Toutes les catégories sont concernées comme s’en explique Vincent Beaumesnil, le directeur sport de l’ACO.


« Vincent Beaumesnil : pourquoi l’Automobile Club de l’Ouest ajuste-t-il les performances entre les voitures de même catégorie ?



2011 est l’année de l’introduction d’un nouveau règlement technique. Si, en théorie les choses sont évaluées en amont, il est important d’analyser ce qu’il se passe réellement en piste. Lorsque les équivalences essence/Diesel de 2011 avaient été évoquées l’an dernier, celles-ci faisaient la quasi-unanimité : les concurrents engageant des voitures essence s’accordaient à dire que ces nouvelles dispositions donnaient un vrai plus à ce type de motorisation, par rapport aux équivalences de 2010.
Pour évaluer les résultats sur piste, l’ACO se base sur les performances des voitures en course uniquement, les essais libres et qualificatifs n’étant pas intégrés dans les analyses. La performance est une notion globale qui intègre tous les facteurs pouvant influer sur le résultat d’une voiture. On ne considère donc pas seulement les temps au tour mais tout ce qui contribue au résultat : puissance, couple, aérodynamique, efficacité en courbe, temps d’arrêt aux stands, consommation de carburant, de pneus, etc.


Pourquoi cet ajustement intervient-il après les 1 000 Km de Spa-Francorchamps le 7 mai et non avant ?


Règlementairement, il était prévu que l’ACO baserait son analyse après deux courses. Il était donc nécessaire d’attendre les 1 000 Km de Spa-Francorchamps (deuxième manche ILMC) de manière à obtenir ces deux points de comparaison. Les 12 Heures de Sebring (première manche ILMC) seules n’étaient pas suffisantes. De plus les 6 Heures du Castellet (épreuve LMS) et la course de Long Beach (épreuve ALMS) n’avaient pas réuni tous les types de technologie (Diesel par exemple) pour pouvoir en déduire tous les ajustements nécessaires. En procédant à un ajustement immédiatement après Spa-Francorchamps, l’ACO dispose de suffisamment de données et laisse aux concurrents un temps suffisant pour intégrer les ajustements avant Le Mans.


Quelles sont les données étudiées ?



Tout facteur déterminant pour la performance d’une voiture sur lequel l’ACO peut intervenir de manière à ajuster les performances :

- Temps au tour


- Temps sectoriels


- Phases d’accélération


- Vitesse de pointe


- Autonomie / Consommation


- Temps de remplissage du réservoir


- Consommation de pneus


Quelles sont les décisions prises par l’ACO ?



Il faut détailler catégorie par catégorie.


En LM P1 (Le Mans Prototype 1, catégorie des Audi R18, Peugeot 908, Pescarolo-Judd, Rebellion Toyota, Aston Martin AMR-One, etc.)




Compte tenu de l’Article 19 du règlement technique tout d’abord : une analyse de relevés sur piste (dont des boucles de chronométrage mesurant les accélérations, données confidentielles non communiquées aux concurrents à Spa) et des données relevées par les boîtiers d’acquisition de l’ACO ont permis de définir une valeur de performance moteur compensée entre technologies Diesel et essence. Dans ce cadre, seule la performance moteur est évaluée et prise en considération et non les temps au tour. Sur cette base l’ACO a appliqué la variation de bride de remplissage d’essence (+ 10 mm pour voitures essence, - 3 mm pour voitures Diesel).



Compte tenu de l’Article 1.3 du règlement sportif ACO ce que l’on appelle communément la  "règle des 2%’’ : selon cet article, seules les voitures ayant participé à deux épreuves peuvent bénéficier de l’ajustement qui prévoit que le niveau de performance de la meilleure voiture d’une technologie plus lente (essence dans ce cas) soit ajusté à 2 % au maximum de celui de la meilleure voiture d’une technologie plus rapide (Diesel dans ce cas). Cet ajustement supplémentaire vient donc en complément de l’article 19 si nécessaire (si l’ajustement de l’article 19 ne permet pas de rentrer dans les 2 % d’écart, alors un complément est accordé. Dans le cas présent : + 0.3 mm de bride moteur et – 10 kg pour les voitures essence éligibles pour cet ajustement. Ou + 0.5 mm dans le cas d’une voiture dont il est impossible de réduire le poids).


Pouvez-vous expliquer concrètement chacune de ces mesures ?



La modification des brides de remplissage en essence tout d’abord. Il s’agit du curseur sur lequel il est possible d’agir de manière conséquente. Le changement d’une simple pièce dans le tuyau de ravitaillement permet d’augmenter la différence de temps de ravitaillement de plus de 22 secondes, soit l’équivalent de 2 secondes au tour aux 24 heures du Mans. Une mesure simple et peu coûteuse pour les concurrents. Il ne faudra pas se méprendre : ce n’est pas parce que les Diesel mettront plus de temps à ravitailler que ces voitures sont plus gourmandes en carburant que les véhicules à essence. D’ailleurs la quantité maximum de carburant à bord est de 65 l pour les moteurs Diesel et de 75 l pour les moteurs essence et le nombre de tours réalisés entre 2 arrêts devrait être le même pour les moteurs essence et les moteur Diesel. Elles devront simplement passer plus de temps au stand vu que le débit de gas-oil délivré sera plus faible.




Poids des voitures (- 10 kg) et bride (+ 0.3 mm ou + 0.5 mm) ensuite : ces faibles valeurs viennent en complément de manière à atteindre les objectifs définis par l’étude de performance. Certains constructeurs étant dans l’impossibilité d’aller au-delà de ces valeurs (à cause de moteurs déjà développés à leur limite ou de la délicate problématique de réduction de poids, particulièrement complexe en l’absence de lest) l’ACO n’a pas souhaité créer de déséquilibre entre les concurrents.




La modification du réservoir pour les voitures essence est également exclue car elle implique un travail trop lourd à certains concurrents.


Quels sont les résultats que vous escomptez sur le circuit du Mans ?


Globalement ces ajustements se verront plus sur la distance parcourue à l’arrivée d’une course qu’en secondes gagnées sur la feuille de temps au tour sachant que nous agissons principalement sur les temps d’arrêt aux stands. Cela peut se traduire par un gain de 4 à 5 tours lors des 24 heures du Mans.


Pourquoi modifier les voitures essence en priorité ?



Car c’est ce que prévoit le règlement ACO qui explique bien : « seront ajustées les voitures de la technologie plus lente ».


Pourquoi accordez-vous – 15 kg pour la Peugeot 908 HDi-FAP (version 2010) de l’écurie Oreca ? 



L’article 19 donne également la possibilité d’ajuster les performances des LMP1 2010 par rapport aux LMP1 2011 en maintenant toutefois un léger avantage aux LMP1 2011. Celle-ci se trouvant à plus de 2 % des meilleures voitures Diesel 2011, ce retrait de poids (facile à imposer car la voiture est déjà lestée de 30kg) permet de réduire cet écart important.


Qu’en est-il des LM P2 (Le Mans Prototype 2 : Oreca 03-Nissan, Honda Performance Development, OAK-Pescarolo, etc.) ?



L’ACO s’étant engagé à ce que les voitures ne répondant pas aux règles de prix plafonné ne soient pas plus performantes que les voitures répondant au règlement 2011 (prix maxi : 345 000€), là aussi un ajustement a été apporté par le biais de la bride de remplissage de carburant (+ 3.5 mm pour les voitures 2011). Au niveau des moteurs nous avons constaté un léger manque de puissance pour le Judd. Nous avons donc ajusté la puissance de ce dernier, tout comme nous l’avions fait pour le bloc Honda Performance Development.


Enfin pour les LM GTE (Le Mans Grand Tourisme Endurance : Lotus Evora, Ferrari 458 Italia, BMW M3, Corvette, Porsche…) ?


L’article 19 du règlement technique LM GTE (balance de performance) a été appliqué, principalement sur la Lotus Evora qui a connu des débuts difficiles, et la Ford GT Doran sur laquelle nous avons appliqué les balances de performances qui lui avaient été accordées aux Etats-Unis.


Source: ACO