Face à la nouvelle Sandero qui possède vraiment quelques accents de la VW Polo, la première question à Bruno Rogier en charge du marketing France est de savoir à quel moment intervient le marketing dans la genèse du produit ? En fait assez tardivement puisque cela se produit à 1 année et demie du lancement alors que la direction générale (Carlos Ghosn et Tavares, Laurens Van den Acker ...etc) valide le design bien plus tôt. Après avoir avoué lui aussi avoir été surpris par la ressemblance avec la Polo, il m'explique que le marketing se charge alors de menus détails d'apparence et de positionnement prix. Concernant ce nouveau design, l'objectif des designers étant d'exprimer la robustesse et la fiabilité, il n'est pas étonnant que cela rentre dans le champ de Volkswagen qui prône les mêmes valeurs à travers son design. Mais pour le moment, Bruno Rogier assure qu'il n'y a pas de risque d'embourgeoisement de Dacia qui par nature, ne peut pas sortir d'une échelle de tarifs bien définie. Rappelons quand même que Volkswagen (voiture du peuple) n'était au sortir de la guerre rien d'autre que ce qu'est aujourd'hui Dacia, une marque qui n'a finalement que 7 ans d'âge sous son ère nouvelle. Et si Renault cherchait à devenir le Audi d'un Dacia/VW ?

Rappelons quand même que Volkswagen (voiture du peuple) n'était au sortir de la guerre rien d'autre que Dacia aujourd'hui, une marque de seulement 7 ans d'âge sous son ère nouvelle. Et si Renault cherchait à devenir le Audi d'un Dacia/VW ?


Comment cette nouvelle génération à la qualité en très nette hausse (l'isolation est bien meilleure, le design est nettement plus travaillé, les matériaux plus qualitatifs, les équipements plus nombreux et les assemblages plus soignés) peut-elle s'afficher au même prix sans rogner ses marges ? L'explication est simple finalement.

La Logan était à l'origine un modèle unique destiné aux pays émergents, ce qu'elle n'est plus tout à fait aujourd'hui. Quand la Logan a été conçue pour être rentable en étant seule au catalogue (et fabriquée dans une seule usine), désormais, l'économie d'échelle existe et se répartit ici entre 3 modèles aux faces avant et aux nombreuses pièces communes. L'économie réalisée alors sur un modèle est à diviser sur 3 aujourd'hui. Par ailleurs, les choix opérés sur la première mouture reposaient également sur un fait : sa diffusion dans des pays émergents où le style importait peu. Le résultat fut alors un design sans finesse, des vitres droites, peu d'emboutissages. Désormais, on sait que les Dacia se vendent aussi en Europe de l'Ouest, les designers en ont tenu compte, les ingénieurs aussi (insonorisation, régulateur de vitesse, ESP) alors que les économies d'échelle sur les 3 modèles permettent désormais un peu de fantaisie sans entamer les marges réalisées ailleurs.


Sachant alors que les marges des modèles Dacia sont nettement plus importantes que ceux de Renault, on peut se demander pourquoi, à terme, Dacia ne récupèrerait pas les modèles les moins bénéficiaires de Renault, à savoir ceux des petits segments ? Bruno Rogier qui regarde à 4 ou 5 ans devant lui explique qu'un des fondamentaux de Dacia est la famille et l'habitabilité (avec le prix et la fiabilité) et qu'il n'est donc pas cohérent pour la marque de proposer une petite citadine du type Twingo. Pour la marque non, mais pour le groupe ? La question reste en suspens.


La question de la différence avec Renault et d'une possible cannibalisation se règle d'une part avec le design plus sensuel, plus expressif de Renault (Laurens Van den Acker gère les design des 2 marques) mais aussi sur certains équipements comme des toits vitrés qu'on ne verra pas chez Dacia ou les boites EDC, le Stop&Start alors que la puissance de 110 ch du Duster semble être un maximum possible au sein de la gamme.


La progression de Dacia a été spectaculaire durant ces 7 dernières années (ventes x15 entre 2004 et 2011), comment voit-on l'avenir de la marque ? En fait, 7 ans, c'est une génération d'auto, le temps est venu de travailler à la fidélisation et sur les secteurs où la marque n'est pas présente mais où elle est cohérente comme chez les artisans qui ne représentent que 7% des ventes (90% de particuliers). En fait, même si on peut penser qu'on ne nous dit pas tout, la gamme Dacia est désormais quasiment au complet, c'est ce qu'affirme Bruno Rogier. Dès lors, la conquête des parts de marché est terminée, Dacia est la 5eme marque (en volume) en France derrière les 3 Françaises et Volkswagen, le Duster est la 5eme vente aux particuliers et la Sandero, la 8eme. Difficile de faire mieux effectivement même si à l'époque des bonus pour le GPL et des primes à la casse, Dacia a pendant un moment devancé VW. Bref, pour le marketing, il est l'heure de scruter les chiffres pour savoir si un client Dacia qui vient pour le moment à 97% d'une autre marque (forcément ça n'existait pas avant) sera enclin de racheter une autre Dacia après sa première expérience. Fidéliser et optimiser les ventes de la gamme actuelle, voilà les chantiers.


Ce succès d'envergure et les nombreuses usines qui sortent de terre à travers le monde (les prochains marchés visés sont l'Inde et par ricochet la Grande-Bretagne du fait du poste de conduite à droite) font émerger dans ma tête une question un peu folle : et pourquoi ne fabriquerions-nous pas ces Dacia si fortement margées en France ?

La réponse fuse aussitôt : « ah mais non Dacia n'est pas une marque française. »

Je réplique : « Les Renault sont bien fabriquées dans d'autres pays que la France. »

Tentative d'argument : « Oui mais ça n'est pas possible, nous ne pourrions pas proposer des prix aussi bas. »

« Quelle serait la différence sur le prix d'une voiture si on la faisait produire en France ? 500 euros, c'est vraiment important ?»

« Je ne sais pas si c'est 500 euros mais, 7700 euros, ça n'est pas 8300 euros. Les clients négocient jusqu'à un tapis de sol à 40 euros alors imaginez 500 euros. »

« Oui mais vous ne vendez pas les versions premier prix en France ? »

« Si, pour la Logan oui. »

Bref, pas convaincu …


La dernière question concerne une hypothétique Dacia électrique ou hybride, 2 modèles rejetés dans la seconde en expliquant que ça n'entre pas dans le cadre actuel. Idem pour une sportive Dacia qui ne répond pas aux critères actuels qui définissent la marque. Pas de réponse non plus sur les segments où sévissent actuellement des Fluence et des Latitude qui n'ont de Renault que le logo et que l'on trouverait probablement plus cohérente chez Dacia. Bref, Dacia entre dans une période de consolidation des acquis et de renouvellement de gamme sans grande surprise, le temps d'une nouvelle réflexion sur le produit viendra plus tard. Mais peut-être est-ce nécessaire pour laisser le temps à Renault de faire un pas en avant ?