maire ne cesse de le répéter.
C’est qu’avec ce petit bouclier – mot à la mode – au-dessus de mon permis, je vais forcément me décrisper un peu le pied droit et, à moto, me décontracter un peu le poignet.
Mais pas pour rouler vraiment plus vite, pas mon genre, je respecterai toujours les limitations de vitesse parce que je les trouve respectables (un peu moins le 80 quand même…), mais en les accommodant à ma manière qui est celle de la plupart des conducteurs : en tenant compte de l’optimisme du compteur, de la marge d’erreur du radar, et en prime, c’est le mot, à partir du 1er janvier prochain, allez hop, un petit 5 km/h de rab s’il fait beau ou si je suis à la bourre.
Et même de temps en temps, puisque depuis ce 1er janvier, je ne perds plus le moindre point, qu’il n’y a personne sur la route et qu’on y voit à deux kilomètres, et juste le temps de décrasser la vanne EGR ou les sièges de soupapes et de me fouetter les neurones, une petite pointe à la limite des deux points. Pas vu pas pris, y a pas mort d’homme et on dira ce qu’on voudra, c’est quand même bien marrant.

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Voici pour le sentiment du petit automobiliste hédoniste et du motard jouisseur que je ne suis pas fier d’être : en bref, merci Monsieur Darmanin.
Mais si vous voulez mon opinion de citoyen et de journaliste longtemps versé dans l’accidentologie, je trouve cette mesure parfaitement honteuse et démagogique, du pur populisme et j’hésite à écrire le mot « dégueulasse ». Ah, zut, je l’ai écrit.
Et pas du tout parce que ce serait « encore un cadeau de Macron pour les riches qui se moquent de payer 45 euros et pourront rouler plus vite » comme me l’affirme un vieux copain gauchiste.

Des dizaines de vies

Il ne s’agit pas de ça : je suis certain que ce petit cadeau coûtera des dizaines de vies et Gérald Darmanin, en tant que ministre de l’Intérieur dont dépend la Sécurité routière, est bien placé pour le savoir.
Il y a quatre mois, ses services publiaient une étude détaillée imputant 257 morts supplémentaires au retour des 90 km/h dans 46 départements. Certes, comme le bilan qui avait estimé le nombre de vies épargnées après un an de 80 km/h, elle fournit un chiffre trop précis pour être exact et repose sur des calculs trop uchroniques pour être scientifiques. Mais cette étude honnêtement réalisée et argumentée donne indéniablement un ordre de grandeur : entre 200 et 300 morts.
Sans aucune surprise d’ailleurs. Depuis des décennies, des dizaines d’études internationales démontrent une corrélation directe entre augmentation de la vitesse moyenne et de la mortalité routière.
Mais là, ce n’est pas seulement l’allure moyenne qui va s’accroître, mais en plus les redoutables différentiels de vitesse entre usagers.
Déjà, on avait les frontières invisibles entre les départements à 80 et ceux à 90, un authentique piège à distraits avec son lot de conducteurs roulant de bonne foi trop vite ou trop lentement. Et aussi la cohabitation des grands prudents qui ne conduisent pas à la limite du compteur mais en dessous et de ceux dans mon genre qui s’autorisent quelques km/h de marge « d’erreur » au-delà de la vitesse GPS, ce qui fait déjà 10 à 15 km/h d’écart entre « les gentils et les méchants ».
Au premier janvier 2024, il y aura en plus ceux qui veulent bien payer 45 € et s’autoriseront le nouveau « +5 km/h », et ceux qui n’ont pas les moyens de se l’offrir. Et toujours, évidemment la petite minorité qui roule à l’instinct, au Coyote et plus ou moins pied dans la tôle, tout ce petit monde se collant, se poussant et se dépassant dans la bonne et plus souvent la mauvaise humeur.

Qui peut croire que tout va bien se passer ?

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« Il faut arrêter d’emmerder les Français » (Georges Pompidou, 1966)

Fallait-il vraiment offrir ce petit cadeau empoisonné ? Suivant quelle expertise se l’est-on permis ? Celle des barons d’automobile-club de l’association 40 millions d’automobilistes ? Celle des cotisants de la Ligue de défense des conducteurs.
En se disant au doigt mouillé que 5 km/h, ce n’est rien du tout ? Au nom du « il faut arrêter d’emmerder les Français. » de Georges Pompidou ?

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Au fait, sont-ils si « emmerdés » que cela par le permis à points, ces Français ? En 2021, 336 00 conducteurs ont dû suivre un stage de récupération de points et 75 000 permis ont été invalidés, dont seulement 219 pour une accumulation d’infractions à 1 point.
Pardon de faire ma Marie-Chantal, mais je me demande comment on peut encore perdre tous ses points en 2023 avec Waze, Coyote ou même la seule alerte de « zone de danger » d’un GPS à 100 balles. Sans parler des limiteurs présents aujourd’hui sur presque toutes les voitures. Manque de chance ou désinvolture ?
Si nous en étions encore au permis à points modèle 1992 de Georges Sarre avec ronces et épines, je comprendrais et compatirais.
Mais ce PAP, on lui a sérieusement limé les pointes avec la loi Loppsi en mars 2011. Depuis douze ans donc, on peut effectuer un stage de récupération non plus tous les deux ans, mais tous les ans. Et un unique point perdu se récupère en six mois sans infraction au lieu d’un an auparavant. Le nœud coulant qui est le principe même du permis à points est devenu tellement élastique qu’on peut tirer sur la corde sans trop se serrer le kiki.
Au point que 80 % des conducteurs ont leurs douze points (encore mon cas ce matin, mais le facteur n’est pas passé) et 85 % dix ou onze points, dingue, non ?
Il doit s’agir des mêmes 80 % qui, nous le confirmons à chaque sondage sur ce que nous pensons des autres conducteurs, « conduisent mal » ou « très mal ».

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